dimanche 30 janvier 2011

A propos de la reconstruction du système éducatif en Haïti.

Le journal Le Monde publie, dans son édition datée du 12 janvier 2011, un article cosigné par mesdames Irina Bokova, Directrice générale de l'Unesco et Michaëlle Jean, Envoyée spéciale de l'Unesco pour Haïti, intitulé Un an après le séisme, faire plus pour Haïti – Investir durablement dans ce pays dévasté. Dans ce texte, les auteures insistent, à juste titre, sur l'importance de l'éducation et de la culture. Elles écrivent notamment que L'éducation est la condition de toute reconstruction durable. Sans elle, pas de fonctionnement efficace de l'Etat, pas de formation des élites. En Haïti, au moins 40% de la population n'a aucun bagage scolaire, seulement 1% atteint le niveau universitaire..... L'urgence est maintenant à la reconstruction du système éducatif...

Ce constat est difficilement contestable et pourtant on ne peut qu'être surpris et déçu à la fois par l'attitude de certains universitaires haïtiens et par l'appui qu'ils sont capables de trouver auprès de certaines institutions internationales. Je fais référence ici à la suite qui a été donnée à la destruction, par le séisme du 12 janvier 2010, du tout nouvel Institut Aimé Césaire (IAC), Institut de formation universitaire géré par l'Agence universitaire de la Francophonie (AUF) (opérateur de l'Organisation Internationale de la Francophonie). Cet Institut qui venait d'être inauguré en avril 2009, délivrait un Master en Economie et Gestion, avec quatre spécialités, bénéficiant d’un encadrement international et professionnel de haut niveau. Le diplôme était reconnu pour son excellence et jouissait d'une grande notoriété auprès des étudiants haïtiens comme des expatriés. Cet Institut était soutenu par un consortium d'établissements universitaires composé de l'Université d'Etat de Haïti (UEH), de l'Université Quisqueya d'Haïti et de l'Université des Antilles et de la Guyane (UAG-France). La délivrance du diplôme de fin d'étude était innovante puisque le Master était délivré par chacune des universités du consortium et qu'il était envisagé à court terme de délivrer un diplôme cosigné par les établissements du consortium, alors qu'il s'agissait d'un diplôme de l'UAG qui bénéficiait donc du rayonnement international de cette université. On ne peut donc qu'être surpris et déçu par les actuels projets de l'AUF de mettre un terme à la formation, après seulement quatre cohortes de diplômés.

L'argumentaire avancé par certains recteurs haïtiens, et sur lequel semble se fonder la décision de l'AUF, serait que les universités haïtiennes délivreraient déjà des Masters et que cette formation viendrait concurrencer les formations nationales existantes. Cet argument est difficilement soutenable. En effet, cet Institut avait été mis en place à la demande des autorités haïtiennes et il n'avait pu ouvrir ses portes qu'après environ une dizaine d'années de travail préparatoire mené principalement par l'AUF et le Gouvernement haïtien. Le diplôme délivré par l'Institut Aimé Césaire, est un diplôme de niveau international qui n'a pas d'équivalent sur place. De surcroît, aucun établissement universitaire haïtien ne propose l’une des quatre spécialités du master de l’Institut Aimé Césaire (Gestion des entreprises privées, Gestion et évaluation des collectivités territoriales, Tourisme durable et aménagement, Monnaie-Banque-Finance-Assurance). Institut à vocation régionale et internationale (ses étudiants sont issus d’Haïti, de la Caraïbe et d’autres territoires francophones du monde), l’Institut Aimé Césaire était appelé, à l'image de tous les autres instituts de la Francophonie, à devenir un véritable centre d'excellence pour la Caraïbe entière et à déboucher in fine sur la formation doctorale en vue de renforcer les universités haïtiennes en moyens d’encadrement humains ; les enseignants de ces universités étant constitués à plus de 80% de non-docteurs, avec seulement deux enseignants habilités à diriger des recherches. Le corps enseignant de l’Institut était lui-même internationalisé avec des professeurs venant de France, des Etats-Unis d'Amérique, du Canada, d’Haïti, de la Caraïbe etc. Un bâtiment neuf, très moderne, avait d'ailleurs été construit pour accueillir cet Institut. Il s'est malheureusement effondré le 12 janvier entraînant dans la mort un professeur de nationalité russe, 9 étudiants et un doctorant.

Il aurait été logique de capitaliser les efforts consentis par la Francophonie et le Gouvernement haïtien pour remettre en place cet Institut plutôt que de « profiter » du séisme pour faire purement et simplement disparaître cet Institut. Haïti en aura certainement maintenant encore plus besoin de cadres de haut niveau, compte tenu des pertes humaines considérables enregistrées tant par les entreprises privées, que par les institutions publiques. Il est, d'autre part, difficile d'admettre que ce qui était bon pour Haïti, aux dires de tous, avant le 12 janvier 2010, puisse devenir subitement mauvais après cette date...

Il faut noter que le projet de remplacer les formations au Master de l'IAC par un collège doctoral ne peut prendre en compte totalement les besoins en formation de cadres de la région et de Haïti notamment. En effet, "alimenter" un tel collège en vue d'atteindre l'excellence, requiert des étudiants formés au niveau Master selon les standards internationaux, ce que réalisait l'IAC. Il faut aussi se rappeler que, dans sa forme initiale, l'IAC intégrait déjà le développement progressif de la recherche. La formation de docteur avait d'ailleurs déjà été entamé puisque, malheureusement, on dénombre un doctorant parmi les morts disparus dans l'écrasement de l'Institut le 12 janvier.

Je souhaite vivement, comme les étudiants de l'Institut, que les responsables concernés reviennent sur leur décision et remettent rapidement en place cet instrument au service de l’excellence et du développement de la République de Haïti.

Diversité linguistique

On ne peut qu'être inquiet et attristé de voir les Français, les européens et le monde en général considérer que les langues étrangères se résument à la seule langue anglaise. Le journal Le Monde en date du 26 janvier rapporte que, pour les séjours linguistiques de leurs enfants, les Français plébiscitent les pays anglophones a hauteur de 71%. Ceci n'est pas propre à la France et la plupart des pays suivent la même voie. Si on veut bien se donner la peine d'imaginer le paysage linguistique de notre planète dans un avenir pas trop éloigné, on peut se demander que sera alors devenue la diversité linguistique lorsque toute la planète s'aura s'exprimer en anglais ? Peut on croire qu'il sera encore possible de pratiquer la langue française ou d'autres langues, lorsque l'anglais sera généralisé ? Il existe pourtant d'autres voies susceptibles de sauvegarder les langues mais peu de gens semble s'y intéresser.