mardi 28 août 2012

Pour un gouvernement minoritaire


Les élections législatives au Canada et au Québec permettent parfois que le vote débouche sur ce que l'on a coutume de désigner au Québec par un « gouvernement minoritaire ». Cette situation se produit lorsqu'il n'est pas possible de dégager une majorité absolue au sein de l'assemblée élue. Dans ce cas, le parti qui compte le plus grand nombre de représentants élus est chargé de constituer le gouvernement mais il ne dispose pas d'une majorité absolue au sein de l'assemblée nationale puisque le nombre total de parlementaires membres de l'opposition est plus grand que celui des députés qui désignent le gouvernement.

Les responsables et les partisans des deux principaux partis québécois, le Parti Libéral du Québec (PLQ) et le Parti Québécois (PQ) dits aussi "vieux partis", ne cessent de clamer l'impérieuse nécessité de voter de façon à ce qu'un gouvernement majoritaire soit issu des élections du 4 septembre 2012 car ce serait la seule voie qui leur permettrait d'appliquer l'intégralité de leur programme.

En réalité, il y aurait plus d'inconvénients que d'avantages pour les citoyens Québécois à se retrouver, après le 4 septembre, en situation majoritaire. En effet, dans une telle configuration, un parti au pouvoir a les mains libres et n'a de compte à rendre à aucun des partis de l'opposition. Il peut donc appliquer son programme mais, et c'est là surtout que le bât blesse, il peut aussi ne pas l'appliquer sans subir de pénalité. C'est ainsi que certaines promesses électorales faites dans un but essentiellement démagogique en vue de récolter le maximum de voix avant le vote, pourraient ne rester que des promesses sans que les partis minoritaires ne puissent rien faire pour obliger le parti au pouvoir à agir selon son propre programme. En situation minoritaire, les partis de l'opposition peuvent négocier avec le gouvernement, en s'appuyant sur leur pouvoir de mettre le gouvernement en minorité, pour qu'il réalise les points de son programme voire certains autres qui n'y figuraient pas.

De plus, lorsqu'un projet de loi correspond à un souhait partagé par la majorité des citoyens, il y a toutes les chances pour que ce projet soit appuyé par plusieurs groupes de parlementaires de sorte qu'il aurait toute les chances d'être adopté par l'assemblée. Réciproquement, un projet qui ne serait pas appuyé par une partie suffisante de la population pourrait se voir rejeté à l'assemblée nationale même si ce projet figurait au programme du parti au pouvoir.

Globalement, on peut donc dire qu'un gouvernement minoritaire est plus démocratique qu'un gouvernement majoritaire. Il a aussi la vertu de constituer, a postériori, une certaine protection des citoyens contre les promesses démagogiques des partis pendant la campagne électorale. Cependant, pour qu'un gouvernement minoritaire puisse éviter le plus possible les situations de blocages qui pourraient se produire si l'opposition parlementaire était contrôlée par un seul parti qui aurait concentré la majorité des voix des citoyens opposés au parti majoritaire, il est important qu'il règne un certain équilibre au sein des partis membres de l'opposition parlementaire. C'est la raison pour laquelle les citoyens ne doivent surtout pas se priver de voter pour des « petits partis » ou pour des partis plus jeunes....

lundi 20 août 2012

La fin du vote stratégique


Le débat des chefs du 19 aout a été décevant en partie comme l'est souvent ce genre de débat.
La chaine de télévision RDI avait rassemblé, pour cette émission de deux heures, quatre personnalités politiques : le Premier ministre actuel, Jean Charest pour le Parti Libéral du Québec (PLQ), Françoise David pour Québec Solidaire (QS), François Legault pour la Coalition Avenir Québec (CAQ) et Pauline Marois pour le Parti Québécois (PQ). Cette confrontation mettait en présence trois politiciens expérimentés (Charest, Marois et Legault) ayant tous occupé au moins un poste de ministre au sein du gouvernement du Québec et une néophyte en la personne de madame David. Il est aussi important de noter que deux partis politiques plus anciens (le PQ et le PLQ) se trouvaient en face de deux partis jeunes (la CAQ et QS).

Il ressort de cette confrontation que les trois politiciens plus expérimentés, ont tous tellement de « casseroles » attachées à leur basque, qu'ils ont occupé une grande partie de leur temps à s'entredéchirer, à se renvoyer au visage leurs errements du passé. La seule qui s'en sort bien avec allure et dignité est F. David qui bénéficie de la jeunesse de sa formation politique et du peu de recul de son expérience en politique pour se voir reprocher de mauvais comportements. Face aux trois politiciens, la représentante de QS a fait preuve d'une simplicité, d'une franchise et d'une honnêteté qui ont fait la différence... F David ne s'est pas laissée entrainer par les basses attaques personnelles contrairement aux trois autres. Elle a essentiellement défendue le programme de sa formation politique.

P. Marois est apparue comme la championne de la langue de bois en renvoyant souvent les problèmes aux études d'une future commission d'experts (sortie du pétrole, scrutin proportionnel, référendum sur l'indépendance...). Elle refuse d'aborder franchement et clairement de la question du referendum sur l'indépendance du Québec, elle se cache derrière la «sauvegarde des intérêts des Québécois» ce qui ressemble beaucoup aux fameuses « conditions gagnantes » de B. Landry. J. Charest s'est montré méprisant et plein de mauvaise foi envers les autres co débatteurs... Son argumentaire a souvent fait appel au passé pour tenter de faire taire les accusations portées par ses co débatteurs (Rapport Moisan pour des affaires qui datent de 1995, coupures dans le financement du système de santé par le PQ en 1996,...). Contrairement à Marois, F. David annonce clairement son option pour l'indépendance du Québec. Quand à F. Legault, il a semblé mal maîtriser ses chiffres, notamment sur la question du nombre de médecins nécessaire pour un bon fonctionnement du système de santé. Il a eut du mal à faire face à des accusations d'opportunisme suite à son passage du PQ à la CAQ...


Alors que les élections législatives ont été déclenchées en grande partie par la mobilisation des étudiants et collégiens contre l'augmentation des droits de scolarité, seule F. David a abordé de façon claire et déterminée la question de la gratuité scolaire et universitaire. Il est surprenant que la loi 78 qui a fait descendre dans la rue tant de citoyens québécois n'ait été abordée par aucun des chefs...

Dans leur conclusion les trois partis leaders dans les sondages (PQ, PLQ et CAQ) ont purement et simplement ignoré QS ce qui risque d'être une erreur pour l'avenir et pourrait annoncer la fin des espoirs des tenants du « vote stratégique »...

lundi 13 août 2012

Contre le « vote stratégique »


En cette période de préparation des élections législatives au Québec, prévues pour le 4 septembre 2012, une rumeur circule de plus en plus au sein de la population : pour se débarrasser du Parti libéral (PL) et du Premier ministre actuel, monsieur Jean Charest, la meilleure stratégie serait de voter pour le Parti québécois (PQ) même si ce vote n'était pas un choix premier. En d'autres termes, il vaudrait mieux voter pour un « grand » parti plutôt que pour un « petit ». Dans le contexte québécois, sont assimilés aux « grands partis », le PL et le PQ, tandis que des partis plus récents (Québec Solidaire (QS), Coalition Avenir Québec (CAQ), Option nationale (ON)) seraient considérés comme de « petits » partis. Ce type de vote est qualifié de "vote utile" en France et de "vote stratégique" au Québec...

Il me semble que, si le changement du paysage électoral est le but visé, ce raisonnement est erroné pour au moins trois raisons :
Si les électeurs de gauche votent en masse pour le PQ en respectant un vote stratégique, alors il est normal de penser que les électeurs de droite feront le même type de raisonnement et voteront stratégiquement pour le PL. Dans cette hypothèse, on voit peu de chance de changement à l'horizon car d'une part, l'électorat se partage presque à égalité entre la gauche et la droite et, d'autre part, il est reconnu que le parti au pouvoir au moment des élections jouit d'un avantage indéniable. En conséquence, le PL aurait toutes les chances de conserver le pouvoir et il n'y aurait aucun changement dans le paysage politique du Québec.
L'examen du passé politique récent, plus précisément des dernières élections fédérales canadiennes de 2011, montre que si l'électorat avait pratiqué un vote stratégique alors le Bloc Québécois (BQ), censé représenter les intérêts des citoyens du Québec au niveau fédéral, serait toujours bien représenté au Parlement fédéral. En effet, traditionnellement, la gauche québécoise votait régulièrement et majoritairement pour le BQ assurant ainsi une forte représentation de ce parti au niveau fédéral. Contrairement à cela, il s'est produit un immense changement dans le paysage électoral fédéral avec la quasi disparition du BQ de la scène politique. Cela n'a pu se produire que parce que les électeurs ont pris le parti de voter pour un parti jusque là peu influent au Québec, le Nouveau Parti Démocratique (NPD). Cette façon non stratégique de voter à permis que le NPD sorte de ces élections avec le statut d'opposition officielle alors, qu'auparavant il était considéré comme un « petit » parti fédéral.
Avec le système électoral actuellement en vigueur au Canada, avec un seul tour de scrutin, le vote stratégique ne laisse aucune chance aux « petits » partis de pouvoir devenir un jour des partis qui jouent un rôle important. La seule façon de pouvoir modifier le paysage politique dans un tel contexte est justement que chaque électeur se décide en fonction de ses convictions intimes sans adopter le vote utile ou stratégique. De cette façon, un « petit » parti peut avoir la chance de devenir un parti qui compte.

Dans le cadre de la future élection du 4 septembre au Québec, il ne faut donc pas empêcher les citoyens qui le désirent de voter pour QS, pour la CAQ ou encore pour ON car ce sont, en fait, les seuls partis susceptibles d'apporter du sang neuf, de renouveler le paysage politique du Québec, face aux partis plus anciens qui ont déjà monopolisé le pouvoir pendant de longues périodes, tels quel le PL et le PQ... Ne vaut-il pas mieux prendre le risque de voir le PL conserver le pouvoir mais avec une opposition renouvelée et rajeunie, plutôt que de voir le pouvoir occupé par un parti usé qui n'aurait face à lui qu'une opposition sans force ?