lundi 27 février 2012

La crise dans les Départements d'Outre-Mer français

Les explosions de violences à répétitions qui frappent les Départements d'Outre-Mer (DOM) français, telle la plus récente qui a vu la Réunion en proie à une vague de violences, ont une cause pourtant évidente : le chômage qui frise les 30 % de la population et est encore plus élevé (environ 60%) chez les moins de 25 ans. Le chômage, sans en être la seule cause, entraine avec lui bien d'autres problèmes : vie chère, problèmes de santé, de logement, pauvreté, délinquance,... Il est aussi connu que les DOM sont les départements français les plus touchés par l'insécurité.

Il est clair que les quelques décisions prises dans l'urgence, comme l'attribution de « primes de vie chère » ou l'abaissement artificiel du prix de quelques produits de première nécessité, ne sont que cautère sur jambe de bois et leurs effets sont vite oubliés devant l'arrivée de nouvelles difficultés. La solution réside donc, à coup sûr dans la création d'emplois locaux.

Cela pourrait être réalisé à partir de la mise en place d'incitations financières à la création d'entreprises locales. Il faut que des dispositions spécifiques soient prises dans ces départements faute de quoi les violences resurgiront. On pourrait penser, par exemple, à faciliter l'installation d'investisseurs (français ou étrangers) qui s'engageraient par contrat sur des objectifs et sur une durée déterminés, ou encore à des mesures de protection douanière des marchés locaux...

L'Etat français devrait donc re orienter ses aides dans cette direction. La plupart des subventions devraient être revues en fonction de leurs capacités à créer des emplois. Je pense notamment aux programmes de formation professionnelle qui, faute de débouchés sur le marché du travail, restent souvent sans effet. Faute de cela, la lutte contre la cherté de la vie dans ces départements risque de n'être qu'une action conjoncturelle de courte durée...

Cela est-il possible dans le cadre de la législation actuelle? Il est probable qu'une autonomisation plus grande de ces départements soit nécessaire pour que soit mises en place plus rapidement les mesures préconisées plus haut. Il n'est pas certain que le statut actuel soit propice à cette forme d'autonomie des DOM. La meilleure preuve de cela est que les problèmes sont toujours présents et qu'ils sont récurrents... L'installation prochaine de « l'Assemblée unique » (fusion du Conseil Général et du Conseil Régional) à la Martinique et en Guyane devrait constituer un excellent banc d'essai pour tester la possibilité de ces changements...

mardi 21 février 2012

L'enfermement des partis politiques du Québec

Récemment vient d'être crée un nouveau parti politique provincial au Québec : la Coalition Avenir Quebec (CAQ). Dirigé par un ancien ministre et ex membre du Parti Québécois (PQ), monsieur Francois Legault, ce nouveau parti a eu un assez grand succès dans la population québécoise dès l'annonce de sa création, comme l'ont montré les sondages d'opinion.

Mais depuis la divulgation de son programme, la CAQ ne cesse de perdre des intentions de vote. En fait, si l'on considère le Plan d'action de la CAQ, on constate rapidement qu'il s'agit d'un catalogue de mesures destinées à tenter d'améliorer la gestion de la province. On ne veut plus parler de séparation d'avec le Canada, mais on veut abolir les Commissions scolaires, revoir la gestion du système de santé, du système éducatif, lutter contre la corruption.... Toutes ces mesures ne donnent, malheureusement pas, naissance à un grand projet pour la province, un projet qui soit susceptible de mobiliser voire d'enthousiasmer les citoyens du Québec. Elles ne constituent pas non plus un projet novateur par rapport aux programmes des autres partis provinciaux.

Les partis politiques au Québec semblent enfermés entre deux limites programmatiques infranchissables : la séparation d'avec le Canada d'un coté et le gouvernement de la seule province au sein de la Fédération canadienne de l'autre. Dans ce second cas, on entend se restreindre à la gestion des problèmes du Québec sans intervenir de façon importante sur la politique fédérale. Le PQ a choisit la première voie tout en pratiquant la seconde, tandis que la CAQ semble s'orienter vers la seconde en éliminant la première.

Malheureusement ces deux directions sont largement dépassées et ont été expérimentées par le passé par tous les partis qui ont dirigés les gouvernements du Québec. La voie de la gouvernance interne du Québec est, par exemple, celle du Parti Libéral du Québec (PLQ) actuellement au pouvoir dans la province.

L'attente d'une grande partie des citoyens du Québec me semble toute autre : ils veulent un nouveau grand projet pour le Québec, une nouvelle perspective qui ne soit ni la séparation qui a échouée, ni l'autonomie de gestion au sein de la Fédération qui a été largement expérimentée et qui a conduit a l'affaiblissement de la province...

Les dernières élections fédérales qui ont vu les citoyens québécois voter massivement pour un parti fédéraliste de gauche : le Nouveau Parti Démocrate (NPD) et balayer, par la même occasion, le Bloc Québécois (un parti fédéraliste séparatiste !) donnait pourtant déjà l'orientation de leurs souhaits.
Une majorité de Québécois voudrait voir la politique québécoise s'élargir au niveau fédéral. Ils veulent peser plus au sein de la Fédération et cesser de voir leur influence s'effilocher au fil du temps... Ils ont compris que pour cela, ils leur fallait donner le pouvoir à un parti fédéraliste et non pas à un parti à base provinciale. Dans cette perspective, on peut penser que la CAQ perdra rapidement ses illusions comme le PQ d'ailleurs... D'ailleurs, les sondages montrent déjà que les électeurs du PQ migrent plus rapidement vers la CAQ que ceux du Parti Libéral du Québec...

Il est sûr que la présence du Parti Conservateur (PC) au pouvoir à Ottawa n'est guère favorable à cette orientation, cependant elle peut aussi jouer le rôle de catalyseur en favorisant la mobilisation des citoyens du Québec contre le PC au profit d'un parti fédéraliste de gauche...

vendredi 17 février 2012

Soyons raisonnables!

Les médias du Québec ont récemment relevé un incident peu banal relatif a ce que l'on désigne ici sous le nom « d'accommodements raisonnables ». Brièvement, il s'agit d'un professeur de musique de l'école primaire Saint-Gabriel-Lalemant qui a pris l'initiative de censurer la chanson d'Edith Piaf "l'hymne à l'amour" pour l'amputer de son dernier vers « Dieu réunit ceux qui s'aiment ».

Cet événement a suscité tout un débat au Québec. La porte-parole de l'opposition officielle en matière de laïcité, Carole Poirier, a interpellé la ministre, hier (16 février 2012), en dénonçant le geste de ce professeur. L'enseignant a été critiqué par deux ministres du gouvernement du Québec : la Vice-Première ministre et ministre de l'Education, du Loisir et du Sport et la ministre de la Culture. La commission scolaire de Sorel-Tracy, dont dépend l'école où exerce l'enseignant en question, a pris le parti de soutenir le professeur en argumentant qu'il n'existait pas de règlement auquel l'enseignant aurait pu se référer. Cet échange a permis à la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, Kathleen Weil, d'évoquer le projet de loi 94 sur les accommodements raisonnables dans l'administration publique, un projet de loi auquel le Parti québécois préfère une Charte de la laïcité. Le projet de loi 94 est dans les limbes depuis la fin de septembre dernier.

A Radio-Canada, le 17 février, dans le cadre de l'émission « Medium large », le sociologue Gérard Bouchard, qui a co dirigé la Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles, interrogé sur cette affaire a répondu : « Je pense qu’il faudra légiférer au sujet des accommodements raisonnables. Ensuite, il faudra peut-être mettre à la disposition de ceux qui en ont besoin un organisme qui pourra répondre à toutes les questions délicates par le biais du téléphone. ». Autrement dit, cette personnalité propose le vote d'une loi et la création d'une « commission de sages » telle que préconisée dans le rapport qui avait été rédigé suite aux auditions sur les accomodements raisonnables au Québec...

Tout ce bruit me parait un peu excessif. Il me semble pourtant qu'une solution simple et de bon sens existe. Il suffirait de laisser l'enseignant et son administration scolaire débattre du problème avec les parents qui le souhaite afin de trouver ensemble un modus vivendi. Vouloir, encore une fois, référer les personnes concernées à une nouvelle commission ne peut que contribuer à la déresponsabilisation des citoyens. Dans l'excellent film du réalisateur québécois Philippe Falardeau, "Monsieur Lazhar" on voit à quel excès peut mener cette déresponsabilisation : pour être "politiquement correct" un professeur de gymnastique se condamne à faire courir les enfants en rond pendant des heures afin d'éviter d'avoir à les toucher physiquement et risquer alors d'avoir à faire face à des accusations d'attouchements de la part des enfants et de leurs parents...

mercredi 15 février 2012

Comment les partis de gauche ont rejeté les classes pauvres à droite.

Au début du 20e siècle les ouvriers, qui constituent la majorité de la classe défavorisée votent généralement à gauche et même à l'extrême gauche. Cette observation est valable pour la plupart des pays d'Europe occidentale, Amérique du nord exceptée où l'anticommunisme n'a pas permis aux partis politiques de gauche d'émerger. C'est une époque propice aux partis communistes et, plus généralement, aux organisations de gauche. Le journal « Le Monde » en date du 12-13 février 2012 contient une bonne analyse de ce phénomène (« Le lent glissement à droite des ouvriers européens » par Jean-Pierre Stroobants).
Pour de nombreux analystes, ce mouvement vers la droite reflèterait la difficulté de la gauche à penser ses rapports avec le capitalisme et la mondialisation. Je voudrais, faire état ici d'une explication supplémentaire ou complémentaire.

A l'époque du communiste triomphant, en URSS et dans les pays d'Europe de l'est notamment, les partis de gauche en occident ont eu tendance à privilégier des politiques susceptibles de venir en aide aux pays communistes au lieu de proposer des solutions aux problèmes réels que rencontraient les classes pauvres dans leur propre pays. C'est l'époque où l'on disait que les dirigeants des partis communistes d'Europe occidentale allaient chercher leurs ordres à Moscou. Dès lors on peut comprendre que naisse, déjà entre les années 1920 et 1980 environ, une certaine déception des classes pauvres. Souvenons-nous de la signature des Pactes Germano-Soviétiques en 1939... La chute du mur de Berlin en 1989 viendra concrétiser l'échec des partis communistes en Europe de l'est et en Union soviétique. On peut donc dire que dans cette aire géopolitique, les communistes ont échoués à conduire la classe ouvrière sur la voie du bien être. Cette grande déception a été difficilement vécue par tous ceux qui ont cru en l'espoir d'un mieux être à venir dans ces territoires communistes... Nous pensons que cet échec n'aurait certainement pas eu les mêmes conséquences au sein du monde occidental si les partis politiques de gauche en Europe occidentale avaient su prendre leur distance avec ceux des pays de l'est et, s'ils avaient accordé la priorité à la résolution des problèmes de leurs concitoyens... Le glissement vers la droite des partis de gauche me semble donc dater des années 30. Accessoirement d'ailleurs, on peut noter que ce glissement entraine, presque automatiquement, la dérive vers l'extrême droite des partis de droite...

La droitisation des classes pauvres va se poursuivre avec l'échec des partis sociaux-démocrates qui, à partir du moment où ils sont parvenus au pouvoir en Europe occidentale, n'ont fait que gérer le capitalisme et la mondialisation à la façon des partis de droite. Le début du déclin de la social-démocratie peut être daté des années 1960. Entre les années 1960 et maintenant, les partis sociaux démocratiques en Europe du Nord ont perdu environ 20% de leurs votes.

En France, depuis les années 70, les statistiques et les sondages permettent de vérifier un recul de la corrélation entre classe sociale et électorat. Le monde ouvrier quitterait la gauche selon le journal « Le Monde » : « En mai 1981, le Parti socialiste rassemblait 74 % du vote ouvrier ; en avril 2002, il n'en captait plus que 13 %. La droite parlementaire ne profite guère de ce rejet : le vote des classes populaires a d'abord nourri la montée de l'abstention et, en second lieu, le vote pour les extrêmes. Lors de l'élection présidentielle de 2002, près du tiers des ouvriers qualifiés et des contremaîtres ont voté pour l'extrême droite. » (c’est-à-dire en fait près du tiers de ceux qui ont voté, et non près du tiers du total). Autre exemple probant (journal « Le Monde » en date du 12-13 f évrier 2012) : « dans la ville de Västeras en Suède qui fût dans le temps la région la plus sociale-démocrate de Suède, on voit aujourd'hui la gauche au coude-à-coude avec la droite et c'est généralement l'extrême droite qui fait pencher la balance ». La suite logique de ces déceptions aboutit à la situation d'aujourd'hui. Là encore, les partis socialistes ont été puiser leur inspiration dans les théories néolibérales plutôt que de tenter de résoudre les vrais problèmes de la classe démunie, à savoir les questions de l'emploi, de l'éducation et de la santé...

Les partis de gauche européens ont donc d'abord été inféodés au parti communiste d'URSS puis, aux thèses néolibérales et à la mondialisation issues du monde anglo-saxon. Ils n'ont donc, en pratique, jamais tentés de résoudre les vrais difficultés rencontrées par les citoyens les plus pauvres de leur pays mais ils ont plutôt obéis à des directives venues de l'extérieur et qui étaient donc orientées vers le bénéfice d'autres catégories de personnes. Il est clair, par exemple que les théories néolibérales ont pour objectif premier la satisfaction des classes les plus aisées de la société comme le prouve d'ailleurs les statistiques économiques qui montrent que les plus riches se sont enrichis ces dernières années en occident, tandis que les plus pauvres s'appauvrissaient...

Le monde ouvrier ne sait plus de nos jours, à qui s'adresser pour assurer sa défense et il a tendance à placer son espoir dans les partis qui ne semblent pas encore corrompus par le pouvoir, c'est à dire les partis d'extrême droite. Compte tenu de ce que l'on peut attendre de ces partis, s'ils venaient à prendre le pouvoir, on est en droit de craindre que l'avenir ne réserve une nouvelle période d'amère déception à la classe des plus défavorisés.

On constate donc un éloignement progressif des partis de gauche des vrais problèmes des classes les plus pauvres et un alignement de leurs positions sur celles des classes les plus riches et, notamment,des financiers internationaux qui contrôlent la mondialisation. Il faut que la gauche se recentre sur la résolution des problèmes réels des classes les moins favorisées et parmi ceux-ci du plus important, soit l'emploi. Il est évident que l'on ne peut favoriser l'emploi local ou régional voir national en acceptant la loi du profit maximum pour les entreprises dans un contexte d'abaissement des taxes aux frontières. En procédant ainsi on aboutit à la délocalisation des emplois et à l'augmentation du chômage. La suite de l'histoire est difficile à prévoir mais une classe qui n'a plus d'espoir risque de se révolter de façon violente et difficile à contrôler...

lundi 13 février 2012

L'Europe n'est pas comme le gecko.

La situation difficile que traverse la Grèce doit être appréhendée non pas comme une question qui concerne les seuls grecs mais bien un problème qui concerne l'ensemble de l'Union Européenne (UE). La solidarité entre les nations, qui a été à la base de la construction de l'Europe, ne peut se limiter à intervenir que lorsque tout va bien. Il est du devoir de l'UE de tout faire pour sauver la Grèce de la faillite.

Tous ceux qui envisagent une solution de sortie de la Grèce de l'UE se trompent. Il en va en ce domaine comme il en va du Canada face à la revendication d'indépendance de la province de Québec : le Canada sans le Québec ne serait plus le Canada tout comme l'Europe sans la Grèce ne serait plus l'Europe. Faut-il rappeler que le bilinguisme français-anglais de l'Etat fédéral canadien n'existerait pas en l'absence du Québec? Or, cette existence de la langue française est une caractéristique essentielle du Canada par rapport à son puissant voisin : les Etats-unis d'Amérique...

Le gecko, un petit lézard, a la capacité de voir repousser sa queue si elle se trouve arrachée, mais il ne survivrait pas à la privation de toute autre partie de son corps. L'Europe, elle aussi, pourrait se priver de certains Etats membres sans remettre en cause son existence. Il en va ainsi, par exemple, pour le Royame-Uni qui a toujours participé à la construction européenne sur le bout des pieds. Mais sans la Grèce, l'Europe ne pourrait survivre. Privée d'un peuple qui a été à l'origine des raisons majeures de sa création : l'affirmation de la culture et de l'humanisme, la perte de la Grèce signerait le début de la désagrégation de la Communauté européenne. Il suffit de se rappeler l'apport de ce pays à la civilisation et à la culture européenne. L'appellation « Europe », elle-même, est issue de la mythologie grecque, en référence à la déesse Europe. Si la Grèce, ce pays à la symbolique si forte, venait à quitter l'UE, qu'est ce qui pourrait ensuite empêcher que le même sort soit réservé à l'Espagne, puis au Portugal, à l'Italie...

Le sauvetage de ce pays ne peut non plus se trouver en affamant le peuple grec. La solidarité européenne doit faire supporter le sacrifice à l'ensemble des citoyens de l'UE. En contrepartie, il faut accélérer l'intégration européenne ainsi que la mise en place d'un gouvernement démocratique de l'Europe. Les évènements actuels doivent être catalyseurs de la construction de la Fédération européenne. L'élection présidentielle à venir en France ne peut se dégager de cette question. Elle doit être l'occasion de faire avancer les choses... Le couple franco- allemand n'aurait pas grand avenir s'il ne défendait pas la thèse de la solidarité active avec la Grèce.... Les difficultés grecques ne doivent pas rester le problème de la seule Grèce, elles doivent être prises en charge par toute la Communauté européenne. Les peuples européens doivent se mobiliser aux cotés du peuple grec. Les images rapportées par les médias, des révoltes de la population grecque contre les mesures d'austérité prises par le gouvernement de ce pays, ne doivent pas être hâtivement interprétées. Les décisions difficiles prises par le gouvernement de la Grèce sont dictées par l'UE. Cela signifie donc que le peuple grecque se révolte aussi contre l'UE. Si, un jour, les peuples européens décidaient de se donner la main, alors ce serait l'Union elle-même qui serait en péril...

samedi 11 février 2012

Une nouvelle réforme universitaire cosmétique ?

Le classement de Shanghai avait pour objectif premier de situer les universités chinoises parmi ses concurrentes dans le monde. Or, on constate, qu'en France (mais pas seulement dans ce pays), ce classement a servi de prétexte au gouvernement pour réformer les universités en fonction de critères susceptibles de permettre aux établissements d'enseignement supérieur de ce pays de mieux figurer dans les classements à venir. C'est ainsi que l'on a vu récemment naitre huit « super universités » par regroupement d'anciennes (voir, par exemple, le journal Le Monde en date du 9 février 2012).

On est en droit de s'étonner de cette conséquence d'un classement produit en Chine pour des raisons proprement chinoises. En effet, la réforme n'est pas faite en vue de mieux servir les étudiants français mais en vue de mieux figurer dans un classement issu de l'étranger. Plutôt que de tenter de répondre aux besoins du développement régional, national et européen dans le domaine universitaire, le redécoupage actuel vise à satisfaire des objectifs définis dans un pays lointain et dans un contexte complètement différent... Ce mode de gouvernement ne peut que surprendre et décevoir.

Il est clair que la diffusion internationale du classement de Shanghai a donné beaucoup d'importance a son contenu et, les universités qui s'y sont retrouvées en bonne place, ont vite fait d'exploiter ce classement à leur profit en le faisant connaître. De ce fait, cette publication a acquis un prestige et une réputation indéniables. Il y aurait pourtant beaucoup à dire sur les critères choisis pour effectuer le classement. Il est bien connu que le choix des variables conditionne largement les résultats d'un tel calcul. N'aurait-il pas été plus rationnel et plus conforme à l'intérêt des usagers de l'université que les causes de la réforme soient plus orientées vers les vraies missions de l'université à savoir la formation des étudiants et la création de connaissances?

Si cela avait été le cas les responsables politiques français auraient sans doute compris que c'est moins la taille des établissements qui joue un rôle que le budget disponible pour les usagers de l'université. Les premiers etablissements du classement de Shanghai sont trois établissements des Etats-unis-d'Amérique (Harvard, Stanford, Massachusetts Institute of Technology) qui ne rassemblent jamais plus de 21000 étudiants chacun mais dont les budgets sont très supérieurs à ceux des meilleures universités françaises (Le seul budget de Harvard équivaut au budget total de l'enseignement supérieur en France). A quoi servira donc la création de ces « super universités » qui regroupe toutes (à l'exception Paris-Sciences-et-Lettres) plus de 40 000 étudiants ? On trouve même au sein de ce groupe une université (Sorbonne-Paris-Cité) qui regroupe 120 000 etudiants ? La France se confond elle subitement avec la Chine où des universités de cette taille et au delà sont fréquentes ?

Encore une fois, le gouvernement donne dans la facilité et dans le cosmétique ... On peut douter des effets de cette réforme sur le fameux classement de Shanghai mais ce dont on peut être sûr c'est que les besoins des populations seront loin d'être satisfaits? Pire encore, on risque, par cette recherche d'une soi disant taille-critique, de compliquer la situation et de rendre plus difficile le fonctionnement et la gestion des universités nouvelles. Plutôt que de vouloir à tout prix copier le modèle universitaire anglo-saxon, caractérisé par une certaine pluridisciplinarité et une gouvernance commune, il aurait pu être plus intelligent de conserver les universités anciennes en les incitant, sur la base de contrats de financement par exemple, à introduire plus de pluridisciplinarité en leur sein. Il faut d'ailleurs noter que des universités pluridisciplinaires existent déjà en France depuis plusieurs années. C'est le cas de la majorité des universités françaises.... Ces universités ne figurent pour autant pas en bonnes places dans le classement de Shanghai. Pour cela, il leur faudrait surtout disposer de moyens supplémentaires pour leurs locaux, leurs laboratoires, leurs enseignants-chercheurs et leurs étudiants... Autre exemple, au Quebec, l'université McGill qui figure au 61e rang du classement de Shanghai en 2010, est une université pluridisciplinaire qui regroupe moins de 40 000 étudiants mais dispose d'un budget de l'ordre de 650 millions d'euros sans commune mesure avec le budget d'une université française de taille comparable. Ainsi, une des meilleures universités françaises, l'Université de Paris 6 avec environ 30 000 étudiants dispose d'un budget annuel de l'ordre de 300 millions d'euros, soit à peu près la moitié du budget de l'Université McGill...

Comme dans bien d'autres domaines, le gouvernement français a répondu à de vrais problèmes par de fausses solutions... L'échec de la récente réforme de la formation des enseignants n'a pas servi de leçon et c'est bien dommage...

mercredi 8 février 2012

La clé de la réussite pour l'immigration choisie

La lecture récente de l'excellent fascicule de Pierre Auguste intitulé « Immigration choisie- Témoignalyse » (Editions Peisaj, Montréal, 2011) me confirme dans une idée qui me paraît être essentielle pour la réussite d'un projet d'émigration.

Comme le souligne, fort justement, Pierre Auguste, pourquoi quitter un pays dans lequel on se trouve en harmonie avec sa propre culture pour se rendre dans un pays dont on ignore la culture ? Ce simple changement de contexte ne peut que multiplier les difficultés d'intégration du nouvel arrivant dans le pays d'accueil. Mais nous savons tous que la culture n'est pas la cause première de la réalisation d'un projet d'émigration. Plus souvent, à la racine de ce projet se situe la question de la recherche d'un emploi ou celle de la fuite d'un pays gangrené par la corruption et la dictature...

Or l'on constate que, si dans la plupart des cas les pays d'accueil sont des démocraties où règne l'Etat de droit, très souvent, le migrant éprouve de réelles difficultés à trouver un emploi en accord avec sa formation. Au Québec, par exemple, en 2006, le taux d'emploi des immigrants était inférieur de 11,4 points à celui des Québécois natifs. En France, le taux de chômage des immigrés est deux fois plus élevé que dans le reste de la population, touchant en 2008 12,7 % des hommes immigrés (6,2 % pour les non immigrés) et 14,3 % des femmes (7,6 % des femmes non immigrées). De plus, les immigrés sont plus souvent embauchés dans des emplois peu qualifiés : 38 % de ceux qui travaillent sont ouvriers ou employés non qualifiés, contre 19 % pour les non immigrés.

Il est inutile de préciser que cette question de l'emploi est à la base de nombreuses difficultés d'intégration des migrants. Celui qui n'a pas d'emploi ou qui occupe un emploi peu rémunéré ou encore un emploi sous qualifié par rapport à sa formation, celui-ci va se retrouver face à de multiples problèmes relatifs au logement, à la santé, à la scolarité de ses enfants....

Il est donc essentiel de résoudre de façon efficace la question de l'emploi si l'on veut que le projet d'émigration soit réussi. Cet impératif devrait être suivi, a fortiori, dans un processus dit « d'immigration choisie ». La règle que je propose serait la suivante : lorsqu'un Etat accepte un immigrant à la suite d'un processus d'immigration (qui peut être long) il devrait inclure dans ce processus l'offre d'un emploi au futur immigré. Bien entendu, cet emploi devrait être accepté par le candidat à l'immigration, faute de quoi son dossier serait refusé. J'ai moi-même vécu cette situation en émigrant au Canada, depuis la France, avec un permis de travail en poche et je puis témoigner des facilités que cela confère à l'intégration du migrant...

lundi 6 février 2012

Mensonge ou manipulation ?

Lors de la récente conférence de presse conjointe donnée le 6 février au Palais de l'Elysé par la Chancelière allemande Angela Merkel et le Président français Nicolas Sarkozy, ce dernier a déclaré aux journalistes qui l'interrogeait que l'Europe ne se construisait pas à partir d'abandons de souveraineté des Etats mais plutôt en mettant en œuvre des convergences inter Etats et, singulièrement , entre l'Allemagne et la France.

Selon cette thèse, défendue à plusieurs reprises par le Président de la République française, l'Europe politique sera dirigée par un ensemble d'Etats souverains qui n'auront rien abdiqué de leur souveraineté nationale. Les décisions politiques, dans ce contexte, résulteront donc d'accords entre tous les Etats et n'émaneront pas d'une instances européenne technocratique.

Cette thèse n'est ni crédible ni sérieuse et il est consternant qu'un Chef d'Etat puisse encore la défendre avec autant d'aplomb.

La thèse n'est pas crédible pour au moins la raison suivante : dans l'actuelle situation de l'Union européenne, les réussites qui sont constamment mises en avant sont l'ouverture de l'Espace de Shengen d'une part, et la création de la monnaie commune, l'Euro, d'autre part. Or, il se trouve que ces deux réussites n'ont été possibles qu 'à partir d'abandons de prérogatives qui dépendaient de la seule souveraineté des Etats. Il s'agit bien sûr , de l'ouverture des frontières d'une part et de l'abandon des monnaies nationales d'autre part.

La thèse n'est pas sérieuse car il ne s'agirait pas de donner le pouvoir à une quelconque instance européenne technocratique, comme l'a évoqué le Président français, mais bien de mettre en place une Fédération politique européenne qui serait dotée de la souveraineté au niveau de l'Union Européenne. Cette instance devrait, bien entendu, recevoir sa légitimité des peuples de l'Europe. Il est d'autre part évident que prendre des décisions à 27 est une chose extrêmement difficile. Or, le Président Sarkozy se garde bien de préciser quel sera le mécanisme choisi pour faire fonctionner le processus décisionnel...

dimanche 5 février 2012

La vérité existe t-elle en politique ?

La publication récente du livre de l'ancien journaliste français, Jean-Francois Kahn intitulé "Menteurs" soulève la question essentielle de la vérité en politique. La thèse de l'auteur, telle que j'ai pu la comprendre lors de l'interview donné par J.F. Kahn à Radio-Canada le dimanche 4 février dans le cadre de l'émission « Samedi et rien d'autre », est que les politiciens ne disent pas la vérité notamment au moment des campagnes électorales. Il désigne les contraintes qui, à son avis, poussent les responsables politiques au mensonge.

Je ne peux guère analyser le contenu de ce livre car je ne l'ai pas encore lu. Je voudrais seulement soulever un point de fond : celui de l'existence de la vérité en politique. Ma thèse est qu'il n'y a pas de vérité absolue en matière de politique. En conséquence, attendre des politiciens qu'ils annoncent des vérités ne peut conduire qu'à des désillusions. La politique, en effet, n'est pas une science exacte comme peuvent l'être la Physique ou les Mathématiques. On doit d'ailleurs reconnaitre que, même dans le domaine de ces sciences, dites exactes, la vérité n'est pas immuable et peut toujours être remise en cause par la recherche. Pensons, par exemple, au postulat d'Einstein sur l'impossibilité de dépasser la vitesse de la lumière qui vient d'être remis en cause par des expériences récentes... Dans la société moderne, société de l'information et de la communication, les programmes politiques sont constamment soumis a l'analyse d'experts de tous bords qui ne cessent de se contredire. La simple "vérité" qui voudrait considérer qu'il est bon qu'un pays endetté réduise sa dette par une politique de rigueur budgétaire ne fait pas consensus parmi les experts. Pour certains c'est même une hérésie. Selon ces derniers, il vaudrait mieux favoriser la relance de la croissance par tous les moyens plutôt que de mettre en oeuvre une politique de rigueur qui risquerait d'entrainer le pays dans la récession... Autre exemple : avant la dégradation de la note de la France par l'Agence Standard and Poor's, le Président Sarkozy et de nombreux politiciens expliquaient que cela était inconcevable et que ce serait placer la France dans une situation catastrophique. Or, on constate aujourd'hui que cette dégradation n'a pratiquement rien changé à la situation de la France sur les marchés financiers...

Tout cela pour dire qu'il n'y a pas de vérité absolue en matière de politique. Alors, direz vous, que doit on attendre des responsables politiques s'il ne peuvent se baser sur des vérités ? A mon avis, ce que l'on doit attendre de ces responsables c'est qu'ils nous indiquent LEUR vérité propre et pas LA vérité. Ils doivent nous dire ce qu'ils veulent faire et pourquoi ils veulent le faire. La crise politique contemporaine a pour cause, à mon avis, l'absence de vision des responsables politiques qui sont trop tentés d'écouter les experts et de vouloir plaire a leurs électeurs.

Si en juin 1940, le Général De Gaulle avait écouté les "experts", peut on croire qu'il aurait lancé son appel à la résistance, le 18 juin de cette année? Peut-on croire que Mao-Tse-Toung a écouté les experts au moment de se lancer dans l'aventure incroyable de la "longue marche" ? On pourrait multiplier les exemples de ce type tant en temps de guerre qu'en temps de paix. Les politiciens doivent avoir des projets, une vision pour l'avenir qui les portent, ils ne doivent pas se laisser mener par les sondages ou influencés par les experts...

Il n'y a pas d'autres voie pour l'avenir que de voter pour des personnes qui ont foi en leur programme politique, pour des porteurs de grands projets politiques. La tristesse aujourd'hui est liée à la rareté de ces responsables. On ne peut qu'être pessimiste lorsqu'on constate, par exemple, que même un aussi grand projet que la construction européenne, projet initié par des hommes visionnaires, que ce grand projet ne trouve plus aujourd'hui de leader capable de relancer sa construction avec enthousiasme et clairvoyance.