lundi 26 mars 2012

Evolution politique comparée de la France et du Québec

Lorsque l'on se donne la peine de comparer les évolutions politiques de la France et du Québec on peut être surpris de constater des divergences importantes.

Les Québécois s'intègrent de plus en plus au sein de la Fédération canadienne comme en atteste plusieurs évènements politiques récents : la déconfiture du Bloc Québécois, parti souverainiste du Québec, et la croissance simultanée du Nouveau Parti Démocrate (NPD), parti fédéral, lors des dernières élections fédérales au Canada; la récente élection du député Québécois, Thomas Mulcair, à la tête du NPD; la perte d'influence, révélée par les sondages, du Parti Québécois (PQ), un parti politique à base provinciale qui a depuis longtemps été le porteur de l'indépendance du Québec... Un certain nombre d'autres signes viennent corroborer cette tendance : l'anglicisation progressive de la métropole québécoise, Montréal, où le nombre de personnes s'exprimant en français à la maison pourrait passer sous la barre des 50 % d'ici une vingtaine d'années, s'il faut en croire les conclusions d'une des cinq études présentées le 23 mars 2012 par l'Office québécois de la langue française; la tentation de plus en plus fréquente pour les jeunes Québécois de partir chercher du travail dans les provinces de l'ouest canadiens. La migration déficitaire du Québec, l'une des plus déficitaire du pays, a retiré près de 2 G$ à son économie. Pendant ce temps, le mouvement de la main d'oeuvre rapportait 4,62 G$ à l'économie de l'Alberta.... Le plus étonnant est que cette évolution du Québec se réalise alors que le Gouvernement fédéral est aujourd'hui majoritaire et conservateur, soit un gouvernement plus à droite que les gouvernements précédents dirigés par le Parti Libéral (PL) notamment...

Pendant la même période de temps, on peut observer un mouvement inverse en France : les français se replient de plus en plus sur eux-mêmes en refusant, chaque jour un peu plus, le développement de l'intégration dans l'Union Européenne... Plusieurs évènements témoignent de ce repli : il y a eut le vote négatif de la France, en mai 2005, à la ratification du Traité établissant une Constitution pour l'Europe; on peut aussi relever la montée dans les sondages du Front National de Marine Le Pen, un parti qui prône le retrait de l'Union Européenne et l'abandon de l'Euro; au cours de la récente campagne pour l'élection présidentielle en France, le Président Sarkozy a même proposé de revenir sur les accords de Schengen qui établissent la libre circulation des citoyens au sein de l'Europe; pire encore; la récente crise de la dette en Europe a montré combien les Etats européens étaient divisés et non solidaires, s'arc-boutant sur des positions frileuses de chacun pour soi au lieu de faire face aux difficultés de façon solidaire. Il était pourtant clair, pour tout économiste, que le soi-disant « problème Grec » n'était qu'un petit défi pour les économies européennes si elles avaient été solidaires...

Bref, on l'aura compris, alors que les citoyens du Québec envisagent de plus en plus leur avenir comme faisant partie intégrante de celui de la Fédération canadienne, les citoyens Français semblent se tourner plus vers des positions nationalistes les éloignant de l'intégration européenne... Il est légitime de s'interroger sur les raisons d'une telle divergence entre ces deux nations?
Sans vouloir épuiser le sujet, il me semble que l'une des raisons de cette observation serait à rechercher dans l'histoire de ces deux pays.

Le Québec qui est connu pour ne pas cultiver son histoire au point que le débat sur l'enseignement de l'histoire est un thème qui revient régulièrement à la une des médias. Les résultats désolants de l’enseignement de l’histoire du Québec et du Canada sont tels qu’un sérieux coup de barre doit être donné pour mieux former les futurs enseignants, a conclu une étude de la Fondation Lionel Groulx et la Coalition pour l’histoire présentée en mars 2012. Le rapport de 34 pages, rédigé par l’historien Éric Bédard et la chercheuse Myriam D’Arcy a donné lieu à un constat clair : les professeurs du primaire, du secondaire et du cégep ne sont pas qualifiés, et de grands pans de l’histoire du Québec et du Canada sont négligés dans les cours. Dans ces conditions, les citoyens Québécois, se percevant comme sans passé et voyant leur grand projet d'avenir, celui de la souveraineté du Québec, s'éloigner au fil des échecs référendaires, n'ont plus guère d'autre solution que celle de se tourner vers la construction d'un avenir au sein de la Fédération du Canada...

Pour la France, la situation est tout autre : l'histoire de ce pays est une grande histoire. La France a beaucoup de mal à oublier l'époque où elle était une puissance politique incontournable, où sa langue était celle des diplomates et des scientifiques.... Les transferts de souveraineté induits par l'intégration européenne sont ressentis comme des pertes d'influence... Les Français n'ont pas encore compris que seuls ils ne peuvent que perdre de plus en plus de leur pouvoir et de leur influence. Que dans le monde actuel, le pouvoir appartient à ceux qui seront capables de développer de grands projets, des projets qu'un seul pays, fusse t-il la France, serait incapable de mener à bien. Les exemples de Airbus, d'Ariane, des réseaux ferrés,... devraient être médités, faute de quoi l'avenir risque d'être bien sombre pour les citoyens français...

Cette divergence d'orientation politique, sous l'effet de l'accélération de la mondialisation, n'a pourtant rien d'inéluctable et pourrait être contrôlée si les citoyens s'en donnaient la peine. Il serait possible pour les Québécois de s'engager vers un avenir qui respecterait ce à quoi ils tiennent le plus, à savoir leur langue et leur culture. Ils peuvent le faire de différentes façons notamment en passant par la souveraineté ou en devenant des canadiens influant au sein de la Fédération canadienne... Les Français, pour leur part, devraient s'engager résolument dans la construction européenne en mettant tout en œuvre pour que ce grand projet soit à la fois social et culturel et non pas seulement économique et financier comme actuellement...

lundi 12 mars 2012

Retour sur la question de la langue française au Québec

La question de la diffusion en langue anglaise des appels d'offre du gouvernement du Québec en relation avec la construction en cours du Centre Hospitalier Universitaire de Montréal (CHUM) a soulevé un débat qui perdure. Il est en effet, surprenant que le gouvernement de la province de Québec, dont la seule langue officielle est le français, procède à des appels d'offre en anglais. Cela ne constitue pas un signal fort en faveur d'une langue que l'on se targue de défendre face à l'omni présence de l'anglais en Amérique du nord.

Les partisans de cette façon de faire insistent sur la nécessaire ouverture des appels d'offre aux non francophones qui imposerait la rédaction et la diffusion de ces appels en anglais. C'est le même type d'argument qui est invoqué pour justifier les publications scientifiques dans la seule langue anglaise, ceci au détriment de la culture propre du pays concerné.

Cette pratique, en dehors de la question de l'affaiblissement du français qu'elle sous tend, me parait basée sur un raisonnement pour le moins fallacieux : pour quelle raison serait-ce à l'émetteur de l'appel d'offre de se plier à l'exigence de l'anglais en vue de faciliter la compréhension de l'appel d'offre auprès des entreprises extérieures au Québec ? Après tout, si une entreprise veut gagner de l'argent en soumettant une offre en réponse à un appel, il me semble que ce serait plutôt à elle de faire l'effort de traduire l'appel en langue anglaise si elle souhaite pouvoir gagner un marché qui pourra être lucratif.
 
Je ne crois pas que l'on puisse défendre la langue française en se pliant systématiquement aux diktats de la langue hyper centrale qu'est devenu l'anglais. Il vaut mieux offrir des opportunités d'affaires intéressantes aux non francophones si l'on souhaite les motiver à faire un effort d'adaptation en vue de développer des partenariats avec les francophones. Il est légitime de penser que le désir de profit des entreprises est capable de les motiver à faire un pas vers la langue française au lieu de les priver de faire cet effort en leur offrant d'emblée des documents en anglais.

Il en va de même dans le domaine des publications scientifiques. Il serait plus sain et plus respectueux de la diversité des cultures que chaque scientifique publie ou communique dans la langue de son choix et que les lecteurs ou les auditeurs qui ne connaissent pas cette langue, fassent l'effort nécessaire à la compréhension de la langue inconnue. Ce serait un prix à payer pour approfondir leurs travaux de recherche ou d'enseignement...

vendredi 9 mars 2012

Pourquoi les étudiants québécois ont raison de se battre contre l'augmentation des droits de scolarité.

Admettons le postulat à la base du raisonnement des tenants de l'augmentation des droits de scolarité universitaires : les universités québécoises sont sous financées. Qu'est ce que cela veut dire exactement ?

Le budget de fonctionnement d'une université peut schématiquement se décomposer en trois grandes sections :
les crédits affectés à l'enseignement (bourses, création de postes d'enseignants,...);
les crédits affectés à la recherche (infrastructures techniques, produits consommables,...);
les crédits de gestion (salaires, entretien, infrastructures immobilières, etc).

Les crédits de gestion concernent beaucoup les enseignants (salaires), les personnels administratifs et de soutien (recteurs, vice-recteurs, personnels techniques etc). Ce poste constitue, avec la masse salariale, la dépense essentielle du budget d'une université. Par exemple, pour l'Université de Montréal, ces dépenses représentent 74% du budget en 2011-2012.
Les crédits de recherche concernent plutôt les enseignants-chercheurs, les chercheurs et les personnels de soutien.
Les crédits d'enseignement sont ceux qui touchent le plus les étudiants mais pas seulement eux.

Il est évident que le sous financement des universités n'affecte que peu les crédits de gestion. En effet, les salaires des professeurs et des recteurs ne diminuent pas avec ce sous financement et cela, même si certains recteurs perçoivent des salaires supérieurs à 300 000 dollars par an. D'ailleurs, si elle était concernée par le sous financement, cette catégorie de personnel serait en grève aux cotés des étudiants, ce qui n'est pas le cas.

Le sous financement affecte peu les crédits de recherche car ceux ci dépendent en grande partie de fonds privés. La recherche est financée en grande partie par des levées de fonds. Ainsi, l'Université de Montréal, par exemple, reçoit, en 2011, du Gouvernement 22 millions de dollars pour la recherche, alors que ses dépenses de recherche s'élèvent à 65 millions de dollars. Donc seuls 34% des crédits de recherche proviennent du financement gouvernemental. Là encore, ni les chercheurs ni les enseignants-chercheurs ne sont en grève aux cotés des étudiants.

Il reste donc les crédits d'enseignement qui intéressent  principalement les étudiants. Le sous financement les affecte donc en premier lieu. Il n'est donc pas anormal de les voir en grève aujourd'hui car ils sont les premiers concernés par le sous financement des universités. Ils ont d'autant plus raison de se rebeller, que le gouvernement leur demande d'assurer par eux-mêmes une partie du comblement du déficit. Autrement dit, ce sont ceux qui sont le plus affectés par le sous financement qui sont sollicités pour renflouer les budgets des universités! Il y a là une proposition qui frise l'indécence...

lundi 5 mars 2012

Faut-il abolir les élections présidentielles nationales ?

Que ce soit en France (mais aussi aux Etats-Unis-d'Amériques) il est désormais clair que les élections présidentielles présentent plus d'inconvénients qu'elles ne présentent d'intérêt.

Si l'on considère le cas de la France, le dernier mandat du Président Sarkozy aura permis aux citoyens d'être confirmés dans leur opinion sur l'inefficacité présidentielle. Les belles promesses du candidat Sarkozy faites dans le courant de la précédente campagne présidentielle, en 2007, se sont quasiment toutes envolées en fumée. Pensons, par exemple, à la promesse de "travailler plus pour gagner plus" qui, au bout de cinq ans de présidence « Sarkozienne », s'est conclue en perte de pouvoir d'achat généralisée. Pour le sociologue Jean Viard, proche du Parti socialiste, cet indicateur n'a augmenté que de 1,2% en 2010 contre 1,6% en 2009. Le candidat Sarkozy se présentait pourtant comme le « candidat du pouvoir d'achat » en 2007. Quand au chômage, il est passé de 8,4% en 2007 à 9,4% fin 2011, soit à peu près sur la durée du mandat présidentiel.

L'inefficacité gouvernementale face aux délocalisations des emplois en est un autre exemple manifeste. Les questions du contrôle de l'émigration et de l'amélioration de la situation des banlieues ont constitués des échecs patents de la politique gouvernementale. Le fameux "kärcher" de Sarkozy ressemble bien plus à de la "poudre aux yeux" qu'à de réels changements dans l'évolution des banlieues françaises. Il serait possible d'allonger facilement cette liste d'échecs...

Les électeurs sont de plus en plus persuadés de l'impuissance des chefs d'Etat dans le monde moderne. Ils sont conscients que le pouvoir appartient désormais aux puissances financières, aux célèbres « marchés financiers » dont les médias nous entretiennent quotidiennement. Ces nouvelles puissances peuvent, elles, prendre des décisions sans avoir à rendre de comptes aux Etats, même si les conséquences de ces actions ont des effets supra nationaux. La question de la délocalisation des emplois en est un exemple flagrant.

Il faut aussi considérer l'impact négatif de cette élection au regard de la construction européenne. En effet, pendant toute la campagne électorale et même au delà, les débats politiques se focalisent sur des problématiques et des enjeux nationaux, comme si l'Europe n'existait plus et comme si la France était totalement maitresse de son destin. On connait, pourtant, l'emprise des instances de l'Union Européenne (UE) sur les décisions gouvernementales nationales. La crise de la dette a prouvé, s'il en était encore besoin, que la France n'était qu'un rouage parmi d'autres et, le rôle déterminant joué par l'Allemagne, a confirmé le transfert de souveraineté effectif au sein de la zone euro. Pire encore, en focalisant les débats sur des thèmes nationaux on contribue à retarder la nécessaire prise de conscience européenne des citoyens français. La polarisation sur le couple Merkel-Sarkozy au cours de la récente crise de la dette en Europe a, elle aussi, agit dans le même sens, en laissant croire que le couple franco-allemand pouvait régler à lui seul la crise. L'Europe est un tout et elle ne peut se bâtir en laissant à la marge les pays membres, fussent-ils les plus faibles. Les pays membres de l'UE sont engagés dans une phase de inéluctable transferts de souverainetés nationales vers les instances européennes. Les élections présidentielles nationales viennent occulter ce processus pour un temps alors qu'il faudrait l'accélérer et non le freiner...

Il faut enfin, prendre en compte les couts importants de ces campagnes électorales. En 2007, les quatre candidats arrivés en tête au premier tour (Sarkozy, Royal, Bayrou, Le Pen) ont dépensé plus de 61 000 000 d'euros. Cette somme est à majorer si on prend en compte l'ensemble des candidats. De plus, ces dépenses ont tendance à croître avec le temps... Alors que l'Europe est en crise grave, on ne peut pas prôner des économies d'un côté et dépenser sans compter de l'autre...

L'abolition de ces élections présidentielles nationales au profit d'une valorisation des instances européennes devrait être envisagée rapidement si l'on souhaite vraiment poursuivre l'intégration des pays membres de l'UE et si les responsables politiques désirent regagner la confiance des citoyens. La désignation du Président pourrait s'effectuer selon une procédure plus simple et moins onéreuse en se basant sur les Parlements nationaux. Le rôle du Président de la République étant de moins en moins important il serait concevable de d'investir moins d'énergie dans sa désignation...

vendredi 2 mars 2012

Ressources comparées des ambulanciers, de la police et des pompiers au Québec

Réunis en conférence de presse à Montréal, le 15 décembre 2011, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) et la Fraternité des travailleurs et travailleuses du préhospitalier du Québec, section locale 592 (FTPQ), ont rendu publics les résultats d'une enquête menée au cours des cinq derniers mois sur l'état des services préhospitaliers d'urgence au Québec. L'enquête révèle des statistiques très inquiétantes sur les temps d'intervention des ambulances dans plusieurs régions du Québec. L'enquête démontre également un manque d'ambulances sur plusieurs territoires, des délais non respectés sur des appels d'urgence, des temps d'attente qui peuvent être de 30, 40, 50 minutes et même plus pour des appels prioritaires, ainsi que plusieurs recommandations du coroner qui sont restées lettre morte.

A La Tuque au Québec, une femme de 75 ans de La Tuque a dû attendre l'ambulance durant près de 3 h 30 mercredi. Souffrant d'ostéoporose sévère, une vive douleur la clouait au lit de son appartement de la résidence pour personnes semi-autonomes, la Renaissance. La douleur rendait le voyage de deux kilomètres en voiture vers le Centre de santé et des services sociaux du Haut-St-Maurice (CSSSHSM) impossible.

Le 14 juin 2011, dans une Maison de naissance de Pointe-Claire, sur l'île de Montréal, un bébé est mort dans les bras d'une sage-femme suite au retard d'une ambulance de l'Hôpital de Montréal pour enfants, qui prévoyait un délai d'attente de plus de 40 minutes.

Récemment, Radio-Canada relatait le cas d'une femme dont l'accouchement avait été difficile par suite de complications hémorragiques, qui a du attendre l'arrivée d'une ambulance plus de 4h...

Il est intéressant de mettre cette question des temps d'attente des ambulances des services de santé avec les délais et les moyens d'intervention des services de police et d'incendie au Québec.

L'école secondaire de Mortagne, à Boucherville, sur la Rive-Sud de Montréal, a été le théâtre, jeudi 1er mars, d'une vaste opération policière qui s'est soldée jeudi après-midi par l'arrestation de trois élèves, qui étaient en possession de deux fausses armes à feu. Deux mineurs, un garçon et une fille, qui auraient 16 ans, ont été arrêtés par les policiers de Longueuil. Ils se sont présentés à l'école avec un pistolet à plomb et un pistolet jouet, qui s'apparenterait à fusil de calibre 416.
Quatre-vingts policiers du service de police de Longueuil ont été dépêchés sur les lieux. Des maîtres-chiens et des enquêteurs se sont également présentés à l'école secondaire. Une procédure normale dans un cas comme celui-là, a expliqué Louise Gendron, commandante du district nord de la police de Longueuil. Un appel téléphonique a été adressé au 911 vers 11 h par un témoin qui a aperçu un jeune avec une arme longue dissimulée dans un sac à dos. L'autre arme avait été placée dans un casier. Les élèves ont été confinés dans les classes ou dans les gymnases. Vers 13h30, les policiers avaient presque terminé de faire le tour des classes et avaient fait évacuer graduellement les élèves.

Il est difficile de trouver des statistiques sur les délais et les moyens d'intervention des services de police du Québec, néanmoins chacun peut se rendre compte quotidiennement de l'importance des moyens mis en œuvre par la police ainsi que de la rapidité de ses interventions. Un observateur étranger peut d'ailleurs être surpris par l'importance des ressources mobilisées à l'occasion d'évènements anodins... Il n'est pas rare, par exemple, de voir deux grosses voitures de police et quatre policiers intervenir pour un banal incident de la circulation automobile. Autre exemple, de ce déploiement de moyens : très souvent les accès aux rues de la ville de Montréal sont fermés non pas par la pose de barrières mais par des véhicules de police avec chacun deux passagers à bord et le moteur en marche...

L'examen des interventions des pompiers de la ville de Montréal démontre que là aussi il n'y a pas de restriction sur les ressources, ce qui permet des délais d'intervention très courts. Le Service de sécurité incendie de Montréal affirme que la norme est de 5 minutes pour une intervention locale. Depuis environ quatre ans à la Ville de Montréal, le rôle des pompiers n'est plus seulement d'éteindre les feux. Environ les deux tiers de leurs interventions sont faites à titre de premiers répondants. Lorsqu'un citoyen appelle au 911 pour un problème médical, l'appel est acheminé en même temps au Service des incendies et à Urgences-santé. Les pompiers sont souvent les premiers arrivés sur place, en raison de la répartition des casernes dans toute la ville, ce qui leur permet d'être sur les lieux en quatre minutes et demie en moyenne. Leur rôle : donner les premiers soins, maintenir les fonctions vitales et stabiliser le patient en attendant l'arrivée des ambulanciers. Il n'est pas rare d'observer à Montréal la mobilisation de 5 ou 6 camions de pompiers pour ce qui ne se révèle qu'un simple incident sans conséquence...

Le rapprochement des faits concernant la santé d'une part, et la police et les pompiers d'autre part, me semble significatif du choix de priorités faites par les responsables politiques. Il y a une certaine démesure de ressources du côté de la police et des pompiers alors que pour les services de santé et pour les ambulances, notamment on observe des ressources restreintes. Il me semble pourtant que la sécurité des citoyens ne peut être garantie si on n'assure pas le bon fonctionnement du système de santé. Le maintient de l'ordre et la lutte contre les incendies ne peuvent suffire à assurer la protection des citoyens...

jeudi 1 mars 2012

Sur la perception des systèmes de santé et éducatif au Québec

Si l'on considère l'attitude la plus répandue au Québec concernant le système de santé, on s'aperçoit que la plupart des citoyens s'opposent à l'augmentation des frais facturés au patient. Pour certains, et ils sont nombreux, les soins doivent même être entièrement gratuits.

Le 1er mars 2012 par exemple, l'édition québécoise du Huffington Post, publiait un article au titre évocateur « Trois raisons incontournables pour lesquelles facturer les soins aux malades n'est pas une solution ». Je cite la conclusion de cet article : « Alors, de quoi les frais modérateurs nous dissuadent-ils, en réalité? Ils découragent les gens économes et les pauvres d'obtenir les soins dont ils ont réellement besoin. Ce qui finit par coûter plus cher à la collectivité, en fin de compte. ».

Très fréquemment, les citoyens du Québec s'opposent à l'introduction du privé au sein du système de santé. Le témoignage de quatre médecins, soit les Dre Marie-Claude Goulet - présidente de MQRP, Dr Alain Vadeboncoeur - vice-président de MQRP, Dre Louise Authier - directrice du programme de résidence en médecine familiale de l'Université de Montréal et Dr Réjean Hébert - doyen de la faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke 2004-2010, est éloquent : les médecins constatent que des années de laisser-aller des gouvernements et de sous-financement de la santé ont ouvert la voie au privé qui accapare une place grandissante dans notre système. Ils témoignent des répercussions négatives que la privatisation du système entraîne sur son efficacité, sur la santé des patients, et de ses conséquences dévastatrices sur l’équité d’accès aux soins de santé. Le diagnostic est clair : la mission de notre système de santé est menacée par sa privatisation !
Seul un système public de santé est capable d’allier efficacité, cohérence et capacité de contrôler les dépenses tout en garantissant un accès équitable à des soins de qualité selon les besoins de santé, et non selon les moyens financiers. Les solutions au sein du système public existent, il faut avoir la volonté de les mettre en place !

Autrement dit, la majorité des Québécois s'opposent à la privatisation du système de santé et à l'accroissement de leurs dépenses de santé et cela, même si ce système est connu pour sa relative efficacité, notamment, en matière d'accessibilité... Selon un sondage de la firme Deloitte, les Québécois n'accordent qu'une note de 32% au rendement de leur système de santé, alors que les Canadiens donnent une note de 50%. Et 27% des Québécois qualifient le rendement de «mauvais», comparativement à seulement 14% des Canadiens.

Si l'on examine maintenant la position des citoyens Québécois face à la question des droits de scolarité universitaire, la situation semble moins claire. En effet, s'il est à peu près évident que les étudiants sont en majorité opposés à l'accroissement de ces droits (et les manifestations étudiantes actuellement en cours en témoignent), il est tout aussi perceptible qu'une bonne partie de la population ne s'oppose pas à cette augmentation et la trouve même justifiée.

Le Recteur de l'Université de Montréal, monsieur Guy Breton, s'exprimant dans le journal « La Presse » du 17 mars, indiquait : « Si une hausse des droits de scolarité est aujourd'hui incontournable, c'est parce que depuis longtemps nous n'avons pas eu, collectivement, le courage de demander à chacun de faire sa juste part. Le gel, puis le quasi-gel des droits de scolarité ont été néfastes pour nos universités en les privant des ressources financières dont elles ont besoin pour accomplir leur mission. ».

Faut-il rappeler, par exemple, que dès décembre 2010, la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec (CREPUQ, proposait notamment d'augmenter les droits de scolarité de 504$ par année pendant trois ans. Suite aux décisions récentes du Gouvernement du Québec, les étudiants québécois vont payer plus cher pour avoir accès aux universités. Québec augmente les frais de scolarité de 325 $ par année, à partir de l’automne 2012. Une mesure prévue pour les quatre prochaines années. En 2017, les étudiants paieront 3793 $ par année.

Le journal « Le Devoir » daté du 1er mars 2012 indiquait : « N'en déplaise aux étudiants, la hausse des droits de scolarité semble être approuvée par la majorité de la population. Un sondage Senergis-Le Devoir, mené dans les trois jours qui ont suivi la grande manifestation du 10 novembre, révèle que 60 % des répondants appuient l'idée d'augmenter la facture des universitaires, alors que 36 % sont contre. »

Comment expliquer ce qui peut apparaître comme une certaine incohérence d'une partie de la population québécoise : souhaiter d'un côté un système de santé totalement gratuit et, de l'autre côté, accepter l'augmentation des droits de scolarité universitaires et l'introduction croissante de fonds privés au sein du système universitaire? Dans les deux cas, il s'agit pourtant de services publics... Cette opposition serait-elle le signe d'une sous valorisation des études universitaires au sein de la population du Québec?

Sans être capable de trancher sur les raisons profondes de cette contradiction, il m'apparait nécessaire et même fondamental que le système éducatif en général et les universités, en particulier, demeurent des services publics au même titre que le système de santé. L'éducation et la formation des jeunes n'est pas moins essentielle que la santé! L'introduction de fonds privés dans les deux systèmes ne doit pas être interdite mais simplement être placée sous le contrôle du service public. S'il est essentiel de s'attacher à l'accessibilité du service de santé, il est tout aussi important de conserver celle du système éducatif et des universités notamment.