mardi 30 août 2011

Le droit d'inscription à l'université est-il un droit?

La dernière trouvaille des partisans de l'augmentation des droits d'inscription dans les universités en France consiste à tenter de justifier cette augmentation par la volonté de responsabilisation des étudiants. Les partisans de cette option s'appuient, en effet, sur la constatation selon laquelle, lorsque les études coutent plus cher, les étudiants seraient plus motivés à travailler, compte tenu de l'investissement réalisé par eux-mêmes ou par leurs parents. Les observations faites dans les pays qui pratiquent des droits d'inscription élevés, essentiellement les pays anglo-saxons, semblent bien corroborer cette hypothèse puisque le pourcentage d'une classe d'âge diplômée de l'université est plus élevé que dans les pays qui, comme la France par exemple, pratiquent des droits d'inscription peu élevés.

Je trouve qu'il y a plusieurs aspects gênants dans cette façon de raisonner :

Le premier est de donner, encore une fois, un rôle prépondérant, à l'argent pourtant déjà trop puissant dans nos société. Il me semble que cette approche n'est, ni pédagogique, ni morale. Il serait plus responsable, plus correct sur un plan éthique, de faire appel à d'autres arguments pour responsabiliser les étudiants et pour leur faire toucher du doigt l'intérêt des études supérieures. Il serait, par exemple, possible de leur indiquer l'importance cruciale des connaissances dans la formation de leur personnalité et pour le développement harmonieux de la société...

Le second aspect qui me dérange est que, souvent, lorsqu'on adopte des droits élevés, les étudiants ont alors tendance à devenir des clients de l'université. Ceux-ci, ayant payé chèrement leur droit d'entrée à l'université, s'estiment souvent en droit de recevoir leur diplôme a l'issue de leur formation quelque soit l'effort fourni. Cette façon de faire vient, en outre, modifier aussi le comportement de l'université elle-même qui tend à délivrer plus facilement ses diplômes afin d'avoir plus de « clients », ses ressources étant dépendantes de cette source de financement. Ceci peut s'observer, notamment, dans nombre d'universités anglo-saxonnes où l'on voit parfois les administrations universitaires et les étudiants faire pression sur le corps enseignant afin de délivrer les diplômes plus facilement...

Le troisième point qui me paraît important est que, si le droit d'inscription à l'université est un véritable droit, au sens étymologique du latin « directum » (ce qui est juste), alors il doit permettre une inscription facile des étudiants aux études supérieures et non leur barrer la route à ce type d'études...

Pour conclure, je pense qu'il faut maintenir les droits d'inscription à un bas niveau et, dans le même temps, responsabiliser les étudiants en pratiquant une sélection à l'entrée des formations. L'effort intellectuel que devront fournir les étudiants pour intégrer une formation devient une garantie de l'intérêt qu'ils porteront plus tard à leur cursus universitaire. C'est d'ailleurs ce qui est observé dans la plupart des filières sélectives en France. Il y aurait, en outre, là un moyen de mieux adapter les formations aux besoins de la société.

dimanche 28 août 2011

The future World Film Festival...


Il est régulièrement question dans les médias de l'anglicisation de plus en plus forte de la métropole québécoise qu'est Montréal. Cette question suscite régulièrement des polémiques alimentées, notamment, par la difficulté qu'il y a à quantifier précisément ce phénomène de développement de la langue anglaise. Je voudrais ici apporter une pierre à ce débat en me référant au 35e Festival des Films du Monde (FFM) qui s'est tenu à Montréal du 18 au 28 août 2011.

Je propose que le prochain FFM change de dénomination pour bien marquer sa tendance à devenir de plus en plus unilingue anglophone. Il pourrait désormais devenir The « World film festival » (WFF). Ce changement ne ferait qu'entériner la situation actuelle de ce festival, dans laquelle le français est quasiment réduit à la portion congrue. Je me suis livré à une simple statistique : sur les quelques 997 séances programmées dans le catalogue de ce festival, j'ai relevé 217 séances au cours desquelles étaient présenté un film en langue française ou un film sous-titré dans cette langue. Cela représente donc moins de 22% de l'ensemble des séances. Bien entendu, la très grande majorité des films sous-titrés le sont en anglais. Pour un festival bilingue français-anglais qui se tient dans un pays bilingue et dans une ville francophone, il me semble qu'un pourcentage minimum de 50% de séances en français serait justifié...

Compte tenu de cette tendance qui s'affirme toujours plus d'années en années, je pense qu'il devient ridicule de continuer à vouloir conserver une façade bilingue français-anglais à ce festival. Il serait plus économique de supprimer les interprètes bilingues pour les remplacer par des présentations dans la seule langue anglaise. Il est, en effet, sans fondement de faire des présentations en français et en anglais, alors que les films sont pratiquement tous sous-titrés dans la seule langue anglaise... La suppression totale du sous-titrage en français viendrait, en outre, renforcer les économies possibles. Il serait aussi possible de réaliser des économies substantielles sur la documentation associée en la rédigeant dans la seule langue anglaise... Cette façon de faire pourrait, en outre, attirer encore plus de spectateurs anglophones et augmenter les bénéfices escomptés par les organisateurs...

samedi 20 août 2011

Qui est ce Ionesco?


Le micro Theatre Laboratoire présente en ce moment une pièce intitulée « Qui est ce Ionesco? » (http://effetvinc.blogspot.com/).

Cette oeuvre de Richard Letendre est digne d'intérêt à plusieurs titres :

  • Son sujet est en soi déjà une raison de la voir. Ionesco est, en effet, un auteur dont l'accès n'est pas aisé. Cet écrivain français d'origine roumaine a, notamment, mis en avant l'absurde, rendant de ce fait même son œuvre un peu plus difficile. La vie de Ionesco est suffisamment mouvementée pour mériter qu'on s'y intéresse avec l'objectif d'y trouver quelques clés de lecture de son oeuvre. La pièce aborde bien cet aspect en questionnant de façon humoristique le passé de cet écrivain. Au travers d'une soi disant enquête policière, les acteurs revivent sur scène les angoisses de l'écrivain Ionesco...

  • La mise en scène de Thérèse Perreault est remarquable. Elle utilise très peu de ressources dans un theatre qui est, en réalité, une mercerie (Boutique « Rubans Boutons » sur la rue Saint-Hubert à Montréal) transformée en salle de spectacle minuscule. La bande sonore de Jean-Michel Rousseau est magnifique et sa synchronisation avec le jeu des acteurs est parfaite. Les trois acteurs (Hazine Poisson, Richard Letendre et Aliona Munteanu) sont excellents et leur jeu toujours très équilibré. Chacun d'entre eux opère dans un registre propre : Aliona est une soubrette vivifiante, Hazine une bourgeoise décalée, Richard un policier complexe... Quand au décor minimaliste il tient en un rideau et deux chaises qui jamais ne donne au spectateur l'impression de misère tant sa manipulation est astucieuse (Bravo pour le régisseur Alain Meilleur).

  • Le texte enfin, est d'une intelligence étonnante. Son auteur, Richard Letendre a réussi le tour de force de nous présenter Ionesco en nous le rendant attrayant. L'absurde s'intègre avec légèreté et humour dans le texte et le spectateur ne sort pas indemne de ce spectacle. Il ne peut en ressortir qu'avec l'envie impérieuse d'en savoir plus, de se plonger dans le theatre de Ionesco pour le découvrir ou le redécouvrir, pour l'approfondir et tenter de percer les mystères de son oeuvre.

  • Il y a enfin, l'admiration que l'on peut avoir pour l'auteur de cette pièce, Richard Letendre, un petit commerçant le jour qui se transforme, le soir, en auteur dramatique, en acteur, en gestionnaire de salle de spectacle....

Il serait beau et bien qu'un jour, comme le souhaite Richard Letendre, cette pièce puisse être jouée à Paris dans la salle du theatre de la Huchette où Ionesco a présenté plusieurs de ses œuvres...

Le thermomètre bancaire est-il fiable?


La bonne santé du système bancaire d'un pays peut-il être considéré comme un bon indicateur de l'état socio-économique d'un pays ? La question se pose car les médias et certains experts, insistent souvent sur la portée de ce paramètre, laissant planer le sous-entendu implicite que, si les banques vont bien alors le bonheur des citoyens est assuré.... Cette idée est d'ailleurs déjà bien ancrée dans les esprits au point que certains citoyens, pas particulièrement choyés par la vie, en arrivent à se réjouir des résultats affichés par le système bancaire de leur pays, en faisant même parfois une raison de fierté nationale...

Voyons de plus près ce qu'il en est. Il est, par exemple, admis par beaucoup que le Canada est un des rares pays où le système bancaire a bien résisté à la crise mondiale en cours. Il est vrai que la plupart des banques canadiennes ont continué à réaliser des profits et qu'elles n'ont pas eu, jusqu'à aujourd'hui, à être re capitalisées comme ce fut le cas aux Etats-unis d'Amérique notamment. Cependant, si l'on considère le service rendu par ces mêmes banques à leur clientèle, il n'est pas certain que cette bonne santé soit perceptible. En effet, par exemple, les taux offerts pour les placements des particuliers sont toujours très bas. Il est difficile de placer de l'argent, sans prendre trop de risque, à des taux d'intérêt supérieurs a 2%. Les frais bancaires perçus par ces établissements sont en augmentation constante et pire encore, frappent d'autant plus lourdement les clients que les revenus sont faibles.... A contrario, les taux d'intérêt prélevés par les banques sur les cartes de crédit sont toujours proches de l'usure au point que le Nouveau Parti Démocratique (NPD) pendant la dernière campagne pour les élections fédérales avait inscrit dans son programme la baisse de ces taux.... Autre exemple, la Caisse des Dépôts et Placements du Québec se réjouit du rendement de 3,6% qu'elle a obtenu cette année. Pendant ce temps les retraités québécois, eux, sont inquiets sur l'évolution de leur retraite qui est versée par cette Caisse et qui risque de se voir amputée. Il est clair que les logiques en présence sont différentes...

La bonne santé du système bancaire ne semble donc pas corrélée positivement avec l'état de santé général d'un pays. Si l'on s'en tient à l'exemple canadien, il est flagrant que le système de santé, le système éducatif, les infrastructures routières, les réseaux de transport en commun, les réseaux de transport des fluides .... Tous ces systèmes sont dans un grand état de délabrement contrairement au système bancaire. La corrélation dont on parlait plus haut serait donc plutôt négative que positive!

Si l'on considère le cas des Etats-unis-d'Amérique où les banques sont toutes puissantes et bénéficient du soutient constant de l'Etat fédéral au point que, lors de la faillite récente de certaines d'entre elles, elles reçurent le soutien de l'Etat tandis que, ce même Etat, laissait à l'abandon les citoyens les plus pauvres. Dans ce cas non plus le bon état du système bancaire ne peut être assimilé à la bonne santé du pays et on pourrait presque dire que c'est l'inverse qui se produit : le sauvetage des banques est obtenu au détriment de l'attention portée aux citoyens.

En Europe ou l'état du système bancaire est moins florissant qu'en Amérique du nord, on observe que les services publics, même s'ils sont affectés par la crise actuelle, continuent de mieux servir les citoyens au plan de la santé et de l'éducation notamment.

Il faut donc cesser de se réjouir du bon état du système bancaire d'un pays au risque d'oublier tout ce qui va mal. Il faut plutôt concentrer son attention sur l'état des services rendus aux citoyens qui me semble être la vraie mesure de la situation d'un pays. Lorsqu'un pays va mal, que ses citoyens s'appauvrissent majoritairement, pour quelles raisons son système bancaire irait-il bien ? Ne serait ce pas précisément la bonne santé de ce système qui serait la cause de l'appauvrissement d'une partie des citoyens ?

Le système bancaire devrait à mon avis refléter l'état de la société. Il ne peut être réjouissant de voir s'épanouir un système bancaire florissant au milieu d'un océan de misère...

vendredi 12 août 2011

La nouvelle utopie


Nous vivons dans un monde libéral qui cultive des paradoxes souvent invraisemblables. En effet, qui pourrait croire, qu'aujourd'hui, le monde est, en grande partie, dirigé par une entité impalpable, que personne ne peut appréhender avec exactitude et qui, de plus, reste impossible à situer. Cette entité a seulement un nom : le ou les marché(s). Le marché, au moins dans sa configuration financière, est responsable de notre bonheur, lorsqu'il nous permet de nous enrichir facilement et, de notre malheur lorsqu'il est responsable de notre appauvrissement, voire de notre ruine. Ce marché qui, est pourtant responsable d'une crise sans précédent, avec, notamment, l'envolée de la dette des Etats occidentaux, avec l'aggravation des déficits publics et de l'endettement personnel des citoyens, ce marché, nul ne peut le définir avec exactitude. Où en sont les responsables ? Qui peut-on blâmer ? Les responsables politiques se placent souvent à l'abri derrière ces fameux marchés qu'ils disent être incapables de réguler, de contrôler... Une simple « Agence de notation » peut déclencher, en dégradant la note d'un Etat, une chute des bourses que nul ne semble pouvoir maitriser... Mais quels sont les responsables de ces institutions ? Quels sont leurs objectifs ? Leurs statuts ? Nul ne le sait et nul ne peut mettre un nom ou un visage sur ces Agences qui n'ont aucune légitimité puisque non élues et, étant apparemment de statut privé.

Cette nouvelle utopie du marché me paraît au moins aussi nuisible, que les grandes utopies politiques du passé qui avaient pour noms : anarchie, socialisme, communisme.... Ces dernières étaient, en effet, circonscrites à un territoire géographique précis sur lequel elles exerçaient leur emprise. La mondialisation ne leur avait pas encore permis de s'étendre sur l'ensemble de la planète. De fait, les malheurs et les morts dont elles sont responsables étaient localisés et identifiables alors, qu'aujourd'hui, les millions de laissés pour compte, de pauvres, frappés par la crise sont situés partout, dans les pays riches comme dans les pays les moins développés. Les anciennes utopies étaient identifiables, elles étaient personnalisées par des responsables politiques connus contre lesquels la vindicte populaire pouvait s'exercer. Le « marché » lui, est anonyme et, nul visage ne vient le personnaliser. Le combattre est alors beaucoup plus compliqué car l'ennemi est invisible....

Il est quelque peu décevant de constater, qu'après toute l'histoire traversée par l'humanité, le seul système politico-économique qui se soit imposé, soit un système aussi peu performant, aussi peu structuré, aussi peu éthique que le marché... Ceux qui agissent dans le cadre de cette nouvelle utopie sont souvent des individus guidés par le seul appât du gain à court terme, du profit facile, au détriment de la plupart de leurs concitoyens. Tout se passe comme si le mal avait réussi à s'imposer face à l'intelligence des humains, comme si tous ces siècles d'expérience de l'humanité n'avaient abouti qu'à ramener l'être humain à son point de départ, celui où la survie imposait la domination du seul intérêt particulier. Nos ancêtres, cependant, avaient l'excuse de l'ignorance, de la nécessité d'assurer leur survie personnelle et celle du clan. Aujourd'hui, même la solidarité semble s'effacer au profit du seul intérêt individuel qui devient le moteur de toute action...

Il devient urgent de rétablir la solidarité humaine comme valeur fondamentale, faute de quoi nous nous enfoncerons dans une crise qui pourrait rapprocher l'humanité de sa fin...

lundi 1 août 2011

Pour une culture de la prévention, contre celle du gaspillage

Le récent effondrement qui s'est produit dans le tunnel Ville-Marie à Montréal vient, entre autres choses, rappeler aux Américains du nord l'impérieuse nécessité de développer la prévention dans tous les domaines. La conception, généralement en vogue dans cette partie de l'Amérique, selon laquelle un système performant d'intervention en urgence suffirait à régler les problèmes est prise en défaut régulièrement. Cette façon de penser est, par exemple, source de difficultés dans le domaine de la santé où les services d'urgence des hôpitaux sont constamment débordés par suite de la faiblesse de la médecine préventive. Ce dernier type d'intervention médicale requiert, en effet, une meilleure accessibilité au corps médical, ce qui n'est toujours pas le cas actuellement. Au Québec, par exemple, on évalue à environ deux millions de personnes le nombre de ceux qui n'ont pas de médecins de famille...

Le défaut de prévention est a l'oeuvre dans beaucoup d'autres champs. Ainsi, le réseau de distribution de l'eau potable à Montréal n'a pas été entretenu de façon régulière et doit, aujourd'hui, être remplacé presque en totalité, entrainant de gros problèmes de circulation automobile dans la ville. Il est légitime de penser que l'effondrement qui s'est produit dans le tunnel Ville-Marie aurait pu être évité si les services d'entretient des structures de circulation avait procédé à une maintenance régulière de la structure du tunnel... Cet accident se produit après une liste inquiétante d'évènements semblables : effondrement du Viaduc du Souvenir en 2000, effondrement du Viaduc de la Concorde en 2006, menaces d'effondrement de l'échangeur Turcot, des ponts Mercier et Champlain...

D'une façon plus générale, la mentalité des Américains du nord en matière de modèle de développement doit être révisée, voire révolutionnée. Le gaspillage à outrance qui est encore trop souvent pratiqué, doit être abandonné au profit de l'économie par l'appel à plus de prévention notamment. On ne peut plus continuer à perdre des quantités importantes d'eau potable dans les fuites du réseau de transport et à cause de l'absence de compteurs d'eau. Il n'est plus possible de continuer à dépenser sans compter l'électricité en la maintenant à un prix trop bas qui pousse les consommateurs à ne pas faire l'effort de l'économiser. On ne doit plus continuer à consommer l'essence à outrance en favorisant l'achat d'automobiles avec des moteurs très gourmands, en laissant tourner les moteurs à l'arrêt pendant des heures, comme on le voit trop souvent dans les rues de Montréal... On ne peut plus continuer à jeter la nourriture alors qu'elle est encore consommable. On ne peut plus saturer les poubelles d'emballages de plastiques, de cartons ou de papiers, fabriqués a partir de produits pétroliers ou de bois...

Même les interventions des pompiers et des policiers sont souvent « surdimensionnées », en effectifs et en matériels, par rapport aux évènements en cause. Il n'est, en effet, pas rare de voir un nombre important de camions de pompiers mobilisés à propos d'un incident minime, ou même plusieurs voitures de police déplacées pour un simple incident de circulation. Bien entendu, les moteurs des véhicules restent en marche en permanence...

En un mot, l'éducation à la prévention et à l'économie doit être encouragée pour, progressivement, faire diminuer la gabegie ambiante ainsi que pour améliorer le fonctionnement de la société en pratiquant moins souvent des interventions en urgence....