dimanche 25 septembre 2011

Quel avenir pour l'Agence universitaire de la Francophonie?


L'Agence universitaire de la Francophonie (AUF) fête cette année le 50e anniversaire de sa naissance. Alors que 40 universités étaient présentes, en 1961, lors de la création de cette association à l'Université de Montréal, l'Agence universitaire rassemble aujourd'hui 779 établissement, soit près de 800 membres. Un simple calcul montre, qu'en moyenne, ce sont environ 16 établissements qui, chaque année, rejoignent ce réseau universitaire. L'AUF est devenue ainsi, au fil des ans, le plus grand réseau universitaire du monde et est présente sur les cinq continents dans 94 pays...

Comment expliquer la grande attractivité de l'Agence ? J'avancerai trois explications non exclusives :

  • Le « réseautage » universitaire Nord-Sud qui n'abandonne pas les établissements les plus démunis. Il est, en effet, rare de retrouver rassemblés dans un même réseau établissements universitaires les plus riches et les plus démunis;

  • L'approche humaniste et non marchande de la formation et de la recherche qui tranche de plus en plus avec la généralisation de l'approche mercantile de l'éducation. Aujourd'hui, même les universités publiques sont tentées par l'augmentation des droits d'inscription payés par les étudiants pour financer leur développement;

  • Le choix de la défense des langues et de la diversité linguistique. Une position qui se trouve en opposition avec la tendance actuelle qui privilégie la seule langue anglo-américaine pour la formation et la recherche.

Mais l'Agence me semble aujourd'hui située à un tournant de son histoire. En effet, la poursuite de sa croissance au rythme actuel va nécessiter des ressources supplémentaires afin d'assurer le bon fonctionnement du réseau. Des ressources financières bien entendu, mais aussi des ressources humaines. Un défaut sur ce plan risquerait de produire des désillusions auprès des membres, notamment auprès des nouveaux membres issus des pays n'appartenant pas à l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), tels que certains pays d'Amérique latine ou d'Asie. Ces pays ont, a priori, moins de préjugés favorables à la Francophonie et, risquent, de ce fait, d'adopter des positions moins conciliantes avec les institutions francophones. Il faudra aussi compter avec les établissements des pays riches qui cherchent, depuis longtemps déjà, à justifier leur appartenance à ce réseau par des résultats concrets. En cas d'échec sur cette question de la recherche de ressources supplémentaires il y aurait un risque de voir éclater « la bulle » en cours de constitution...

Les responsables actuels de l'Agence paraissent bien conscients de ce risque et ont mis en place des dispositifs de recherche de fonds supplémentaires. Il devient urgent de réussir car la crise économique ambiante vient accélérer encore la diminution des ressources existantes. Les subventions des traditionnels Etats et Gouvernements donateurs sont en diminution, entrainant des restrictions sur les programmes et sur les personnels.

Il existe heureusement des possibilités pour s'en sortir. Il nous semble qu'un minimum de solidarité entre les pays membres de la Francophonie (dont l'AUF est un opérateur) pourrait assez facilement venir à bout de la limite budgétaire. Une solidarité bien comprise devrait conduire les États et Gouvernements membres de l'OIF à tous cotiser, selon leur moyens, au Fonds multilatéral unique. Une implication plus solidaire des membres de la Francophonie débouchant, bien sûr, sur une influence accrue de cette organisation... Il faut savoir, en effet, que le budget annuel de l’OIF est alimentée à 82,5% par six Etats et gouvernement : la France (41,45%), le Canada (26%), la Belgique (6,52%), la Suisse (5,09%), le Québec (4,86%), et la Grèce (3,19%) alors que cette organisation regroupe 75 Etats et Gouvernements (56 membres et 19 observateurs). Cette situation est, en outre, nuisible à l’image d’une institution qui se veut multilatérale. Bien entendu, le contexte de crise économique mondiale qui règne actuellement n'est guère propice à des investissements de cette nature. Mais il faut considérer qu'il suffirait que chaque pays membre de l'OIF accepte d'abonder le Fonds multilatéral unique d'une somme modeste, en proportion avec son budget, pour que puisse être mis à disposition de l'AUF notamment une enveloppe budgétaire sensiblement augmentée. Comme dit le dicton, « ce sont les petits ruisseaux qui font les grandes rivières »... D'autre part, l'investissement dans l'éducation et la recherche est le seul dont on peut être sûr qu'il débouche sur une amélioration de l'avenir des peuples...

jeudi 22 septembre 2011

Quel taux de croissance viser?


Nous vivons aujourd'hui sous la dictature du « Taux de croissance ». En effet, la réussite et, souvent le bonheur, semblent se mesurer presque uniquement à partir de cet indicateur économique. Ce chiffre quantifie, en fait, l'évolution, en pourcentage du Produit intérieur brut (PIB) d'un pays, entre deux années successives. Un taux de croissance positif signifie donc une augmentation du PIB d'une année à l'autre. Le PIB, quand à lui, est une mesure de la valeur totale de la production interne de biens et services d'un pays donné, au cours d'une année, par des agents résidant à l'intérieur des frontières de ce pays.

Partant de ces définitions, il est clair qu'un taux de croissance positif indique que, d'une année à la suivante, la production interne du pays a augmentée. On peut dès lors, se poser la question de savoir pourquoi faut-il que ce taux soit systématiquement supérieur à 1% ou 2% pour faire le bonheur des économistes et des responsables politiques? Les taux de croissance faibles mesurés ou prévus actuellement dans la plupart des pays d'Europe, par exemple, sont systématiquement qualifiés de dramatiques par les commentateurs de tous bords...

Imaginons un pays où le plein emploi est à peu près atteint (taux de chômage inférieur à 5%). Imaginons de plus, que la démographie de ce pays soit stagnante avec un taux de fécondité des femmes qui assure tout juste le renouvellement de la population (cette situation est fréquente dans nombre de pays riches). Dans ces conditions, un taux de croissance nul devrait suffire à assurer le plein emploi de la population active puisque celle-ci est stable démographiquement. A fortiori, un taux de croissance de 1% ou 2% devrait satisfaire les responsables politiques. Or, il n'en est rien, puisque le monde continue à viser des taux de croissance supérieurs! Il est clair que la situation dégradée de l'emploi dans certains pays riches peut justifier ce souhait mais il devrait, me semble t-il, être accompagné de la perspective de diminuer ce taux, aussitôt que la situation de l'emploi aurait atteint un niveau acceptable. Il n'en est jamais ainsi dans les faits.

On est en droit de se demander quels sont les effets négatifs de cette façon de gérer les pays? J'en vois au moins trois :

  • Il y a d'abord le fait que le maintient d'un taux de croissance fort, à démographie constante, ne peut que susciter un appel à des travailleurs supplémentaires et donc à l'émigration. Or on connait aujourd'hui tous les problèmes suscités par une émigration mal maitrisée...

  • Il y a ensuite, le risque d'épuisement des ressources naturelles induit par cette augmentation sans fin de la production. On connait déjà ce problème dans bien des domaines : pétrole, minerais, eau...

  • Il y a, enfin, l'augmentation de la mondialisation entrainée par la surproduction de biens, qui implique la nécessaire exportation des surplus. On connait aujourd'hui tous les risques et difficultés crées par une mondialisation mal contrôlée avec, notamment, l'emprise de la finance internationale et le creusement de l'écart entre les riches et les pauvres par affaiblissement de la classe moyenne.

    Il est temps de prendre enfin des dispositions propres à mettre fin à cette façon de penser le développement, de cesser d'encourager la cupidité, et de tendre vers un développement plus harmonieux et plus durable. Si les taux de croissance forts sont nécessaires dans les pays en développement, ils ne paraissent plus justifiés dans les pays développés...

samedi 17 septembre 2011

Les conditions de la résolution de la crise Européenne


Pourquoi est-il si difficile de trouver une solution à la crise européenne ? Il est certain que le manque de solidarité au sein de l'Union Européenne (UE) n'est pas un facteur favorable à la résolution de la crise mais, il est aussi facile de constater que les fumeux marchés qui attaquent constamment l'euro, tout comme les fameuses agences de notation qui rendent la vie difficile aux Européens, se situent généralement en dehors de la zone euro.

Tout se passe donc comme si des forces maléfiques, externes à l'UE, s'étaient coalisées afin de tenter de faire éclater l'Union en spéculant bien sûr sur les mésententes qui règnent au sein de l'Union... Pour savoir quelles sont les forces qui manipulent les marchés dans ce sens, il faut chercher à qui profite le crime ? Il y a d'abord les Etats-Unis d'Amériques (EUA) qui traversent une crise sans précédent et qui ont tout intérêt à ne pas voir une Union Européenne florissante venir occuper les places qu'ils pourraient perdre du fait de leur faiblesse actuelle. On ne doit pas non plus oublier le Royaume-Uni qui n'a jamais vraiment cru en l'Europe et qui d'ailleurs, ne fait toujours pas partie de la zone Euro. Ce pays est, traditionnellement un allié fidèle des EUA.

Il y a enfin, les « ennemis de l'intérieur », les Européens qui n'ont jamais cru en la construction européenne et qui verrait d'un bon œil s'écrouler ce projet. Cette catégorie se caractérise surtout par un nationalisme fort et par le regret de voir les Etats abandonner leurs pouvoirs au profit d'une entité fédérale qui n'existe pas encore. Il est étonnant de constater que, ceux-là même qui craignent, par exemple, de voir la France abdiquer une partie de ses pouvoirs au profit de l'Europe, se préoccupent fort peu du transfert, déjà bien avancé, des prérogatives de l'Etat vers la finance internationale et vers les entreprises multinationales... Le Front National, en France, est un bon exemple de cette catégorie de personnes.

Ces constats montrent à quel point il est illusoire de penser que la solution de la crise européenne sera aisée. Pour aboutir à une stratégie efficace de résolution, il est impératif que l'unité se renforce au sein même de l'Union. C'est une condition nécessaire (mais non suffisante) pour réussir à contrer la coalition des ennemis de l'extérieur. Il est de la responsabilité des citoyens européens de peser sur leurs dirigeants afin qu'ils s'orientent vers plus de solidarité au sein de l'Union. Les alliés potentiels de l'UE que constituent les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) doivent eux-aussi jouer un rôle actif dans cette nécessaire prise de conscience des dirigeants européens. Ils n'ont en effet, aucun intérêt à se retrouver en situation de face à face avec la seule puissance des EUA s'ils veulent poursuivre leur développement de façon la plus harmonieuse et durable possible...

lundi 12 septembre 2011

La Grèce pire que l'Afrique?


Les responsables politiques, les médias et les commentateurs de toutes origines ne cessent d'entretenir la peur autour de l'éventualité d'une prochaine faillite de la Grèce. Parmi les raisons évoquées à l'origine de cette dégradation figure, en bonne place, la dette publique de ce pays qui s'élève à environ 153% de son PIB (soit approximativement 350 milliards d'euros). Une partie de la solution avancée par l'Union Européenne (UE) et par le Fonds Monétaire International (FMI) consiste à imposer à ce pays une cure d'austérité, de rigueur, sans précédent en vue d'abaisser le niveau de la dette jusqu'à un seuil acceptable (60% du PIB) dans un délai pas trop long.

Une mise en défaut de ce pays est généralement présentée comme une perspective insupportable. La restructuration de la dette grecque est envisagée comme une menace de désagrégation pour l'ensemble de l'UE. On semble même préférer un retrait de la Grèce de l'UE à un effacement partiel ou total de la dette de ce pays. Cette attitude est surprenante si l'on considère que cette approche a souvent été mise en œuvre, par les pays européens notamment, en faveur des pays d'Afrique en difficulté.

Faut il rappeler que l'accord de Londres, en juin 2005, effaçait purement et simplement la dette des 18 pays les plus pauvres du monde (environ 30 milliards d'euros). Le Bénin, le Burkina Faso, l’Ethiopie, le Ghana, Madagascar, le Mali, la Mauritanie, le Mozambique, le Niger, le Rwanda, le Sénégal, la Tanzanie, l’Ouganda et la Zambie furent du nombre des heureux élus... Cette décision historique fut prise par le G8 auquel appartiennent pourtant l'Allemagne, la France, Le Royaume-Uni et l'Italie, tous membres de l'UE... L'initiative « Pays Pauvres Très Endettés » (PPTE) vise à assister les pays les plus pauvres du monde en rendant leurs dettes internationales « soutenables ». Ce programme, lancé en 1996 à l'initiative de la Banque Mondiale et du FMI, concerne, en septembre 2006, 42 pays dont trois quarts sont situés en Afrique subsaharienne. Cette aide est évaluée à environ 50 milliards d'euros. En décembre 2009, la France annulait pour plus de 200 milliards de francs-CFA la dette de la Côte-d'Ivoire

tout en re échelonnant pour plus de 300 milliards de francs-CFA de cette même dette... Il serait possible de citer bien d'autres exemples d'allègement de la dette par des pays riches au profit des pays pauvres.

Ainsi, il serait acceptable pour les pays riches d'alléger le fardeau de la dette en faveur d'un pays pauvre et absolument inimaginable lorsqu'il s'agit de la Grèce, un pays membre de l'UE. On retrouve là une illustration du fameux dicton " le cordonnier est le plus mal chaussé"! Il semble bien, en réalité, que cette affaire soit simplement le reflet d'une volonté politique plus qu'un vrai problème économico-financier.

lundi 5 septembre 2011

Droits d'inscription universitaires des étudiants étrangers


Comment peut-on justifier le fait que les universités au Québec (et sans doute dans bien d'autres provinces canadiennes ou d'autres pays) réclament des droits d'inscription majorés aux étudiants étrangers par rapport à ceux réclamés aux canadiens ? Alors qu'un étudiant canadien paie des droits de scolarité d'environ 4000 dollars canadiens pour un an, un étudiant de nationalité étrangère qui s'inscrit dans une université du Québec paiera entre 12 000 et 15 000 dollars de droits d'inscription pour la même période. La charge supportée par les étudiants étrangers est donc de 3 à 4 fois supérieure à celle des étudiants du Québec...

Il est difficile de justifier cette différence par des considérations universitaires, puisque les cursus suivis par les étudiants étrangers sont les mêmes que ceux proposés aux étudiants nationaux. Les universités n'ont donc pas à subir de charges supplémentaires dues à ces étudiants qui viennent d'ailleurs. Sur un plan économique, c'est même l'inverse qui se produit puisqu'on estime qu'environ 10% des étudiants étrangers demeureront au Québec à l'issue de leur formation et viendront donc apporter leurs capacités de travail au Canada tout en contribuant à relever le défi démographique du Québec et du Canada. D'autre part, il est bien connu (voir par exemple le dossier du journal « Le Devoir » du samedi 3 et du dimanche 4 septembre 2011) que les étudiants qui retournent chez eux deviennent des "ambassadeurs" et concluent des partenariats avec des établissements de recherche ou des entreprises canadiennes. On peut aussi noter que ces étudiants contribuent, par leur présence, à l'internationalisation des universités canadiennes.

Dès lors, quelles justifications peut-on retenir à cette majoration des droits d'inscription ? Cette façon de faire introduit une différence discriminatoire entre les étudiants canadiens et les autres qui n'est pas saine et qui ne va pas dans le sens de l'internationalisation souhaitée pour les formations supérieures canadiennes. En outre, elle ne reconnaît pas l'apport positif de ces étudiants à leur nouveau milieu de vie. Enfin, elle est contraire au souhait formulé par les universités canadiennes d'accroitre leur rayonnement international...

Il faut, pour finir, noter que le Ministère de l'Education, du loisir et du sport du Québec signe déjà certaines ententes d'exemption de majoration des droits de scolarité universitaires avec des gouvernements étrangers (France par exemple). Cette situation ne fait donc qu'ajouter de la discrimination à une situation déjà différentiée... Il me paraît urgent d'aligner les droits d'inscription universitaires de tous les étudiants, d'où qu'ils viennent, sur les mêmes chiffres...