Pauvres enfants des pays développés... La liberté qui a toujours été au centre des aspirations humaines, aujourd'hui comme hier, leur est maintenant comptée. Plus question de s'aventurer seul ou en groupe dans la nature, plus possible non plus de le faire en ville, plus question de chaparder, ça et là, quelques fruits ou même quelques objets dans les magasins, la surveillance des parents et des vigiles, électroniques ou non, est omniprésente. Le trajet de la maison à l'école est désormais encadré par les parents, les brigadiers scolaires, les policiers... Plus possible de dire des gros mots, de s'attoucher entre enfants de sexes différents ou de même sexe, c'est devenu traumatisant pour et risque de les conduire chez le psychanalystes. Plus possible de se bagarrer avec les copains c'est un acte passible de prison.... Désormais, au Québec, même la « tire d'érable » leur est interdite pour des raisons hygiéniques, la neige pouvant avoir été souillée..... Les lectures en cachette sont devenues rares par suite de la disparition des bibliothèques familiales et de l'emprise de la télévision, la vision de films interdits aux plus jeunes est désormais si contrôlée qu'il leur devient impossible de pénétrer en fraude la moindre salle de cinéma... Bricoler est devenu une activité rarissime car les appartements s'y prêtent mal et les parents n'ont plus le temps de le faire. Plus question de pratiquer le vélo ou le ski sans se munir d'au moins un casque de protection. Même à distance, loin de leurs parents, les enfants restent contrôlés par le téléphone cellulaire et le GPS...
Mais comme toujours, contourner les interdits demeure une activité essentielle de l'être humain et les enfants aussi y parviennent mais à quel prix ? L'aventure dans la nature est devenue virtuelle. L'ordinateur est le nouvel espace de liberté, pour quelque temps encore, car les logiciels de contrôle parental sont en cours de généralisation. Le joint a remplacé la cigarette mais au prix d'un risque bien plus grand d'installation de la dépendance. La pornographie virtuelle, accessible, par Internet, a pris la place des attouchements avec des dangers accrus. Les bagarres virtuelles, offertes par les médias visuels (télévisions, Internet, jeux électroniques,...) ont remplacé les pugilats réels sans que l'on sache bien encore quels en seront les conséquences sur la personnalité de l'enfant. Les animaux fréquentables sont limités au chien ou au chat lorsqu'on a de la chance et, plus souvent, à la fourmi, à l'araignée ou au moustique... Le jeune enfant qui regarde un documentaire sur la nature est aujourd'hui intrigué par le fait que les poissons ne parlent pas.... L'activité de création manuelle est remplacée par l'achat de jouets en nombre impressionnant. Les chambres d'enfants sont devenues des capharnaüms délirants... La moindre activité scolaire est passible de l'intervention des parents qui contrôlent à la loupe les actions des enseignants et de l'encadrement.
Il est légitime de se demander pourquoi en est-on arrivé là ? Il serait prétentieux de ma part de vouloir donner une réponse exhaustive à cette question. Cependant, il me semble possible d'avancer quelques arguments, ce qui, simultanément permettent d'ouvrir des pistes pour corriger la situation :
L'information et les médias qui, aujourd'hui, nous envahissent ont tendance à monter en épingle la moindre affaire qui a trait aux enfants... Il suffit qu'un enfant se fasse « taxer » dans une école pour que la nouvelle fasse très rapidement le tour du pays, alarmant immédiatement les parents. Au Québec, par exemple,la seule information selon laquelle la « tire d'érable » pouvait être contaminée par de la neige impropre a entrainée immédiatement des réactions exagérées, certaines écoles allant même jusqu'à supprimer les sorties vers les « Cabanes à sucre »...
La relative « disparition » du père de l'environnement de l'enfant contribue à sur valoriser les valeurs plus féminines. Les familles sont de plus en plus souvent monoparentales, l'éducation des enfants revenant plus généralement aux mères. Les métiers de l'éducation se sont féminisés entrainant une présence moindre des hommes au contact des enfants.
La faiblesse des sanctions qui font suite aux erreurs et aux fautes commises par les enfants. Quiconque a connu les « heures de colle » scolaires, les centaines de lignes à copier, les exclusions, les punitions corporelles,... pourra juger du chemin parcouru.
La diminution des activités physiques en liberté qui permettaient aux enfants de se mesurer directement à la nature et aux autres.
La conception ludique de la formation qui veut que la plupart des apprentissages scolaires revêtent la forme d'un jeu, empêchant les enfants d'affronter et de résoudre les difficultés par leur propre effort.
L'oubli que la formation se fait aussi par l'expérience et par l'apprentissage à la résolution de difficultés. Il est significatif que la pédagogie fasse appel à « l'apprentissage par l'erreur » ou à « l'apprentissage par problèmes », alors que cette façon de faire est rarement utilisée pour l'éducation des enfants. Souvenons nous que, dans le monde de la santé, c'est souvent le contact avec les microbes (vaccination) qui permet d'assurer l'immunité aux maladies.
Il ne faut pas oublier, enfin, que « l'apprentissage par l'exemple » est une des méthodes favorites par laquelle les jeunes enfants apprennent de leur proche environnement. Un enfant est comme une éponge il absorbe tout ce qu'il voit autour de lui et même plus que ce qu'on peut lui dire de vive voix. L'exemple donné par les parents dans la vie quotidienne est un élément essentiel de la formation des enfants au moins autant que l'affection et l'amour qu'on leur porte...