vendredi 24 décembre 2010

Communautarisme ou assimilation ?

Récemment, au cours d'une interview donnée au journal Le Monde en date du 12-13 décembre 2010, Henri Guaino, conseiller spécial du Président de la République française, indiquait que l'assimilation est le programme de la République. Il souhaitait, entre autre chose, s'opposer aux tenants du communautarisme qui, selon lui, attaque insidieusement les fondements de la République française.

Une nation, quelle qu'elle soit, ne saurait se développer harmonieusement si ses composantes culturelles ne vivent pas dans une certaine harmonie. Les effets de la mondialisation sont, en effet, aujourd'hui présents presque partout dans le monde. Parmi les conséquences qui en découlent, il faut souligner la création de mélanges, de plus en plus hétérogènes, de populations d'origines diverses. Aujourd'hui, il est devenu rare de trouver un pays dont la composition démographique et culturelle est homogène. Partout les cultures se côtoient, se métissent et, malheureusement, parfois, s'affrontent... Dans ces conditions deux possibilités d'évolution sociétale s'offrent aux nations :
Le choix d'un communautarisme de plus en plus marqué, c'est à dire, une évolution vers une situation dans laquelle les cultures se côtoient certes, mais sans trop se mélanger et dans laquelle, chaque groupe culturel sera susceptible de profiter d'un certain degré d'autonomie de gestion au sein de la communauté nationale. Cette façon de procéder peut donner lieu à des situations sociales stables si l'Etat se donne les moyens d'organiser les relations entre les communautés de façon à éviter, le plus possible, les conflits inter culturels. Cette orientation est généralement celle adoptée par les nations de culture anglo-saxonne.
L'autre approche est celle, dite d'assimilation. Elle ne reconnaît pas les communautés culturelles en tant que telles et met en place les mécanismes politico-administratifs capables de les amener à s'intégrer dans un moule commun à l'ensemble de la nation. Cette façon de faire est celle qui est choisie par la France notamment. A première vue, c'est une approche qui devrait poser moins de problèmes, au moins sur le long terme, dans la mesure où les groupes culturels se fondent tous dans un même moule. Elle apparaît donc mieux à même de produire une société harmonieuse... Cependant, à y regarder de plus près, on se rend vite compte que les choses sont plus complexes.
La première remarque concerne la culture nationale. Cette dernière ne peut être que la résultante du mélange des cultures des groupes qui se sont assimilés au sein de la nation. Elle profite de l'apport des différentes cultures qui sont en présence. Il suffit de se rappeler, par exemple, ce que les auteurs originaires de l'Outre-mer ont apporté à la France ne serait-ce que dans le domaine littéraire... Dès lors, toute tentative d'atténuation des cultures d'origines, avec l'objectif de les forcer à se fondre dans le creuset culturel national, risque d'entrainer une perte de vitalité, de créativité, pour la nation, celle-ci ne bénéficiant plus de l'apport original des composantes culturelles exogènes.
Sur un autre plan, l'assimilation jouit généralement d'une triste réputation. Ainsi aux Antilles et en Guyane, notamment, elle a été à la base de la justification de nombreuses dérives : interdiction de l'enseignement et de la pratique de la langue locale, le créole; falsification de données historiques, comme, par exemple, le fait d'enseigner aux écoliers antillo-guyanais que leurs ancêtres étaient des gaulois; déplacements massifs de population vers la métropole où elle venait renforcer la classe ouvrière... Cette dernière disposition étant souvent vécue comme une sorte d'émigration forcée. De façon plus générale, l'assimilation a permis, dans les régions ultra marines, de justifier la négation des cultures locales. En France métropolitaine aussi, l'assimilation n'a pas toujours eu bonne presse. Les phénomènes d'islamisation de la France, sont souvent perçus comme un échec de l'intégration (ou de l'assimilation) des musulmans par la République...

La position correcte semble, comme souvent, se situer entre les deux pôles extrêmes que constituent le communautarisme d'une part, et l'assimilation d'autre part. Il s'agit plutôt de permettre une insertion, aussi harmonieuse que possible, des communautés culturelles émigrantes au sein de la société d'accueil, tout en leur permettant de vivre leur culture à la condition qu'elles respectent les lois fondamentales de la République française. Cette façon de faire, ménageant à la fois les cultures exogènes et endogène, pourrait être désignée par Républicanisation, une désignation qui a le mérite de bien marquer l'adoption des lois républicaines par les émigrants sans, pour autant, exiger l'abandon de toutes leurs valeurs culturelles. Cette approche, bien sûr, pourrait amener la disparition de certaines pratiques culturelles, incompatibles avec la culture de la société d'accueil mais, en aucun cas, elle ne devrait mépriser, a priori, les façons de vivre des nouveaux arrivants.

Mettre en place la Républicanisation, nécessitera un changement profond des mentalités, tant dans le pays d'accueil que de la part des populations émigrantes. Il faudra, en effet, que le pays d'accueil soit suffisamment tolérant pour pouvoir accepter des pratiques inhabituelles de la part des nouveaux arrivants. Ces pratiques devront, évidemment, être conformes aux règles admises dans le pays d'arrivée. Il sera aussi important que les émigrants acceptent de modifier certains de leurs comportements, lorsqu'ils ne sont pas admissibles par la société d'accueil et aussi, qu'ils tolèrent des pratiques, de la part de leurs nouveaux concitoyens, qui pourraient leur sembler inadmissibles, si ces habitudes sont celles pratiquées dans leur nouveau pays.

Tous ces changements de mentalité et d'habitudes prendront du temps et ne pourront être réalisés qu'au travers de l'éducation parentale et scolaire. Il faudra également que les Gouvernements des pays incriminés se concertent afin de faciliter la mise en place de ce nouveau concept. Le Gouvernement du pays d'accueil devra impulser et coordonner la réalisation du changement au travers, notamment, de la réglementation administrative et de la loi. Les Gouvernements des pays de départ seront, au minimum, responsables de l'information des candidats au départ relativement aux nouvelles façons de vivre qui les attendent.

La Républicanisation pourrait ainsi faire que l'avenir de la mondialisation soit moins conflictuel qu'elle ne l'est actuellement et qu'elle l'a été par le passé...

mercredi 8 décembre 2010

Le nouveau Noël

Quelle belle fête que celle de Noël ! Elle permet aux familles de se rassembler, une action de plus en plus difficile à réaliser de nos jours. Mais elle est surtout l'occasion de procurer de la joie aux enfants. La tradition des jouets de Noël est toujours en vogue mais elle me semble avoir été quelque peu dévoyée. En effet, les enfants reçoivent déjà beaucoup de cadeaux pendant l'année, en diverses occasions, si bien que pour atteindre l'émerveillement au moment de Noël, il faut aujourd'hui leur offrir toujours plus de cadeaux et de plus en plus couteux. En outre, une sorte de concurrence s'établit entre les parents et amis, chacun s'évertuant à offrir le plus beau cadeau, celui qui emportera la palme auprès des enfants.... Tout cela aboutit à un énorme gâchis, peu éducatif par ailleurs. Les enfants se détournent très vite de ces jouets, qui ne correspondent d'ailleurs pas souvent à leurs souhaits, et très rapidement les relèguent au fond des armoires préférant.....regarder la télévision....
Sans glorifier le passé, souvenons nous de l'attente de Noël, à une époque où les jouets étaient rares et chers. Cette longue attente qui précédait la fête, ne donnait que plus de valeur aux rares jouets qui étaient offerts. Ces présents, pendant toute l'année qui suivait, constituaient un rappel du bonheur et des joies de Noël.

En agissant comme nous le faisons aujourd'hui, nous ne rendons pas service à nos enfants, nous contribuons a leur construire une mentalité de "petit empereur", d'enfant gâté, qui pourra avoir des conséquences graves, voir dramatiques, pour la famille et la société, une fois l'enfant devenu adulte. Il est utile de considérer ce qui se passe, en Chine, par exemple, où la politique d'enfant unique a donné naissance, lorsqu'ils étaient trop choyés, à une génération d'adolescents et d'adultes complètement asociaux. Au point que le pays a du faire appel à des maisons de redressement spécialisées pour traiter ces déviants et tenter de les ramener à des comportements plus corrects.

Noël est à l'origine une fête religieuse, une commémoration chrétienne de la Nativité. Mais aujourd'hui le Dieu devant lequel nous nous prosternons a changé de nom et de nature. Il s'appelle désormais "fric". Il faudra sans doute que la crise économique s'aggrave pour que nous puissions, faute de moyens financiers suffisants, revenir à des pratiques plus saines... Mais, une fois encore, nous aurons subi la loi de cette nouvelle idole....

mardi 7 décembre 2010

Tristes élections.

Les récents évènements autour de l'élection présidentielle en Côte-d'Ivoire ne peuvent que nous conduire à nous interroger sur la valeur et sur l'avenir du processus électoral dans le monde contemporain. Il est vrai que les difficultés se rencontrent surtout au sein des pays dit « en voie de développement » comme c'est, par exemple, aussi le cas actuellement en Haïti où l'élection présidentielle est entachée de fraudes multiples, ou encore en Egypte où l'emprise du Président Moubarak vient contrer l'expression libre de la démocratie... On ne peut, non plus, oublier la désignation du successeur du Président Omar Bongo au Gabon, ni celle du Président Kabila au Zaïre, ni les rumeurs qui circulent sur la succession du Président du Sénégal ou du Président de la Corée du nord... On pourrait allonger cette liste sans difficulté en considérant d'autres continents.

Cependant, il ne faudrait pas croire que ces maux affectent les seuls pays en développement. Les pays les plus riches rencontrent, eux aussi, des embûches sur le chemin de l'expression démocratique. Par exemple, les taux d'abstention, importants et répétitifs, qui apparaissent au moment des élections en constituent un témoignage (voir chronique du lundi 15 mars 2010 dans ce même blogue). En outre, même lorsque les électeurs prennent la peine de se déplacer en nombre suffisant, il est fréquent de constater, au bout du processus, que les parties en présence ne sont souvent différentiées que par des pourcentages de voix infimes. Tout se passe comme si, les choix de l'électorat se répartissaient quasi uniformément entre les partis ou les candidats en lice... Ainsi, même lorsque le processus fonctionne et qu'il n'est pas affecté par des perturbations (fraudes d'origines diverses, désintéressement,...), le résultat n'apparait guère probant.

Tout se passe donc comme si le processus électoral traversait actuellement une crise grave qui pourrait, si l'on n'y prend garde, le mener dans une impasse définitive et, à terme, le condamner. Il y a là une perspective extrêmement inquiétante sur laquelle les analystes politiques de tous bords devraient se pencher avec attention. En effet, faute de perspectives, la situation pourrait s'aggraver et déboucher sur une violence incontrôlable comme cela se passe, d'ailleurs, déjà dans certains pays...

On peut, certes, intervenir en agissant sur les causes multi factorielles de cette situation : la corruption, les promesses non tenues des candidats, la multiplicité des scrutins, le manque de leaders charismatiques, la disparition des idéologies, l'absence de grands projets, la sur information,... mais, même si cette action ne peut qu'être positive, elle risque de ne pas être suffisante pour enrayer le phénomène. Il importe aujourd'hui de réfléchir à des moyens d'intervenir directement sur le processus de consultation des citoyens afin de lui redonner de l'intérêt, de lui redonner vie... Il faut, à mon avis, être innovant pour être crédible. Il ne s'agit plus de colmater des brèches mais bien de reconstruire un dispositif électoral sain et vivant. Un processus susceptible de rassembler un maximum d'électeurs et capable de retrouver du sens auprès des citoyens de façon à diminuer les taux d'abstention et à éviter, le plus possible, la contestation post électorale. Il faut motiver l'électorat, le rassurer et lui redonner confiance dans le processus de consultation... Les technologies de l'information et de la communication (TIC) me semblent toutes désignées pour aider à atteindre ces objectifs.

Avec ces technologies, en effet, il devient facile de s'exprimer : un simple « clic » permet de voter, parfois sans même à avoir à quitter son domicile. Elles permettent, en outre, que les participants puissent se compter facilement et puissent, ainsi, évaluer le niveau de partage de leurs choix. Des dispositifs adaptés peuvent permettre aux participants de voir, en temps réel, évoluer les résultats de la consultation. Cette façon de procéder pourrait, d'ailleurs, contribuer à créer une émulation, favorable à la participation au processus, au sein de la population. Le caractère moderne, direct et instantané de ce type de consultation électronique aurait, en outre, l'effet de rendre l'opération plus attractive tout en rassurant les citoyens quand au sérieux de la consultation... Il faudrait aussi s'assurer que le contrôle du processus électronique demeure bien, lui aussi, démocratique et soit aux mains des représentants choisis par les citoyens. Internet serait ainsi définitivement confirmé dans son rôle au profit d'une démocratie moderne.

Deux exemples récents pris au Québec :

- En décembre 2010, une pétition électronique exigeant du gouvernement libéral la mise en place d'une commission d'enquête publique sur l'industrie de la construction, a reçue plus de 18000 signatures en 18 jours !
- En fin d'année 2010, une pétition placée sur le site Web de l'Assemblée nationale, demandant la démission du Premier ministre du Gouvernement du Québec, collecte plus de 240 000 signatures par voie électronique en un temps record...

Plus encore que la rapidité de l'expression des citoyens québécois, ce qui me semble remarquable, dans ce dernier cas notamment, c'est que ces faits se sont produits alors même que l'apathie semblait gagner l'ensemble des citoyens et que aucune manifestation publique ne venait exprimer le mécontentement profond des québécois face à la corruption et à l'inaction du Gouvernement...

Dès lors, on peut se demander pourquoi ne généralise t-on pas ce mode de consultation des citoyens qui semble bien adapté au mode de vie actuel ? Existerait-il une sorte de « conspiration du silence » qui viserait à empêcher l'extension de ce mode de consultation des citoyens ?

On pourra toujours objecter que ce mode d'expression démocratique ne saurait convenir aux pays en développement, compte tenu de l'état embryonnaire du réseau Internet dans ces pays. Cet argument est recevable, mais ne me paraît pas de nature à condamner l'évolution des choses. En effet, il suffit de penser, par exemple, à la rapidité qui a prévalue dans la mise en place du téléphone portable dans ces pays. D'emblée, ce mode de communication a dépassé, en nombre d'appareils utilisés, celui des postes fixes dont l'emploi avait pourtant précédé celui des téléphones portables dans la plupart des pays riches. Il serait assez facile de rendre le réseau Internet accessible à la majorité des populations si la volonté politique s'en faisait le relais. En rendant plus attractif et plus crédible le processus de consultation, les citoyens de ces pays pourraient, eux aussi, être rassurés et, par voie de conséquence, moins contester, a posteriori, les résultats de ces opérations... Il y aurait là également un moyen de diminuer les éventuelles pressions exercées sur les participants au moment où ils se rendent dans les bureaux pour exercer leur droit de vote. Bien entendu, il ne faudrait pas penser que la démocratie pourrait s'installer dans ces pays simplement en faisant appel à ce type d'interrogation des citoyens. Cette façon de faire ne serait qu'un appui à la démocratisation de ces sociétés, une voie qui serait à même de faciliter celle-ci à la condition que la volonté politique se fasse l'écho de ce désir.

Pour peu que l'on s'en donne les moyens, le vote électronique rassemble plusieurs avantages : modernité, facilité d'emploi, rapidité d'exploitation, fiabilité des résultats, contrôle accéléré des résultats... De plus, les réseaux sociaux électroniques (Facebook, Twitter,...) permettent aujourd'hui, une concertation efficace entre les citoyens de nature à faciliter le contrôle indirect de l'expression démocratique. En effet, si un résultat annoncé est en contradiction avec la réalité des choix des citoyens, ce hiatus apparaitra immédiatement au travers des réseaux sociaux. Peut être qu'alors, le triste spectacle de consultations électorales délaissées, contestées, critiquées deviendra plus rare...