vendredi 29 octobre 2010

La dynamique du libre-échange

Récemment, j'entendais sur une chaine de la télévision française (émission « Face aux français » sur France 2) un débat qui opposait un homme de gauche en la personne de Jean-Luc. Mélanchon à un homme politique de droite, Luc Ferry. Au cours de cette séquence, la question du libre-échange a été abordée et à donner l'occasion aux deux protagonistes de présenter deux visions diamétralement opposées.

Pour L. Ferry, le libre-échange a permis, en association avec le capitalisme et le libéralisme de libérer les énergies productives et donc, de favoriser le développement économique de la France notamment. Un de ses arguments principaux consistait à se référer à une période de l'histoire de France pendant laquelle le libre-échange était encore peu développé, soit le 19è siècle, pour constater l'état de misère du pays à cette époque. Cette situation a d'ailleurs été décrite par nombre d'écrivains au rang desquels figure Emile Zola et ses romans tels : la bête humaine, Germinal,.... Pour Ferry, c'est l'abaissement des frontières douanières qui a permis à la production économique française de gagner de nouveaux marchés et qui a permis l'essor économique du pays. Cet argument semble incontestable et justifie, aux yeux de nombreuses personnes, le soutien à une politique de libéralisation, tous azimuts, des échanges, le choix en faveur de la libre concurrence des producteurs sur des marchés devenus mondialisés.

Pour L. Mélanchon, le diagnostic est radicalement opposé : le libre-échange, en laissant agir librement les marchés, a conduit à la destruction du tissu productif national. Il a mené à la délocalisation des emplois qui ont été relocalisés au sein des pays émergents où le coût de la main-d'oeuvre est moindre. Pour lui, il est donc urgent de revenir à un certain niveau de protectionnisme si l'on veut favoriser, tant soit peu, le renforcement de la production économique en France notamment. L'argument là aussi semble difficile à contester car, chacun peut constater tous les jours les dégâts causés par la politique libérale sur le niveau de l'emploi. Le taux relativement élevé du chômage dans plusieurs pays développés est directement en rapport avec les effets de cette politique de libéralisation des marchés.

A mon avis, cependant, ces deux diagnostics contradictoires et, qui opposent constamment la droite et la gauche en France, ne sont, en réalité, pas si antagonistes qu'ils ne le paraissent au premier abord. En effet, ils ne font que refléter, à mon sens, deux moments différents dans l'évolution de l'économie d'un pays sous l'emprise du libre-échange. Sans être un économiste, ni un expert, il me semble que le mécanisme mis en oeuvre par le libre-échangisme pourrait être décrit de la façon suivante :
Jusqu'au 19è siècle environ, les outils de production sont essentiellement localisés au sein des pays les plus riches (Europe et Amérique du Nord notamment) tandis que les marchés de consommation sont généralement restreints à l'intérieur des frontières nationales des Etats ainsi qu'à certains pays moins développés qui, suite à la colonisation, font encore partie des « chasses gardées » des Etats les plus riches. L'abaissement des frontières douanières, prôné par le libre-échange, va permettre aux producteurs de ces pays de conquérir de nouveaux marchés à l'extérieur des nations. Cet abaissement va contribuer à créer un grand marché mondialisé constitué, partiellement, par les consommateurs des pays les moins développés. Dans le même temps, cette politique va mettre en concurrence, au sein des nouveaux marchés mondiaux, les producteurs des pays riches qui, désormais, vont devoir se battre pour conquérir les marchés et vont donc se trouver dans l'obligation d'abaisser leurs coûts de production de façon importante. Pour cela, ils sont amenés à délocaliser de plus en plus les emplois dans les zones de la planète où ces coûts sont les plus faibles, soit vers les pays émergents. C'est ainsi que progressivement, les pays riches vont passer de la situation de pays producteurs à celle de pays consommateurs de biens qui proviendront désormais des pays émergents.

On voit donc que le diagnostic mis en avant par L. Ferry et par les partis de droite en général correspond, en fait, à limiter l'analyse à la période du début de la mise en oeuvre des politiques de libre-échange. Au cours de cette période, faste pour les économies des pays riches, les barrières douanières venaient d'être abaissées, favorisant un appel de la production de biens au profit des producteurs de l'époque qui étaient, généralement, situés dans les pays les plus riches. L'autre diagnostic, mis en avant par J.L. Mélanchon et par les partis politiques de gauche généralement, concentre l'analyse sur une période plus tardive, plus contemporaine, qui constate l'échec de la politique de libre-échange en matière d'emploi notamment, au sein des anciens pays producteurs, relégués au statut de pays plus consommateurs que producteurs. Le retour de la production vers les pays les plus riches ne peut donc se faire qu'en mettant en place un certain niveau de protectionnisme aux frontières de ces pays. L'objectif étant de permettre à la production de biens de se développer en étant à l'abri de la concurrence féroce des nouveaux pays producteurs.

Il me semble que le développement harmonieux des pays de la planète ne pourra se faire qu'en recherchant un optimum entre la suppression des barrières douanières prônée par les tenants du libéralisme et la fermeture des frontières revendiquées par certains nationalistes de courte vue. Les partis politiques de droite et de gauche auraient donc tout à gagner à débattre sereinement du choix de cet optimum plutôt que de s'opposer de façon stérile à partir de deux visions trop partielles d'un phénomène complexe.

L'aliénation du cinéma français

Depuis un certain nombre d'années, j'ai pu noté une tendance forte, sinon constante du cinéma français : il s'agit du choix systématique de chansons anglophones pour la bande sonore des films. Cette façon de faire quasi permanente me semble d'autant plus irritante et injustifiée que, par ailleurs les acteurs de la culture en France insistent souvent sur la nécessité de résister à l'envahissement de la culture globalisée américano-anglaise. Le très récent film de Guillaume Canet intitulé « Les petits mouchoirs » qui se déroule intégralement en France et, avec un ensemble d'acteurs français, constitue un exemple frappant de cette façon de procéder. Pas une seule chanson de la bande sonore de ce film n'est en langue française, toutes sont en anglais. Tout se passe donc comme si les réalisateurs français avaient décidés de ne pas soutenir la chanson française ou même francophone. Comme si, l'union des forces de la culture n'était pas nécessaire à la résistance à l'envahissement de la culture anglophone. Certains observateurs ont déjà eu l'occasion d'insister sur leur trouble face au choix de plus en plus fréquent des chanteurs français ou francophones de s'exprimer en anglais. Cette tendance est aujourd'hui renforcée par les réalisateurs français qui font ce choix délibéré comme si le répertoire de la chanson francophone n'était pas à même de fournir suffisamment de choix à ces auteurs... Imaginons demain, que les écrivains français se mettent eux aussi, pour des raisons économiques, à écrire (ou à traduire) leurs ouvrages en anglais. Que resterait-il alors de la culture française ? Les auteurs francophones du monde culturel auraient tout intérêt à réfléchir à leurs choix linguistiques, faute de quoi ils risquent de contribuer eux-mêmes à creuser leur propre tombe....