vendredi 29 juillet 2011

La culture plus que l'économie


Les récents évènements terroristes en Norvège viennent appuyer la thèse, souvent critiquée, selon laquelle la culture domine l'économie. En effet, la Norvège n'est pas un pays particulièrement frappé par la crise économique. Ce pays est riche, les revenus tirés des hydrocarbures lui assurant une prospérité durable, le taux de chômage y est faible et le climat social généralement paisible. La société norvégienne est assez égalitaire et est souvent considérée comme un bon modèle d'Etat-providence. La crise économique qui est souvent considérée comme une cause essentielle de la montée du terrorisme n'est donc pas en cause ici. D'ailleurs, ces évènements avaient été précédés d'autres du même type parmi lesquels on se souvient de « l'affaire des caricatures du prophète Mahomet » publiées, en septembre 2005, par le journal danois Jyllands-Posten. Ces publications avaient provoquées l'indignation des communautés musulmanes et ont été à l'origine de manifestations dans le monde, certaines en faveur de la liberté d'expression. Le projet de construction de minarets aux côtés des mosquées en Suisse en est un autre exemple. Les édifices islamiques, étant dénoncés comme une agression culturelle et politique insupportable sur les verts pâturages helvètes. On se souvient aussi de la polémique suscitée par le projet de construction d'un centre culturel islamique voisin de « Ground zero » à New-York...

Les raisons évoquées par l'auteur présumé des massacres d'Oslo et d'Utoya du 22 juillet dernier, sont le multiculturalisme et l'islamophobie, autrement dit l'émigration étrangère en Norvège.... Le nombre d'émigrants a, en effet, grimpé fortement au cours des dix dernières années pour atteindre, aujourd'hui, environ 10% de la population. Ce phénomène est à mettre en relation avec la montée des extrêmes droites dans les pays occidentaux. Le Tea-Party aux Etats-Unis d'Amérique, le Front National en France, le Freiheitliche Partei Osterreichs et son leader Jörg Haider en Autriche, le National Front et le British National Party au Royaume-Uni,... sont des exemples caractéristiques de cette tendance. La thèse du professeur Samuel Huntington qui s'appuie sur une description géopolitique du monde fondée non plus sur des clivages idéologiques « politiques », mais sur des oppositions culturelles plus floues, qu'il appelle « civilisationnelles », dans lesquelles le substrat religieux tient une place centrale, et sur leurs relations souvent conflictuelles, semble aujourd'hui retrouver une certaine crédibilité après avoir été très critiquée au cours des années 1990.

En fait, il me semble que la difficulté des cultures à coexister pacifiquement est devenue aujourd'hui un phénomène omniprésent. La « cohabitation culturelle », créée en grande partie par l'accélération de la mondialisation, produit des tensions sociales partout où elle existe et quel que soit le niveau de développement du pays. Ces tensions peuvent dégénérer en évènements plus ou moins violents sous l'effet de catalyseurs qui peuvent être d'origines diverses : montée du chômage et rejet de l'émigré désigné comme le bouc-émissaire, prétexte religieux tel un événement interprété comme méprisant par rapport à une communauté religieuse, projet de construction à caractère religieux,...

On ne doit jamais oublier la prépondérance de la culture sur l'économie, continuer à croire l'inverse risque de mener le monde dans l'impasse...

vendredi 22 juillet 2011

Contre les statistiques ethniques


Les statistiques ethniques se réinvitent dans le débat public en France : dix élus de banlieue, d’origine maghrébine et de tous bords politiques, veulent en tout cas les promouvoir. De retour des Etats-Unis d'Amérique, ils souhaitent importer ce qu’ils considèrent comme de bonnes pratiques pour lutter contre les discriminations.

Cette position me semble rétrograde pour plusieurs raisons :

- d'abord, ne va pas dans le sens de l'Histoire, celle d'une mondialisation toujours plus active qui devrait conduire le monde à devenir, à plus long terme, un véritable « melting pot », de plus en plus métissé, au sein duquel les personnes ne seront de moins en moins identifiables à partir de leurs caractéristiques physiques, mais plutôt par leur personnalité et leurs compétences.

- ensuite, cette façon de faire tend à faire le lit du communautarisme et du racisme, une approche qui ne s'est jamais montrée satisfaisante dans les pays où elle a été mise en oeuvre. Il suffit de considérer la situation au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis d'Amérique (EUA), pour se rendre compte que les personnes de couleur ont toujours un peu plus de difficultés que les blancs à s'intégrer, surtout au plan professionnel. Aux EUA, par exemple, les afro-américains sont toujours majoritaires dans les prisons....il ne semble pas que cette situation soit meilleure que celle observée dans un pays comme la France où ces statistiques ethniques ne sont pas permises...

- il faut enfin, souligner la subjectivité de cette approche. Dans un monde toujours plus métissé, il devient de plus en plus difficile de définir la classe ethnique d'appartenance d'un individu. Il est par exemple aussi absurde de considérer que le président Obama est un noir, que de le classer parmi les blancs....

La solution à la question des difficultés d'intégration des personnes issues de la diversité, comme on dit en France, n'est pas simple. A mon avis, la meilleure façon de l'aborder serait de commencer le traitement le plus tôt possible, soit au niveau de l'école primaire. Dès le plus jeune âge, les enfants en difficulté notamment, devrait être les plus soutenus. On sait que, généralement, la majorité de ces enfants sont issus de la diversité. En favorisant leur réussite scolaire et donc, leur accès aux études supérieures, on devrait faciliter leur insertion professionnelle ultérieure, une étape clé de l'intégration à la société.

Pour les personnes plus âgées, il faudrait faciliter l'acquisition d'une bonne formation professionnelle à l'aide d'un dispositif performant de formation permanente. Pour cela, il serait utile de recruter des formateurs plurilingues qui puissent mieux s'adapter aux différentes cultures de leurs apprenants et, ainsi, augmenter les chances de réussite de ces formations.

Il faut toujours se garder, face à une situation difficile, d'adopter des solutions simplistes qui ne mènent généralement à rien...

dimanche 17 juillet 2011

La dette en question


Une chose me dérange un peu dans le battage médiatique autour de la crise de la dette en Grèce et en Europe plus généralement. Lorsqu'on compare ce battage aux informations qui sont données, au moins en Amérique du nord, au sujet de l'endettement des Etats-Unis d'Amérique (EUA), on ne peut qu'être surpris du déséquilibre qui règne, de ce côté-ci de l'Atlantique, dans l'actualité médiatique.

S'agissant de L'Union européenne (UE), il ne se passe pas un jour sans qu'on nous annonce la fin de l'Union, la fin de l'euro et le pire des avenirs. Concernant les EUA, la crise semble se résumer à un simple problème de politique intérieure entre les Républicains et les Démocrates....

La réalité des choses me semble toute autre. Si l'endettement des EUA est moindre que celui de la Grèce, on ne doit pas oublier de comparer des données comparables. La Grèce fait partie de l'UE et sa dette (150% de son PIB) ne représente guère plus que 5% du PIB de l'Union, alors que la dette des EUA est de l'ordre de 95% de son PIB!

Autre différence : la Grèce est aidée par l'UE, dont elle est membre, sa dette est détenue principalement par les banques grecques et les banques européennes, tandis que la dette des EUA est supportée par ses principaux créanciers japonais, chinois, européens et arabes. Autrement dit, les EUA ne peuvent pas compter sur l'aide intérieure, ils sont dépendants de pays étrangers qui détiennent des réserves immenses de dollars, ce qui n'est pas le cas de la Grèce.

Il faut aussi noter, pour rendre les choses encore plus comparables, que la dette de l'ensemble des pays de l'UE s'élève à environ 80% du PIB de l'Union, ce qui encore reste inférieur à l'endettement des EUA.

Enfin, si la Grèce venait à faire défaut, les conséquences seraient bien moins graves que dans le cas des EUA qui plongeraient alors le monde dans une autre crise plus grave encore que la dernière....

Il serait bon que les commentateurs, de ce coté de l'Atlantique, intègrent toutes ces données afin d'informer exactement les gens sur les vrais problèmes de notre monde contemporain.

jeudi 14 juillet 2011

La planète mode exposée à Montréal


L'exposition du Musée des Beaux Arts de Montréal intitulée "la Planète mode de Jean-Paul Gaultier : de la rue aux étoiles" est remarquable à plusieurs titres.

D'abord par son thème : la mode n'est généralement pas à l'affiche dans les musées du monde. Consacrer une exposition à part entière à un créateur de mode, de surcroît encore vivant, est une initiative originale qui mérite d'être soulignée. La mode, en effet, présente un caractère éphémère qui, a priori, s'accorde mal avec le côté historique et patrimonial des expositions muséales. Le fait de voir se reproduire, année après année, les défilés de mode contribue sans doute au sentiment de non durabilité et de légèreté généralement attribué à cette activité. Il s'agit, en outre, de la première exposition internationale consacrée à ce grand couturier français.

La seconde raison de ne pas manquer cette exposition est l'originalité de sa mise en scène faisant souvent appel aux techniques du multi média. Le visiteur est surpris, dès son arrivée, par des mannequins expressifs qui l'accueille en semblant lui parler et le regarder. Le mannequin de JP Gaultier lui explique les principales raisons de la création de cette exposition à Montréal. L'idée de donner vie aux mannequins en animant leurs lèvres et leurs yeux et, en synchronisant leurs paroles à ces mouvements est très réussie et peut même présenter un effet pervers : le spectateur, subjugué par cette trouvaille, peut parfois négliger de se concentrer sur les ensembles et les accessoires qui habillent les mannequins. Le défilé de mannequins, se déplaçant à la façon des vrais mannequins, est tout aussi originale.

La taille de l'exposition est bien choisie, ni trop grande ni trop petite. Juste le temps de ne pas se laisser gagner par la lassitude et de maintenir l'intérêt....

La troisième raison, et non la moindre, est le contenu même de cette exposition qui rassemble 140 ensembles de haute couture et de prêt-à-porter ainsi que de nombreux objets et documents d'archives, et des extraits de films. Un néophyte ne peut qu'être impressionné par la créativité sans limite de Gaultier. Elle s'exprime à la fois dans ses concepts mais aussi dans le choix des matières. Il semble que rien ne soit exclu dans ce domaine : plumes, boutons, peaux, pierres, tissus de toutes natures,.... Le métissage des cultures qui a inspiré l'auteur est omniprésent. Ce métissage ne néglige pas les influences plus récentes, plus contemporaines, comme par exemple les contre-cultures urbaines des banlieues des grandes villes. A travers le regard de JP Gaultier perce sa grande humanité, son humour et sa jeunesse d'esprit...

Le Musée des Beaux Arts de Montréal peut être fier d'avoir crée cette exposition qui devrait remporter un grand succès ici et ailleurs. Elle tiendra l'affiche du 17 juin au 2 octobre 2011 à Montréal avant de se rendre aux Etats-unis d'Amérique, en Espagne et aux Pays-bas.

jeudi 7 juillet 2011

Les chances de l'élection présidentielle française

Les prochaines élections présidentielles en France sont une occasion particulière d'ouvrir un débat sur trois thèmes qui me semblent essentiels :

  • Le rôle des femmes dans la société. En effet, cette élection ouvre l'opportunité d'élire, pour la première fois, une femme a la tête de l'Etat français. Cette possibilité s'appuie sur une présence remarquée des femmes parmi les candidats. Actuellement, on dénombre déjà 5 candidates qui ont des chances non négligeables (Martine Aubry, Ségolène Royal, Marine Le Pen, Eva Joly, Christine Boutin) parmi une quinzaine de candidats déclarés. Soit un pourcentage de représentation féminine de l'ordre de 30%. On n'en est pas encore à une représentation "naturelle" de 50% mais on s'en approche... Après l'élection d'un candidat non blanc à la magistrature suprême aux Etats-unis d'Amérique, il serait bien que la France participe au renouveau planétaire souhaitable en affichant sa modernité et son sens de l'égalité.

  • Le second point qui me semble devoir être mis en avant dans cette élection est le projet européen. Il serait souhaitable que le débat électoral soit l'occasion de faire avancer le projet européen surtout dans le contexte de crise que traverse actuellement l'Union européenne. Cette élection devrait permettre de mieux faire prendre conscience aux Français et, au delà, aux Européens, qu'ils sont engagés dans un projet supra national qui mérite d'aller de l'avant. Il faut que les citoyens comprennent que l'Europe n'est pas qu'un projet qui leur apporte des désagréments sur les plans de l'emploi, de la culture, de la législation sociale.... Mais que l'avenir pourrait profiter d'une meilleure intégration des nations européennes. En diminuant les égoïsmes nationaux, il serait possible de mettre en place une dynamique nouvelle propice à l'emploi, à l'éducation et aux avancées sociales, une dynamique d'espoir plutôt que de laisser les citoyens être gagnés par un sentiment de dégradation et d'impuissance face à la crise mondiale. Il faut faire progresser la conscience européenne afin de développer le sentiment d'appartenance des citoyens a ce nouvel ensemble.

  • Le troisième point, et non le moindre, devrait concerner la jeunesse, son avenir. Il faut s'appuyer sur l'échelle européenne pour tenter d'apporter des solutions durables aux drames vécus par la jeunesse de nos pays actuellement (chômage notamment). Il faut aller bien au delà des réformettes qui s'apparentent souvent plus à des cautères sur jambes de bois qu'à de réelles solutions efficaces, pour donner des perspectives d'avenir structurelles a la jeunesse européenne. Un jeune devrait voir s'ouvrir devant lui l'ensemble de l'espace européen singulièrement dans sa quête d'un premier emploi. Il est absurde de continuer a vouloir régler cette question en limitant les solutions au seul plan national. L'emploi, la retraite, comme la législation sociale devraient rapidement et, dans un premier temps au moins pour les jeunes, être étudiés de façon cohérente et harmonieuse au niveau européen.

On doit espérer que la campagne qui va bientôt s'ouvrir sera autre chose qu'une simple bagarre d'images pour offrir aux citoyens une occasion de débattre sur le fond des questions sociétales essentielles....

samedi 2 juillet 2011

Coupable justice


Au delà des personnes en cause, il me semble qu'une des premières victimes collatérales de « l'affaire DSK » se trouve être la justice des Etats-unis d'Amérique (EUA) elle-même. En effet, cette institution m'apparaît loin de constituer un modèle de justice démocratique enviable comme ont tenté de nous le faire croire de nombreux commentateurs et analystes tout au long des développements de cette affaire.

L'aspect qui est sans doute le plus choquant est le non respect du postulat clé de la présomption d'innocence du prévenu. Tant que ce dernier n'a pas été jugé, il est normal de le considérer et de le traiter comme un innocent. Or, le traitement médiatique de l'arrestation de DSK par la police de New-York, cette sorte de « lynchage médiatique », tout comme les contraintes très sévères, voire déshonorantes, qui lui ont été infligées par la justice sont loin de se rapporter à quelqu'un d'a priori innocent. Rappelons seulement que la prison de Rikers island est réputée comme l'une des plus dangereuse des EUA. Comment peut-on justifier d'y incarcérer une personne en attente de jugement ?

L'asymétrie des méthodes policières entre la façon dont est présenté, d'un côté, le présumé innocent et, de l'autre côté, la présumée victime est également loin d'être exemplaire. Pourquoi exhiber de façon humiliante celui qui n'est pas encore jugé et cacher totalement celle qui porte l'accusation ? Les révélations récentes montrent bien l'injustice de cette façon de faire puisqu'il semble, aujourd'hui, que la « victime » n'était pas si pure que l'on tentait de nous le faire croire...

On peut également s'étonner que l'accusatrice, Nassifatou Diallo, qui apparemment entretenait des relations avec le milieu de New-York, et qui s'adonnait à une forme de prostitution, ne figurait pas dans les fichiers de la police de cette ville ?

On ne voit pas non plus quelle exemplarité il faudrait trouver dans le rôle très important de l'argent dans les règlements mis en oeuvre par cette justice? Il est clair que les lois de ce pays n'infligent pas le même traitement au prévenu qui dispose de moyens financiers importants qu'a un pauvre quidam.

Enfin, il est troublant de constater, qu'aux EUA, certaines affaires de justice s'apparentent à des spectacles susceptibles de rapporter de l'argent à des médias sans scrupule, au lieu de bénéficier de la sérénité indispensable à un jugement aussi juste et équilibré que possible.

Il est urgent de cesser d'entretenir le « mythe américain ».