jeudi 24 juin 2010

A propos du Joual

Episodiquement, la polémique concernant la défense du Joual québécois, par référence, notamment, au français, se trouve ravivée. Récemment encore, "L'aut'Journal" en date de juin 2010, revenait sur cette question dans un article intitulé "L'insolent frère Untel", article signé par Michel Usereau.

Je n'ai rien contre la promotion du Joual qui est faite dans cet article. Bien au contraire, je suis un défenseur des langues mais de toutes les langues, pas d'une seule... Par contre, je ne suis pas d'accord du tout avec l'affirmation selon laquelle "la défense du français nous isole du reste du monde" (et des anglophones surtout). En effet, on ne peut justifier le Joual par rapport au français avec ce type d'argument. Le Joual ne permet, tout au plus, que de communiquer entre quelques millions de québécois, alors que le français permet de communiquer avec plusieurs centaines de millions de francophones. Et si l'on poussait ce type de logique à l'extréme, nous devrions tous apprendre une langue ayant un grand nombre de locuteurs dans le monde, comme le mandarin, ou même l'anglais mais certainement pas le Joual!!!! Je crois que la plupart des gens oublient l'essentiel à savoir qu'une langue ne sert pas seulement à communiquer mais qu'elle est aussi vecteur de culture. A ce titre, ne pas pratiquer telle ou telle langue c'est se couper des cultures sous-jacentes, soient de visions différentes du monde.

Bien sûr, nul ne peut apprendre toute les langues du monde mais, j'ai démontré mathématiquement (voir JP Asselin de Beauville, "Un modèle probabiliste simple pour le multilinguisme", 78e Congrès de l'ACFAS, Université de Montréal, Montréal (Québec-Canada), 10-14 mai 2010) qu'il suffirait que chaque personne apprenne 3 ou 4 langues pour que la communication internationale soit possible dans une langue partagée (et pas obligatoirement en anglais!) avec plus de 80 chances sur cent. Il faut aussi savoir que la solution simpliste du "tout anglais" ne marche pas, notamment, à cause des phénomènes de créolisation des langues. Toute langue à vocation impérialiste se voit condamnée à disparaître à plus ou moins long terme par différentiation en diverses langues. C'est ce qui s'est produit avec le latin qui s'est créolisé au contact des cultures gauloise, romaine, ibérique... en donnant naissance au français, à l'italien, à l'espagnol etc... C'est aussi ce qui est en voie au Québec pour le français qui se transforme en Joual et c'est aussi ce qui est en cours pour l'anglais qui est en voie de créolisation forte. Selon le Journal "Le Monde" du 15 juin 2010 ("L'anglais est-il en danger?") : "Tant au Royaume-Uni qu'aux Etats-Unis d'Amérique, sont envisagées des mesures de défense de cette langue. Préservation de son intégrité au Royaume de sa Gracieuse Majesté où vient d'être créee une académie à la française. Tentation de l'endiguement outre-Atlantique où les Etats du nord du pays scrutent l'inexorable progression de l'espagnol depuis la frontière mexicaine...". Pour finir, disons donc "oui à la défense des langues, mais non à la défense d'une seule et unique langue". En d'autres termes, prônons la mise en place dans le monde d'un plurilinguisme véritable, c'est à dire respectueux des langues et pas seulement de l'anglo-américain.

dimanche 20 juin 2010

Les Français et les vacances

Une émission récente de Radio-Canada ("Pourquoi pas dimanche?", animée par Annie Desrochers, dimanche 20 juin de 7h à 10h) présentait une interview de Ted Stanger, un ancien directeur du Journal News-Weeks à Paris, à propos de son dernier livre "Sacrées vacances! Une obsession française", paru aux Editions Flammarion. Dans cet entretien, l'auteur expliquait le goût particulier des Français pour les vacances par leurs difficultés à vivre dans le monde du travail, par les mauvaises relations qu'ils entretiennent généralement avec la hierarchie professionnelle... Il indiquait que c'est, notamment, parcequ'ils n'aiment pas leur travail qu'ils sont tant enclins à partir en vacances... Cette explication ne me convainc pas totalement. Il est probable que les relations difficiles des Français avec le monde du travail peuvent expliquer une partie de cette observation. Cependant, il me semble qu'un autre facteur, au moins aussi important, doit être évoqué. Je pense au goût marqué des Français pour le lien social. Les vacances sont une occasion privilégiée de revoir famille et amis, souvent dispersés aux quatres coins de la France, voire à l'étranger. Les nombreuses vacances scolaires, par exemple, me paraissent au moins autant liées au désir des familles et amis de se retrouver que du seul besoin de repos des enfants. Le désir de lien social peut même se faire sentir au delà de la mort. En effet, il est fréquent de voir les familles se déplacer au moment de la fête de la Toussaint pour aller se recueillir sur les tombes familiales. Pour cet évènement, on peut voir des familles se déplacer sur des centaines de kilomètres pour rejoindre les cimetières où sont inhumés leurs morts. Il faut dire que souvent, ces migrations sont associées à des retrouvailles familiales. Le désir de lien social peut parfois être à l'origine de déplacements touristiques. Le Français est généralement heureux dans un pays étranger lorsqu'il a l'occasion d'y rencontrer la population et d'y faire de nouveaux amis... La tradition bien française du repas pris en famille pourraît aussi relever de ce désir de lien... Une fois faîte cette constatation, il resterait encore à en déceler l'origine. D'où proviendrait ce goût du lien social des Français ? La réponse n'est pas évidente et je ne me hasarderai qu'à évoquer une hypothèse. La France, par sa situation géographique, a toujours constituée une terre de passage ou même un territoire d'invasions. L'Histoire de la France fait état de la présence sur son territoire des Francs, des Burgondes, des Vandales, des Huns, des Wisigoths, des Ostrogoths, des Germains, des Vikings, des Gaulois, des Lombards, des Romains, des Sarrazins.... Le peuplement de la France est un peuplement basé largement sur l'émigration européenne mais aussi en provenance des anciennes colonies et du monde entier. Peut-être que l'on peut trouver dans ce "melting pot" historique les origines de ce goût français pour le lien social ?

mardi 15 juin 2010

Sur les revenus individuels

La crise économico-financière que traverse le monde contemporain est propice à la mise en place de mécanismes régulateurs à differents niveaux. Il est, en effet, géneralement admis que les déséquilibres trop importants sont générateurs de troubles à divers égards. C'est par exemple, le cas de l'Union Européenne où les differences de niveaux de développement entre les nations ont été à l'origine de la perte de confiance mondiale en la monnaie unique européenne. Le trop grand appetit de profits des grandes institutions financières se trouve également au départ de la crise financière mondiale récente. On observe, là aussi un déséquilibre entre des institutions financières toutes puissantes qui peuvent se permettre de peser sur les cours mondiaux et les Etats et Gouvernements qui ne peuvent guère légiferer qu'à un niveau national. Sur un autre plan, les déséquilibres entre les revenus individuels sont aussi sources de tensions. Ils sont à l'origine des conflits sociaux mais, ils peuvent aussi avoir d'autres conséquences plus surprenantes. Par exemple, aujourd'hui le fait que la crise impose des restrictions budgétaires à la plupart des personnes, entraine une perte de confiance dans la classe politique lorsque celle-ci au mieux, maintient son niveau de revenu ou au pire, l'augmente.

Les Etats et Gouvernements semblent aujourd'hui conscients des effets néfastes de ces déséquilibres. En effet, ils se sont engagés dans la mise en place, au plan mondial, de mécanismes régulateurs transnationaux dont les plus récents exemples sont les règlementations financières concernant les grandes banques et le projet de soumission des budgets des Etats européens à une instance européenne pour un avis préalable....

Il me semble que des mécanismes régulateurs internationaux devraient aussi concernés les revenus individuels afin de les encadrer et d'eviter de trop grandes différences. Est il normal que certaines personnes perçoivent des revenus faramineux alors que d'autre peinent à gagner leur vie en travaillant ? Les Etats ont déjà pris conscience des difficultés de cette situation. C'est ainsi que, plusieurs d'entre eux, ont mis en place des niveaux nationaux de revenus minimums. Mais aller plus loin dans la régulation ne peut se faire qu'à un plan international pour éviter les fuites de personnes comme cela se voit, par exemple, au plan fiscal. S'il est difficile de s'entendre sur le niveau maximum du revenu individuel souhaitable (voir par exemple, la polémique actuelle en France sur la définition du niveau de revenu a partir duquel un individu est considéré comme riche) il semble plus facile de s'entendre sur un écart de revenus maximum acceptable. Ainsi, les Etats pourraient s'accorder au plan international sur le fait que, pour une nation donnée, le revenu maximum individuel ne saurait dépasser x (x=10 pourrait être envisagé) fois le revenu minimum permettant de vivre dans ce pays. Tout revenu excédentaire serait imposé a 100%. Bien entendu, cette réglementation devrait s'appliquer a tous y compris à la classe politique et aux retraités. Il me semble que nous aurions par cette approche, un moyen de redonner espoir aux populations tout en augmentant leur confiance dans la classe politique.

dimanche 6 juin 2010

Solidarité universitaire

La solidarité est un thème fondamental de la Francophonie politique et universitaire. Elle fait, en effet, partie des valeurs essentielles mises en avant par l'Agence universitaire de la Francophonie (AUF), l'agence responsable de l'enseignement supérieur et de la recherche au sein de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF). Cependant, on a parfois l'impression que, même au sein du réseau Francophone, certains interprètent la solidarité dans un sens peu conforme à sa signification profonde à savoir : l'aide aux plus démunis, le partage des ressources au profit des moins nantis. Pour beaucoup, il semble que cette idée soit plus synonyme de recevoir que de donner.... La récente tragédie vécue par Haïti et, notamment, par les universités haïtienne, le tremblement de terre du 12 janvier 2010, qui a causé tant de morts et de destructions me semble une occasion unique de pouvoir mettre en oeuvre une solidarité universitaire Francophone exemplaire envers les professeurs et les étudiants haïtiens. Certes, on observe une large mobilisation internationale en faveur de Haïti. L'AUF, elle-même, directement touchée dans cette tragédie avec la destruction du tout récent bâtiment de l'Institut de la Francophonie pour la Gestion et l'Administration dans la Caraïbe (IFGCar) et par la mort, au cours de cet effondrement, de onze personnes, un professeur et dix étudiants, l 'Agence a rapidement mis en place des actions en vue d'aider les étudiants et collègues haïtiens. Récemment encore, elle organisait à Montréal, les « Assises de la reconstruction du système universitaire haïtien » en vue de produire un Plan d'action. Cependant, les ressources financières sont très insuffisantes. Le recteur de l'AUF, Bernard Cerquiglini, déclarait lui-même au cours de ces Assises « L'Agence ne peut pas intervenir sur la reconstruction des infrastructures des universités haïtiennes, car elle ne dispose pas des 400 millions d'euros nécessaires selon la Fondation Clinton-Bush pour Haïti.....En revanche, elle peut aider à repenser le système universitaire haïtien... ». En effet, l'Agence universitaire ne dispose que de ressources limitées bien en dessous des besoins répertoriés pour remettre en ordre de marche les universités haïtiennes. Il me semble cependant, que cette immense tragédie pourrait être l'occasion pour le réseau d'établissements de l'AUF de mettre en pratique une véritable solidarité en faveur de Haïti. Les quelques 728 établissements membres de ce réseau ont là une occasion unique d'exprimer leur conviction en ce domaine, d'aller au delà des mots et des incantations.... Si l'on excepte les quelques huit universités haïtiennes membres de l'AUF, il reste tout de même 720 universités qui pourraient manifester un soutien concret à Haïti. Imaginons que chacune des 720 universités membres décident, exceptionnellement, de doubler leur cotisation annuelle d'adhésion à l'AUF (une somme souvent dérisoire, au moins pour les universités du Sud et qui, en moyenne, est de l'ordre de 1300 euros par établissement) pendant trois années successives, on pourrait alors doubler la recette annuelle en provenance de ces cotisations et ceci durant trois ans. Actuellement, ces cotisations représentent environ un million d'euros par an. Ce seraient donc environ 6 millions d'euros qui pourraient être collectés sur trois ans, par cette cotisation exceptionnelle. Si, d'autre part, on imaginait que, tout aussi exceptionnellement, l'AUF décidait de verser la totalité de ces cotisations au crédit de la reconstruction du système universitaire haïtien, on pourrait alors disposer d 'environ 6 millions d'euros que l'Agence universitaire pourrait affecter au plan de reconstruction du système universitaire haïtien pour une période de trois ans.... Cette somme, pour comparaison, peut être mise en regard des quelques 150 000 euros que l'AUF a pu débloqués en faveur du secteur de la recherche universitaire haïtienne. Connaissant, l'immensité des besoins, notamment, sur le plan des bourses d'études, la Francophonie pourrait par cette méthode disposer d'un levier d'action remarquable en accord total avec les valeurs qu'elle prône.