dimanche 12 septembre 2010

Encore les langues....

L'Allemagne découvre à son tour (voir Intégration : Berlin mise sur la maîtrise de l'allemand, Journal "Le Monde" du 10 septembre 2010) que l'intégration de ses immigrants passe par un apprentissage plus poussé de la langue allemande. Ce problème n'est pas nouveau il est bien connu et, depuis longtemps, de nombreux Etats parmi lesquels on peut citer, sans être exhaustif, la France, le Royaume-Uni, le Quebec, .... et, plus récemment, les Etats-unis d'Amérique, l'Ontario et certaines autres provinces de l'ouest du Canada. Ces Etats et Gouvernements sont préoccupés par cette question de la maîtrise de la langue du pays d'accueil par les nouveaux immigrants car il s'agit là d'un facteur déterminant pour leur intégration à la société.

Ce regain pour la défense de la "langue nationale" se produit simultanément à l'affirmation, par nombre de décideurs politiques, entrepreneurs ou chercheurs.... de la nécessité inéluctable d'apprendre une même langue pour pouvoir communiquer au plan international. Cette langue étant, le plus souvent l'anglais et, quelque fois l'espéranto.

Ainsi, une même cause, la mondialisation, produit deux effets inverses et, par certains côtés, contradictoires : d'une part, l'uniformisation linguistique par l'apprentissage préconisé d'une même langue pour tous et, d'autre part, la diversification linguistique par la réaction des communautés des pays d'accueil.

Les choses se complexifient encore plus, lorsque l'on considère que dans les pays qui absorbent, volontairement ou non, un nombre important d'immigrants, se créent souvent des "pôches ethniques" qui tendent à favoriser la mise en place, au sein de ces pays, et parfois contre leur gré, des politiques multiculturalistes. Ainsi, selon les données du recensement de 2001 de Statistique Canada, il y avait à cette date plus de 254 "enclaves ethniques" au Canada. De ce nombre, 135 se trouvent à Toronto, 111 à Vancouver et 8 à Montréal (voir Multiculturel, dites-vous?, Journal "Le Devoir" du 29 mai 2010). Ces enclaves développent en leur sein leur(s) propre(s) langue(s) de communication qui sont le plus souvent les langues parlées dans leur pays d'origine. De cette façon, la (ou plus rarement les) langue(s) nationale(s) se trouve(nt) confrontée(s) à la pression de la langue anglaise d'une part, mais aussi à celles des langues étrangères parlées par les communautés immigrantes. Outre l'affaiblissement de la langue nationale, ce phénomène tend à produire, de plus en plus souvent, des effets de repli identifaire de la part des citoyens des pays d'accueil qui sont tentés de rejeter en bloc toute immigration étrangère.

Face à ces crispations nationales, il paraît illusoire de prôner, de surcroît, l'apprentissage d'une seule et même langue aux fins de la communication internationale. Toutes les langues ont droit à l'existence et les peuples acceptent mal de voir décliner leur langue de communication séculaire.

La seule et véritable solution nous semble de mettre en place, dans les pays du monde, un certain degré de multilinguisme afin de gérer la question de la communication internationale en portant, le moins possible, atteinte aux grandes langues de communication internationale (anglais, français, espagnol, portugais, arabe, allemand, italien, mandarin...). Cette approche exclut le bilinguisme du type "langue majoritaire-langue minoritaire" (par exemple : anglais-français) qui défavorise systématiquement la langue minoritaire. Nous avons démontré que cela est possible et que ni l'anglais seul, ni l'espéranto seul ne sont indispensables pour aboutir à la solution (voir http://diversion-baba.blogspot.com : la survie du français, billet du 20 mai 2010). Si chaque enfant pouvait apprendre trois ou quatre langues (y compris sa langue maternelle), choisies librement parmi une dizaine de langues de communication internationale, sans qu'aucune de ces trois ou quatre langues ne lui soit imposée, à lui ou à sa famille, sans que l'anglais soit systématiquement privilégié, parmi ces choix, comme aujourd'hui, on peut être certain de deux choses :

- La diversité linguistique du monde en sortirait renforcée;
- La communication internationale en serait facilitée.

Cette façon de faire garantirait que deux personnes qui se rencontreraient au hasard auraient alors environ 80% de chances de pouvoir communiquer dans une langue partagée (qui ne serait pas l'anglais obligatoirement). Il est clair qu'un jeune enfant étranger qui émigrerait avec ses parents serait astreint à la même règle. S'il est de langue maternelle arabe, par exemple, et qu'il émigre dans un pays de langue française, il lui faudrait apprendre le français et une ou deux autres langues de communication internationale.

mercredi 8 septembre 2010

Sur l'éducation des enfants.

L'éducation des enfants repose sur deux piliers principaux : l'école et les parents. On peut aussi faire intervenir d'autres acteurs comme la religion, les mouvements de jeunes, la famille.... Mais l'école et les parents sont les acteurs déterminants de cette partie de la vie humaine. En simplifiant, on pourrait dire que l'école s'occupe de la formation générale de l'enfant (apprentissage des connaissances, sociabilisation) tandis que les parents transmettent les valeurs morales, (honnêteté, ambition, ténacité, courage,....) Il paraît donc essentiel que ces deux piliers complémentaires se soutiennent pour réussir l'éducation.

Si ce soutien mutuel a existé par le passé, on constate, depuis quelques années, qu'il n'en est plus de même. Les parents sont entrés en force au sein des établissements scolaires et font entendre leur voix à la moindre occasion. Le danger de cette situation est que l'intervention des parents se déroule, trop souvent, sur un mode récriminatoire plutôt que de soutien aux enseignants. Tout se passe, comme si chaque enseignant se retrouvait en fait devant une tâche double : faire la classe à ses élèves d'une part, mais aussi, rendre des comptes aux nombreux parents des enfants dont il a la charge d'autre part. Dans le contexte actuel, où les parents ont peu d'enfants, chaque enfant est considéré avec beaucoup d'attention, ce qui peut aller jusqu'à une situation de sur protection de la part des parents. En outre, les classes sont aujourd'hui, souvent composées d'enfants d'origines culturelles diversifiées. Dès lors, on comprendra mieux la difficulté que rencontrent les enseignants à tenter de satisfaire l'ensemble des parents des élèves d'une même classe. Pire encore, la crainte de voir les parents s'opposer à l'administration scolaire fait que cette dernière à souvent tendance à se mettre à l'abri en demandant aux enseignants, notamment, d'éviter de prendre des mesures qui risqueraient de déplaire aux parents. Cette situation paralyse le corps enseignants qui, face à une difficulté créée par un élève, hésite à la prendre en charge au risque de se retrouver sur le banc des accusés. Il préfèrera alors, soit ignorer le problème, soit le renvoyer devant d'autres instances, soit, apposer un diagnostic qui le dédouane de ses responsabilités (devant un enfant agressif par exemple,...).

Bien entendu, on ne peut pas généraliser abusivement et considérer que cette analyse est irréfutable. Cependant, il me parait clair qu'elle concerne une partie non négligeable des milieux scolaire et parental. On peut d'ailleurs se demander ce qui se passerait si, de façon réciproque, les enseignants pénétraient à leur tour le milieu parental pour dicter aux parents l'attitude qu'ils devraient adopter dans telle ou telle situation de leur vie familiale? Que se passerait-il si les enseignants prenaient l'initiative de demander aux parents d'apprendre la discipline à leurs enfants ? On sait qu'une des difficultés des enseignants actuellement, est de faire transiter les enfants d'un monde dans lequel ils sont souvent considérés comme des "petits rois", au monde scolaire où il faut obligatoirement respecter une certaine discipline de groupe...

Soyons clairs, il ne faut pas ignorer les autres maux qui affectent le système éducatif : manque de ressources, formation insuffisante des enseignants, épuisement des professeurs, hétérogénéïté des classes,... Cependant, je crois qu'une des causes des problèmes rencontrés au cours de la scolarité des enfants vient de cette trop grande insertion des parents dans le monde scolaire. Chaque partie devrait, avant tout, s'occuper de ses propres responsabilités et faire confiance à l'autre partie pour ce qui la concerne. Que les parents prennent en charge sérieusement l'éducation de leurs enfants à la maison et que l'école se charge efficacement de leur transmettre les connaissances nécessaires à leur progression dans la vie... On pourra alors espérer observer moins de décrochages de la part de nos enfants...

dimanche 5 septembre 2010

La nouvelle façon de penser.

Le texte qui suit ne doit pas être pris à la lettre mais constitue plutôt l'affirmation d'une tendance qui n'excluent pas, qu'ici ou là, des individus puissent continuer à penser selon le mode traditionnel. Notre propos, ici, est plus de mettre en exergue des orientations générales dans l'évolution de notre mode de pensée.

Au sens large, la pensée est l'activité psychique consciente dans son ensemble, les processus par lesquels l'être humain élabore, au contact de la réalité, des concepts qu'il associe pour apprendre ou pour créer. Penser, c'est produire des idées, concevoir des concepts ou des opinions à partir de la réflexion intellectuelle, de l'intelligence.
La pensée c'est aussi, une représentation psychique, un ensemble d'idées propres à un individu ou à un groupe, une façon de juger, une opinion, un trait de caractère, etc.

Ce que chacun peut constater aujourd'hui c'est que nous ne calculons plus (au sens du calcul mental) puisque les calculettes et les ordinateurs le font à notre place. Nous n'écrivons plus (au sens de l'écriture manuscrite) puisque les claviers d'ordinateurs et de téléphones portables sont devenus des intermédiaires incontournables. Nous ne lisons plus (au sens de la lecture de documents en papier comme les livres ou les journaux) puisque les écrans de télévisions, d'ordinateurs, de téléphones mobiles sont nos compagnons quotidiens. Nous ne sentons et ne touchons plus puisque nous pratiquons de moins en moins la cuisine, le bricolage, la mécanique (pensons aux réparations de nos automobiles...). Nous ne discutons plus, puisque nous sommes de plus en plus souvent physiquement isolés et branchés sur nos systèmes de sons électroniques, parceque les familles sont éclatées et que les débats familiaux se font plus rares. Nos sens sont de moins en moins au contact de la nature brute puisque celle-ci s'éloigne de plus en plus de nous et que nos activités se déroulent majoritairement en intérieur... Notre approche du monde réel se fait, le plus souvent, à travers la réalité virtuelle présentée sur nos écrans.... Même l'activité physique, qui sert à développer nos muscles et nos sens, se fait plus rare au point que l'obésité nous gagne. L'activité d'analyse intellectuelle diminue elle aussi car elle requiert la lecture approfondie de textes et le temps de la réflexion. Or, la lecture approfondie ne peut se faire sur un écran d'ordinateur où seuls sont retenus les gros titres, les accroches...et le temps nécessaire à la pensée lui se fait rare car, comme on le dit souvent, "le temps c'est de l'argent" et l'argent, devenu la valeur essentielle, ne doit pas être perdu.
Même les langues sont aujourd'hui atteintes par une lente dégradation de leur rigueur de leur précision, due, le plus souvent, à des "frottements avec la langue dominante, l'anglo-américain, qui, par des effets de mode, conduisent à des approximations grammaticales, syntaxiques et lexicales. On perd en précision or, comme écrivait Albert Camus, "Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde". On oublie le précepte de Nicolas Boileau "Ce qui se conçoit bien, s'énonce clairement- Et les mots pour le dire viennent aisément".
L'université, elle-même, forme de moins en moins au développement de l'esprit critique, les chercheurs, les enseignants et les administrateurs de l'institution étant désormais dépendants des financements liés, offerts par les entreprises privées. La perte de liberté de choix qui s'ensuit, pour les enseignants-chercheurs notamment, est peu propice à la valorisation de l'esprit critique...

D'ailleurs, les effets de cette évolution sur la pensée contemporaine sont perceptibles. On entend très souvent des jugements ou des appréciations qui s'expriment en deux ou trois mots : "c'est cool", "c'est cute", "interéssant", "c'est le fun", ou plus précis encore, "c'est super le fun", "c'est bon",.... Parfois certains jeunes adultes font des confidences surprenantes : récemment une jeune ingénieure franco-algérienne me disait "je suis incapable de voir des films français car ils ne contiennent pas assez d'action, ils ne sont pas assez spectaculaires comme le sont les films américains". L'analyse politique est souvent limitée à des jugements superficiels : "il (ou elle) est beau", "il (ou elle) ne sait pas s'exprimer", "elle (ou il) est mal vêtue", "Moi, je n'aime pas beaucoup les élections",...

Tout se passe comme si l'analyse intellectuelle devait se limiter à une simple expression d'affectivité, comme si la pensée était de moins en moins structurée car, ayant peu d'occasions de s'exercer à l'être... Le fouillis des références accumulées sur Internet tend à produire, chez certaines personnes, un discours confus peu propice à l'action.
Ce "déficit de pensée" pourrait, peut être, expliquer l'absence de projets politiques d'envergure qui s'observe un peu partout dans le monde.

Il existe deux principales écoles d'apprentissage de la pensée : la formation (primaire, secondaire et supérieure) et l'éducation parentale. Il se trouve que ces deux écoles sont aujourd'hui en crise. La formation d'abord, parcequ'elle souffre de la démocratisation des institutions, placées devant l'obligation d'accueillir de plus en plus d'apprenants avec des moyens et des ressources qui n'ont pas suivis. L'éducation par les parents qui a pâtit de la crise du couple, des divorces et du manque de temps des parents à consacrer à l'éducation de leurs enfants, les deux parents étant obligés de travailler pour faire face aux besoins du couple, tandis que la productivité du travail croît régulièrement.

Les solutions ? J'en vois au moins deux types :
- Renforcer les valeurs morales, l'éthique des individus à travers l'éducation parentale notamment, mais aussi en s'appuyant sur les religions, les syndicats, les partis politiques, les associations,...
- Redonner à l'école et, singulièrement, aux universités le rôle essentiel de former à l'esprit critique en s'aidant, notamment, de l'enseignement et de la recherche en Histoire et en Philosophie des Sciences, en Ethique, et en permettant aux universitaires d'exercer leur droit à la liberté de penser.