lundi 30 août 2010

Diversité culturelle : la question du Droit.

Depuis mon installation au Québec, j'avais noté avec une certaine surprise que nombre de questions sociétales (problèmes d'exploitation minière, sort des détenus de Guantanamo, questions de génie civil, mariage homosexuel, équité salariale, problèmes linguistiques, etc) aboutissaient souvent à la Cour suprême du Canada, plutôt qu'à la Chambre des Communes fédérale ou aux différentes assemblées nationales provinciales du pays. La Cour suprême du Canada est la plus haute Cour du Canada et est située dans la capitale fédérale, Ottawa. Elle constitue l'ultime recours juridique pour tous les plaideurs en matière civile, criminelle ou administrative.

Il me semblait que le législatif se trouvait un peu dépossédé d'une partie de ses responsabilités au profit du judiciaire. Désirant approfondir cette différence avec certains Etats européens où les parlements semblent intervenir de façon plus décisionnelle, je me suis penché sur les statistiques en matière d'avocats. Là, je découvre une nouvelle surprise : alors qu'en France, par exemple, on dénombre environ 50 000 avocats, soit environ 81 avocats pour 100 000 habitants, aux USA on compte environ 1000 000 d'avocats, soit à peu près 300 avocats pour 100 000 habitants. Cela représente près de 4 fois plus d'avocats par habitant qu'en France. Au Canada, on compte environ 100 000 avocats (et notaires qui, ici secondent les avocats), soit à peu près 340 avocats pour 100 000 habitants. Le Canada se trouve donc dans une situation proche de celle des USA en ce domaine.
La question qui se pose est donc : pourquoi une telle différence entre l'Amérique du nord et une partie de l'Europe ? Une probable explication repose, à mon avis, sur les textes de lois qui régissent d'une part, les pays d'Amérique du nord, la "Common law", et, d'autre part, certains pays européens, soit le "Code civil".

La "Common law" est un système de droit issu des décisions des cours royales de justice de l'Angleterre depuis la conquête normande (1066). De nos jours, la Common law, envisagée de façon beaucoup plus large, englobe les lois aussi bien que la jurisprudence. Elle s'applique dans la plupart des pays de langue anglaise, y compris toutes les provinces canadiennes, à l'exception du Québec où le droit est aussi influencé par le droit civil français. Dans la Common law, les décisions judiciaires sont principalement basées sur la jurisprudence. Le "Code civil" est un texte législatif fondamental qui comprend un recueil complet du droit privé d'un pays. C'est un texte que l'on trouve généralement dans les systèmes juridiques dont la tradition remonte au droit romain. Ici, tout est écrit d'avance et ce document est la référence fondamentale en matière juridique. Seul un texte de loi, voté par le Parlement, peut modifier le Code. Dans les systèmes de droit codifié, les lois ordinaires portant sur les matières de droit privé doivent être évitées. De plus, par contraste avec les systèmes de droit non codifié, la jurisprudence n'est pas systématiquement considérée comme source de droit.

Sans en être certain totalement, il me semble que les différences observées (rôle de la Cour suprême, nombre d'avocats,...) entre les pays d'Amérique du nord et certains pays d'Europe pourraient s'expliquer par la différence culturelle en matière de droit. Dans les pays régit par la Common law, l'établissement des droits de l'individu ou des institutions requiert un effort supérieur car il faut non seulement défendre mais aussi créer le droit dans le même mouvement. Tandis que, lorsque c'est le Code civil qui est appliqué, il suffit de faire référence aux textes de lois ce qui necéssite un moindre effort. On peut trouver là, une explication à la différence observée entre les nombres d'avocats dans les deux contextes. Certains ont même été jusqu'à évoquer la "dictature des avocats" en Amérique du nord....

vendredi 27 août 2010

Le problème des ROMs en Europe : un exemple de tessélation du monde

Dans une récente chronique (21 août 2010), j'attirais l'attention sur les dangers d'incohérence des actions politiques visant à résoudre des problèmes planétaires menées par des gouvernements divisés. Le récent renvoi en Roumanie des ROMs de France par le Gouvernement français de N. Sarkozy me semble constituer une illustration concrète de ce phénomène. En effet, le Gouvernement français se trouve placé dans l'obligation de gérer la question de l'arrivée des ROMs en France, tandis que le Gouvernement roumain n'a pas su trouver de solution au problème de leur intégration dans la société roumaine aboutissant à la marginalisation de cette minorité. On voit bien ici que les deux gouvernements prennent des mesures incohérentes qui ont peu de chance de régler les difficultés de cette catégorie de citoyens européens. Pire encore, le gouvernement italien, aux prises avec le même problème d'immigration des ROMs, menace à son tour de prendre des dispositions différentes (expulsion sur le modèle des immigrés clandestins) de celles adoptées par la France (retour volontaire). La question des ROMs est un problème européen qui découle de la liberté de circuler au sein de l'Union européenne, liberté instituée par les autorités européennes. Cette question mérite donc, non pas une réponse bilatérale, au cas par cas, mais bien une solution élaborée au plan européen, faute de quoi les solutions apportées ici ou là ne seront que partielles et donc inefficaces. D'ailleurs dès 2008, le gouvernement roumain a réclamé un programme d'intégration des ROMs au niveau européen. Imaginons que demain, un autre Etat de l'Union, soit confronté à ce problème et adopte des solutions différentes.... On aurait là un tissu d'incohérences propres à aggraver la situation des ROMs plutôt qu'à la faciliter...

samedi 21 août 2010

Retour des Iles-de-la Madeleine

Après avoir passé une semaine aux Iles de la Madeleine voici deux aspects de notre voyage, l'un négatif et l'autre très positif :

Le Contre :

Je voudrais partager mon étonnement sur un point. Nous avons effectué le trajet de Montreal jusqu'à Cap-aux-Meules en voiture en passant par la ville de Souris dans l'Ile du Prince Edouard, puis en bateau de Souris aux Iles. Jusqu'à Souris, tout allait bien, nos téléphones portables (Fido, Rogers) fonctionnaient parfaitement, tant au Nouveau-Brunswick que sur l'Ile du Prince Edouard. Une fois parvenus à Cap-aux-Meules tout change : plus de réseau, nos téléphones restent muets et pourtant, nous sommes de nouveau au Québec... Etonnés, nous nous renseignons auprès de la population locale qui nous confirme qu'aux Iles ni Rogers ni Fido ne fonctionnent..... Nous sommes extrèmement surpris et déçus, car ces réseaux se vantent d'être internationaux et d'ailleurs, nous avons pu constater que même à Haïti Rogers fonctionne..... Les Îles de la Madeleine, même si le drapeau acadien flotte partout, sont une partie du territoire de la province de Quebec. Dès lors, pourquoi ce traitement singulier ?

Le Pour :

Les bijoux du Golfe

Madeleine, îles aux mille couleurs,
Votre habitat forme un patchwork inoubliable.
Iles féminines, aux formes douces,
Soulignées de dunes ocrées de sable fin qui
Ceinturent les plages vert tendre de vos vastes pelouses...
Fôrets denses, marais, dits "barachois", douces collines, plaines humides,
Etranges loups de mer, rouges homards, crevettes grises,
Gracieux pluviers, hérons longilignes... toute une faune surprenante.
Vous êtes la diversité surgie du bleu lumineux du golfe originel.
Votre création aussi est unique,
Issues de poussées verticales de sel marin accumulé et densifié au fond de l'océan au fil des millénaires.
Le souffle de vos vents, peigne d'ondulations les rivages de vos côtes.
Telle une femme rebelle, il faut savoir vous gagner, vous conquérir,
Vous, si lointaines et pourtant si accueillantes.
Fières acadiennes, inventives, joyeuses et jamais soumises.
Les souffrances subies lors du "Grand Dérangement" ne sont pourtant pas prêtes d'être oubliées...
Aujourd'hui encore vous faites toujours entendre fièrement la langue française aux quatres coins du pays.
Vous qui, des fûts de bois hier, avez bâti le "ponchon" et,
aujourd'hui, l'image de la fameuse bière "A l'abri de la tempête".
La gigue et les contes du mémorable Gilles Lapierre,
la pièce "Mes îles mon pays" de Yolande Painchaud,
les "Spécimens" caricaturaux de vos hommes célèbres,
les originales sculptures de sable du Havre Aubert...
sont des témoignages artistiques et ingénieux de votre culture.
Couchers de soleil multicolores au pied d'un phare de "Cap aux meules", teintes magiques au flan de vos falaises rouges....
Fiers Madelinots, pêcheurs courageux, dignes descendants des ancêtres basques et bretons.
Artisans de la "pêche aux cages", vous fournissez la cuisine locale pour les succulents "pot en pots", chaudrées à base de crustacés, coquillages et poissons ....
Vos fumoirs conditionnent harengs, saumons, maquereaux.... les imprégnant de vos senteurs boisées.
Belles îles, dont les paysages rappelent souvent d'autres îles plus tropicales,
Vos lieux-dits nous enchantent et nous font rêver : "Martinique", "Fatima", "Pointe aux loups", "Grande échouerie", "Havre aux Basques", "Butte-du-vent", "Les Demoiselles",...
Même la redoutable "Bagosse" n'est pas prête de nous faire oublier les splendeurs dont vous nous avez comblées...
Tel Gabriel pleurant son Evangéline, nous garderons toujours en nous un manque, une absence, que seul un nouveau retour vers vous pourra, peut-être, combler...

La dangereuse tessélation du monde

De tous temps les frontières ont été des causes de conflits, de difficultés de toutes sortes. Il n’est point besoin d’être historien pour être capable d’effectuer ce constat. Aujourd’hui encore, ces mêmes frontières sont toujours la raison de conflits, même si leur importance nous parait parfois moindre car se situant dans des régions plus éloignées de nous. Le plus surprenant est la rémanence de ces frontières, alors même qu’elles n’ont plus d’existence administrative ou politique. Pour s’en convaincre, il suffit de penser à l’Union européenne (UE) qui, bien qu’ayant abolie la nécessité de présenter un passeport pour les citoyens des pays membres, est toujours en proie à des accès de national-chauvinisme plus ou moins marqués. Même les sports sont l’occasion d’exprimer ce sentiment national alors même qu’il aurait été plus normal que cette expression de notre humanisme soit privée de ces aspects négatifs.

Le monde est quotidiennement la proie de catastrophes plus ou moins ponctuelles liées au changements climatiques d'une part, mais aussi au libéralisme outrancier qui a été élevé au rang de dogme au cours des années récentes. Les exemples de ces évènements malheureux ne manquent pas : inondations récentes au Pakistan, en Chine, en Europe,..., marée noire en Louisiane et ailleurs, tempêtes tropicales de plus en plus destructrices, crise des « subprimes », scandales financiers à répétitions, chômage, migrations clandestines etc. Pourtant, les Etats et Gouvernements s'évertuent à tenter de résoudre ces crises par des approches nationales faisant, tout au plus appel à l’aide internationale dans certains cas graves de catastrophe naturelle. Pire encore, même lorsque ces Etats et Gouvernements ont pris la décision de s'unir, sous une forme ou une autre, afin de se renforcer, ils continuent d'avoir des approches plus nationales qu'internationales. L'Europe donne encore un exemple de cette tendance générale. Si l'on considère, la question du chômage en France, il apparaît que les solutions avancées par le gouvernement français sont toujours loin de donner les résultats escomptés. Il en va de même en Espagne, au Portugal, en Italie.... et dans bien d'autres des pays de l'Union. Il nous semble pourtant qu'une tentative de résoudre cette question à l'échelle européenne plutôt que nationale aurait plus de chance de réussir, compte tenu de l'imbrication croissante des économies des nations européennes. Il en va de même pour d'autres types de structures intergouvernementales. La fédération canadienne en est un autre exemple. Chaque Province tente de résoudre de son côté, et avec ses propres approches, ses difficultés de façon indépendante des autres provinces du pays. Le gouvernement fédéral ne peut, généralement que proposer des solutions qui se superposent aux actions mises en place au plan provincial.

Il existe pourtant des preuves de succès de l'approche intégrée par rapport à la nationale. Citons en vrac : Airbus, Ariane-espace ou l'euro pour l'Union européenne. L'atténuation des déséquilibres économiques au sein de l'UE ont aussi été favorisés par l'approche intégrée. C'est ainsi que l'Espagne, la Grèce, l'Irlande,... ont pu rattraper une grande partie de leur retard de développement par rapport aux nations européennes les plus riches. Aux USA, l'amélioration du système de santé a été obtenue par une action au niveau fédéral. En Afrique de l'Ouest, la monnaie unique est soutenue par l'UMEOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine)....

Face à cette situation que pouvons nous faire ? L’abolition progressive des frontières, même si elle ne gomme pas totalement les rivalités inter-pays, reste à notre avis une voie prometteuse. Les grands ensembles politico-économiques qui se sont créés ces dernières années, comme l’ASEAN (Association des Nations de l'Asie du Sud-Est), l’ALENA (Accord de Libre-Echange Nord Américain), l’UA (Union Africaine)… auraient tout intérêt à suivre l’exemple européen pour parfaire leur degré d’intégration. Il est très surprenant de voir que certains de ces ensembles évoluent en sens inverse comme c’est, notamment, le cas de l’ALENA qui ne cesse de renforcer ses frontières au sein de l’union (récemment le Canada a obligé les Mexicains à prendre un visa touristique ; les USA ne cessent d’étendre le mur qui les séparent du Mexique…). En Afrique, le développement de l’intégration aurait peut être pu éviter les récents conflits en Côte-d’Ivoire, au Zaïre et la chasse aux étrangers en Afrique du Sud… L’abolition progressive des frontières entre les pays riches et les pays pauvres pourrait contribuer à l’établissement d’un re équilibrage économique entre ces pays. En effet, la libre circulation des personnes permettrait aux émigrants issus du Sud de revenir plus facilement et plus fréquemment chez eux et les citoyens des pays du nord pourraient plus facilement collaborer au développement du Sud.

Cette façon de faire procurerait rapidement des économies substantielles par la suppression qu’elle implique de nombreuses administrations liées à la surveillance du passage des frontières par les personnes. La circulation intensifiée des citoyens entre les pays devrait pousser les Etats et Gouvernements à mettre progressivement en place des politiques de gestion des grands problèmes de notre monde qui soient plus intégrés, plus multilatérales. Il est, en effet, clair que ces problèmes (pollution, réchauffement climatique, migrations, circulation des biens et des capitaux, développement durable, fiscalité, pandémies,…) se posent très souvent à l’échelle planétaire et pas seulement à une échelle nationale. L’intégration politique plus poussée serait à coup sûr un bon moyen pour mettre en place des politiques mieux à même d’apporter des solutions efficaces.

Finalement, tout se passe comme si les frontières et les gouvernements superposaient sur notre planète un réseau réticulé, une sorte de tessélation mathématique. La tessélation est une opération mathématique couramment utilisée en géométrie 3D, notamment dans les cartes graphiques 3D. Cette opération consiste à paver une surface avec un même motif. Cette transformation d’image en polygones est essentielle dans le graphisme des jeux vidéo. Les pays ou les Etats se situant à l’intérieur des zones réticulées ainsi constituées. Une bonne image de ce type de structure est donnée par un pare-brise d’automobile ayant reçu un impact. Le pare-brise ne se détruit pas mais se couvre d’un réseau de fissures reliées les unes aux autres qui délimitent sur le pare-brise des régions où le verre est intact. Généralement, le "fissurage" du pare-brise est un état qui précède sa destruction totale. On peut alors assimiler ces zones intactes aux territoires des nations ou des Etats, tandis que le réseau représenterait les frontières.
Lorsqu’un problème commun à l’ensemble des pays de la planète se présente, chaque gouvernements agissant de façon indépendante des autres, cela a tendance à produire une action incohérente et désordonnée qui au lieu de résoudre la difficulté aurait plutôt l'effet de l’aggraver. Tout se passe un peu comme si sur le pare-brise, chaque morceau de verre intact imposait une force indépendamment des autres morceaux en vue d’empêcher la rupture du pare-brise. Cette façon de faire produisant un ensemble de forces incohérentes aurait toutes les chances de conduire à la rupture du pare-brise, soit à l’inverse du résultat recherché.

Pour que les différents gouvernements du monde puissent se coordonner afin de résoudre les problèmes communs à la planète, il faudrait, au minimum, redonner aux organisations internationales, multilatérales une audience importante, notamment auprès des décideurs, écoute qu'elles sont encore loin d'avoir acquise. Elles pourraient alors jouer un rôle d'orientation, de coordination au plan mondial et guideraient toutes les politiques nationales dans un sens cohérent. Cette façon de faire, en se basant sur plusieurs "centres internationaux de conseils" indépendants mais chacun spécialisé dans un grand domaine, permettrait d'éviter l'utopie du « gouvernement mondial » tout en facilitant la résolution des grands problèmes planétaires par les gouvernements du monde.