vendredi 28 mai 2010

Sur la Science et la politique

Depuis quelques temps enfle une polémique autour de la question du réchauffement climatique. Une partie de ce débat est alimentée par l'ancien ministre Claude Allègre qui a publié récemment aux éditions Plon, un livre intitulé « L'imposture climatique ». Dans cet ouvrage, l'auteur jette un doute argumenté sur la question des origines du réchauffement climatique. Je ne reviendrai pas sur les arguments évoqués dans ce débat. Ce qui m'intéresse ici est plutôt l'instrumentalisation politique constante que subissent les sciences du climat. Le débat scientifique se trouve pollué par l'intrusion d'arguments de nature politique au point que, souvent règne une grande confusion qui n'est guère favorable à permettre aux non spécialistes d'y voir clair. Ceci est très dommageable car, si les scientifiques ne parviennent pas à convaincre le monde des dangers de la situation au plan climatique, il est, par voie de conséquence, peu probable que les décideurs politiques soient un jour en mesure de prendre des décisions susceptibles d'améliorer la situation. N'oublions pas que, dans une démocratie, les hommes politiques sont censés représenter l'opinion de leurs concitoyens. Cette implication forte de la politique dans les questions scientifiques me semble, en fait, le résultat d'une politique voulue et mise en place par les gouvernements successifs, au moins en France. Souvenons-nous du débat ancien sur les intérêts respectifs de la recherche fondamentale et de la recherche finalisée. Alors que par le passé, la recherche fondamentale était pratiquement la seule à pouvoir être qualifiée de « vraie » recherche, les politiciens, placés devant la question difficile du financement des travaux de recherche et, incapables de mettre en place des mécanismes de financement adéquats, ont trouvé LA solution au problème : contractualiser la recherche, en imposant aux laboratoires de signer des contrats dont l'objectif principal était de permettre à l'Etat d'encadrer la recherche en la soumettant, notamment, à son contrôle financier. L'intrusion de la politique dans le pilotage de la recherche a eu une conséquence prévisible soit, l'orientation de la recherche en fonction des désirs des politiciens qui devenaient de véritables bailleurs de fonds. Mais les choses ne s 'arrêtèrent pas là. Très rapidement, les carences de l'Etat en matière de financement l'ont conduit à promouvoir une recherche sur objectifs, une recherche finalisée qui, dès lors, pouvait aussi être alimentée par des crédits en provenances du monde de l'entreprise. La collusion, la confusion était installée... Les scientifiques et les politiques étaient désormais liés étroitement et la Science avait perdue une grande partie de son indépendance, de sa capacité d'innovation, de sa créativité. On comprend mieux, dès lors, les raisons qui font qu’aujourd'hui ce sont les décisions politiques qui déterminent la Science alors que l'idéal serait de faire l'inverse. Quand on connait l'importance des sondages d'opinion dans la vie politique, on ne peut que s'inquiéter de cette tendance... Verra t’on un jour prochain les choix scientifiques décidés par des sondages d'opinion? Le principe de précaution doit-il être placé par les physiciens sur le même plan que les principes de la thermodynamique ? Il est grand temps de replacer la Science, et singulièrement son financement, à la place qu'elle n'aurait jamais du quitter, c'est à dire entre les mains des savants. Le rôle des décideurs politiques est de faire des choix raisonnés à partir des éclairages qui leurs seront fournis par les scientifiques.


jeudi 20 mai 2010

La survie du français

Le débat autour de la survie du francais chez les francophones, d'où qu'ils soient, est aujourd'hui dans une impasse totale. En effet, promouvoir la nécessite pour les francophones d'apprendre prioritairement l'anglais sous le pretexte que c'est la nouvelle "lingua franca" ou parce que le travail requiert cette langue, ou pour toute autre raison, ne peut que conduire a l'affaiblissement progressif du francais. Cela se constate partout dans le monde. Le bilinguisme du type francais-anglais est toujours favorable a la langue dominante c'est une réalite mondiale. La logique de cette façon de penser voudrait d'ailleurs, si on la pousse a l'extrème, que tout le monde devienne unilingue anglophone ce qui résoudrait le problème, au moins selon certains qui ignorent l'intérêt culturel fondamental de la diversité linguistique. En résumé, donner une place privilégiée à l'anglais dans les systèmes éducatifs conduit corrélativement à affaiblir sa propre langue si celle-ci n'est pas l'anglais.

La seconde voie qui est souvent citée, serait de ne favoriser, au sein des systèmes éducatifs notamment, que la seule langue francaise au détriment de toutes les autres, y compris de l'anglais. Cette approche ne peut que conduire a l'isolement et, finalement à l'affaiblissement de la langue elle-même qui verrait alors se réduire son champ d'intervention dans la communication internationale. Elle diminuerait, en outre, l'accès des francophones aux autres cultures du monde.

Se limiter à l'un ou l'autre de ses deux choix est à mes yeux une erreur grave. En effet, le faire c'est ignorer que ce problème ne concerne pas seulement le francais mais aussi toutes les langues de communication internationale : l'espagnol, le portugais, l'arabe, l'allemand etc. Toutes ces langues sont menacées d'affaiblissement face à l'anglo-américain. Elles sont toutes, cependant, porteuses d'un riche patrimoine culturel.
La seule vraie solution me semble être de considérer qu'aucune langue ne pourra se "sauver" au détriment des autres. Il y a là une sorte d'égalité entre les langues, au moins entre les grandes langues de communication, qui est incontournable. Même l'anglais, sous l'emprise de l'hyper mondialisation, risque de se voir imploser sous l'effet d'une créolisation accélérée, trop rapide pour pouvoir être "digérée" par la langue. La survie des langues ne peut se faire à l'économie, en simplifiant le problème et en se limitant à l'apprentissage d'une langue unique. Si cela était possible, l'espéranto aurait déjà conquis la planète...

Il n'y a pas d'autre voie que celle de considérer l'égal intérêt des langues et, par voie de conséquence d'en apprendre plusieurs dès le plus jeune àge. Bien sûr, nul ne peut apprendre plus de trois ou quatre langues en plus de sa langue maternelle. Mais si chaque enfant pouvait apprendre quatre langues (y compris sa langue maternelle) sans qu'aucune de ces langues ne lui soit imposée, à lui ou à sa famille, sans que l'anglais soit systématiquement privilégié comme aujourd'hui, on peut être certain de deux choses :
- La diversité linguistique du monde en sortirait renforcée;
- La communication internationale en serait facilitée.

Concernant le second point, nous avons démontré mathématiquement (JP Asselin de Beauville, Un modèle probabiliste simple pour le multilinguisme, 78è Congrès de l'ACFAS, Université de Montréal, Montréal (Québec-Canada), 10-14 mai 2010) que cette façon de faire garantissait que deux personnes qui se rencontreraient au hasard auraient alors environ 80% de chances de pouvoir communiquer dans une langue partagée (qui ne serait pas l'anglais obligatoirement).

Bien entendu, l'évolution de la situation mondiale vers un plus juste équilibre entre les langues ne pourra se réaliser sans une révolution des mentalités. Il faut que chaque humain (y compris les anglophones qui sont actuellement les moins enclins à apprendre des langues étrangères) considère que chaque langue (et pas seulement l'anglais) est susceptible de lui permettre de communiquer, et donc de travailler, à partir du moment où elle n'est pas traitée comme une langue de rang inférieur au moment de l'apprentissage linguistique.

lundi 17 mai 2010

Le grand Miles aux Beaux-Arts

Belle exposition que celle présentée jusqu'au 29 août 2010 au Musée des Beaux arts de Montréal : "Miles Davis : le jazz face à sa légende". Pratiquement tous les arts y sont présents : la musique bien sûr, celle de Miles qui vous prend aux tripes, vous fait vibrer sur ses sonorités métalliques, tantôt douces, tantôt stridentes, construites, puis déconstruites, elles vous transportent d'années en années, de 1940 jusqu'à 1990 environ. La photographie est aussi de la fête, souvent en noir et blanc, témoignant crûment de son époque de la fragilité de l'homme... Les photos de l'agression raciste dont Miles fût victime, illustrent sobrement la ségrégation raciale qui régnait alors aux USA. Magnifique personnage que celui de Miles, toujours sensible, parfois radieux, mais souvent pensif, concentré, comme emmuré dans un univers interieur riche et tourmenté. La peinture aussi, celle de Jean-Michel Basquiat notamment, mais aussi celle de Miles qui s'y est exercé vers la fin de sa vie. Elle fût pour lui, un artifice pour reéduquer ses mains malades. Peintures aux tons vifs aux formes tourmentées et abstraites, toutes en harmonie avec sa propre sensibilité musicale. Même une sculpture monumentale de Niki de Saint Phalle nous rappelle, par sa taille, l'immensité du personnage. Plusieurs trompettes ayant appartenues au musicien, gravées à son nom, teintes en bleu, vert, rouge..., paraissent revivre dans cette atmosphère tamisée, ouatée mais toujours chaleureuse. L'agencement des oeuvres, les nombreux "kiosques musicaux" sont des incitations permanentes à se recueillir, à s'enivrer des sonorités du grand Miles.... La chronologie nous fait suivre l'évolution incroyable de la musique de Miles, celle du jazz qu'il a profondément marqué. Surtout ne manquez pas le dernier kiosque consacré à l'un des ultimes concert de Miles, donné au Spectrum de Montréal en 1989. Le son de Miles y est si présent qu'il est encore capable de vous arracher une larme. Merci a tous ceux qui nous ont permis de nous replonger dans l'oeuvre de ce très grand musicien que fut Miles Davis. Il est heureux que cette belle exposition soit présentée simultanément avec la pièce "Et Vian! dans la gueule" au TNM, qui traite, à partir de textes de Boris Vian, de la haine de la guerre qui animait, l'écrivain et trompettiste, celui-là même qui accueillit Miles en France lors de son premier voyage à l'étranger. Leur amitié nous a aussi légué l'inoubliable musique du film "J'irai cracher sur vos tombes".

vendredi 7 mai 2010

Euro-optimisme

On a toutes les raisons de se réjouir de la crise que traverse actuellement l'Union européenne (UE). En effet d'une part, les euro-sceptiques y trouvent une sorte de justification a posteriori de leur septicisme, tandis que d'autre part, les partisans de l'Union, peuvent y trouver beaucoup de raisons d'espérer. En effet, la crise actuelle place les Etats-membres dans l'obligation de revoir le fonctionnement de l'Union, notamment en revisant les mécanismes d'expression de la solidarité inter-Etats. Les succès passés de l'Europe dans les domaines monétaire, économique, commercial et universitaire, ne pouvaient dissimuler longtemps les échecs de cette même Union dans des champs clés du développement humain. Il existe encore d'immenses déficits au plan européen, en matière de gouvernance, de structure, de droit du travail, de fiscalisation, de solidarité inter-étatique, de politique linguistique et culturelle.... La bourse ne peut demeurer l'instrument privilégié de pilotage du monde moderne.

L'actuelle crise est de nature à activer la prise de conscience de ces manques chez l'ensemble des citoyens de l'Europe. Je ne crois pas, contrairement aux euro-sceptiques, que les graves difficultés que traversent la Grèce, quelles qu'en soient les causes, puissent conduire les peuples à renoncer à la construction européenne. Au contraire, elles leur donnent l'occasion de mieux percevoir la puissance acquise par les spéculateurs dans le contexte de l'Union et de la mondialisation. Aujourd'hui, plus qu'hier, ils ont bénéficié de l'UE et ont pu profiter de ce grand marché pour s'enrichir outrageusement. Face à ces multinationales de la finances que sont devenues les grandes banques d'affaire, face au poids démesuré des agences de notation, les citoyens de l'espace européen ont commencé à percevoir la nécessité d'être unis. L'union fait la force... Les malheurs de la Grèce menacent, la plupart des pays-membres. En effet, les déficits sont généralisés et les peuples le savent. Ils perçoivent les différences dans le traitement infligé à la Grèce et ce qui a été fait pour les banques lors de la "crise des subprimes".

La prise de conscience de la "nation européenne" est en marche et rien ne pourra l'arréter. Même la baisse de l'euro par rapport au dollar vient contribuer à redonner du souffle à l'économie européenne. La circulation des personnes dans l'espace européen, facilitée par l'abolition des frontières, par la monnaie unique, par le marché unique, est un catalyseur de la fermentation du nationalisme européen. L'avenir est à l'euro-optimisme. Le débat aujourd'hui ne semble concerner que les économistes et les politiciens mais les citoyens de l'Europe ne tarderont pas à unir leur voix pour se faire entendre. Ces voix là couvriront les divisions qui affectent les dirigeants européens restés arc-boutés sur leur intérêts nationaux. Déjà sur l'Acropole, une banderole appelait les "peuples d''Europe" à se soulever aux côtés de la Grèce....