Le journal « Le Monde » en date du 3-4 avril 201 publie un article co signé par Michel Rocard, Dominique Bourg et Floran Augagneur, intitulé « Le genre humain, menacé ». Dans un texte qui se veut alarmiste, les auteurs reprennent la thèse maintes fois évoquée (y compris par moi, voir, notamment les chroniques du 16-02-2011, du 21-11-2010, 21-08-2010 dans ce même blogue), selon laquelle, la gouvernance mondiale, par les actuels Etats et Gouvernements, est un échec et « qu'il sera bientôt trop tard pour remédier aux catastrophes écologiques et à leurs conséquences sociales et politiques ». Leur argumentaire semble bien résumé par les passages suivants de leur article : « Enfermée dans le court terme des échéances électorales et dans le temps médiatique, la politique s'est peu à peu transformée en gestion des affaires courantes. Elle est devenue incapable de penser le temps long. Or la crise écologique renverse une perception du progrès où le temps joue en notre faveur. … Les échecs répétés des conférences de l'ONU montrent bien que nous sommes loin d'unir les nations contre la menace et de dépasser les intérêts immédiats et égoïstes des Etats comme des individus. Les enjeux, tant pour la gouvernance internationale et nationale que pour l'avenir macroéconomique, sont de nous libérer du culte de la compétitivité, de la croissance qui nous ronge et de la civilisation de la pauvreté dans le gaspillage. ». Il s'agit là d'une mise en garde très sérieuse d'autant plus que les récentes catastrophes planétaires (Haïti, Japon, …) viennent soutenir l'argumentaire. J'ai moi-même, à plusieurs reprises, évoqué cet aveuglement des Etats et Gouvernements, l'incohérence et la division qui les animent au point de nous conduire collectivement vers une impasse... J'en suis venu à penser que s'entêter dans cette voie et persister à attendre de nos gouvernants qu'ils prennent les « bonnes » décisions, celles susceptibles de permettre à notre monde de retrouver un certain équilibre aux plans écologique, économique, sociologique..., est aussi inefficace et vain que le serait l'attente passive d'un peuple face au départ d'un dictateur... Peut-on penser, en effet, que, si les peuples Tunisien et Egyptien ne s'étaient pas révoltés, leurs dirigeants, Z. Ben Ali et H. Moubarak, auraient quitté le pouvoir de leur plein gré ? Nous devons tirer les leçons de ces évènements et de ceux actuellement en cours en Libye, au Yémen, en Syrie,.... La gouvernance mondiale ne sera pas établie par nos dirigeants politiques mais bien par les citoyens eux-mêmes, à l'exemple des changements récents dans le monde arabe.
Il faut cesser de nous en remettre à nos gouvernements si nous voulons sincèrement modifier l'état de notre planète, l'action citoyenne est la seule capable de réussir le changement. Le prix à payer sera, certes, important mais il restera d'autant moins douloureux que l'action sera non pas imposée ou attendue d'en haut mais volontaire...
Prenons l'exemple de la pollution par le CO2 : on ne peut pas dire que les décisions étatiques nous aient conduits à une amélioration dans ce domaine. Ce qui est gagné d'un côté est souvent perdu d'un autre... Malgré le « Protocole de Kyoto (signé en 2005), les émissions d'oxyde de carbone augmentent toujours...
Si, par suite de circonstances qui restent encore à établir, les citoyens d'un pays, voire de plusieurs, décidaient d'entamer collectivement des actions, même minimes, de lutte contre ce type de pollution (diminution de la consommation d'essence pour le déplacement, économies d'énergie dans le logement, pressions directes sur les industries polluantes, …), il n'est pas difficile de comprendre que les conséquences positives sur le niveau de pollution seraient très rapides. Un gain faible multiplié par des millions d'individus est souvent plus important, au final, qu'un gain spectaculaire réalisé par une seule entité... En 2007, la Chine a émis 6538.106 tonnes de CO2, ce qui, rapporté au nombre d'habitants de ce pays (1 318 000 000 environ en 2007), correspond à environ 5 tonnes par personne et par année. Imaginons que chaque citoyen chinois fasse l'effort de diminuer sa production de CO2 d'une tonne (soit de 20%), il en résulterait une diminution des émissions pour la totalité du pays de 1301.106 tonnes. Pour juger de l'intérêt de cette diminution, il suffit de rappeler qu'en 2007, le Japon émettait 1255.106 tonnes d'oxyde de carbone... Ainsi, un effort acceptable des citoyens chinois serait équivalent à la suppression de la totalité des émissions de CO2 d'un pays très industrialisé, comme le Japon... On a ici un exemple concret de l'efficacité de l'action citoyenne en matière de pollution atmosphérique.
La polémique récente soulevée au Québec au sujet de la prochaine venue du Chanteur Bertrand Cantat à Montréal, sur la scène du Theatre du Nouveau Monde (TNM) relève, à mon avis, elle aussi de la gouvernance citoyenne. B. Cantat ayant purgé sa peine à la suite de sa condamnation par les tribunaux français pour le meurtre de Marie Trintignan, il se retrouve de nouveau dans le cadre législatif commun à l'ensemble des citoyens. Lui interdire de chanter sur la scène du TNM ne peut donc se faire qu'en référence aux lois du Québec et non pas en fonction des sentiments personnels de telle ou telle autre personnalité. Par contre, c'est une décision individuelle, librement adoptée, qui peut faire que chacun de nous puisse ou non se rendre au TNM pour écouter le chanteur...
L'avenir de notre monde me semble aujourd'hui résider entre les mains des citoyens plus qu'entre celles des dirigeants politiques. Pour les mêmes raisons que celles signalées par les trois auteurs de l'article du journal « Le Monde », ces derniers ont largement prouvés leur incapacité à produire un changement au niveau mondial. Outre la question de la pollution, ceci peut s'observer sur bien des plans : question des migrations internationales, problème des déséquilibres de développement, lutte contre la pauvreté, lutte contre la drogue, … Les réflexes nationalistes de nos gouvernants, la limitation de leur horizon à celui de la prochaine élection, leurs ambitions de gloire personnelle,.. sont encore trop présents pour qu'il puissent être en mesure de dépasser les égoïsmes nationaux au profit de l'ensemble des citoyens du monde. Notre avenir est désormais entre nos propres mains, le genre humain suivra la voie ce que nous aurons choisie collectivement mais directement sans passer par la voie de la représentation démocratique …