Le texte qui suit ne doit pas être pris à la lettre mais constitue plutôt l'affirmation d'une tendance qui n'excluent pas, qu'ici ou là, des individus puissent continuer à penser selon le mode traditionnel. Notre propos, ici, est plus de mettre en exergue des orientations générales dans l'évolution de notre mode de pensée.
Au sens large, la pensée est l'activité psychique consciente dans son ensemble, les processus par lesquels l'être humain élabore, au contact de la réalité, des concepts qu'il associe pour apprendre ou pour créer. Penser, c'est produire des idées, concevoir des concepts ou des opinions à partir de la réflexion intellectuelle, de l'intelligence.
La pensée c'est aussi, une représentation psychique, un ensemble d'idées propres à un individu ou à un groupe, une façon de juger, une opinion, un trait de caractère, etc.
Ce que chacun peut constater aujourd'hui c'est que nous ne calculons plus (au sens du calcul mental) puisque les calculettes et les ordinateurs le font à notre place. Nous n'écrivons plus (au sens de l'écriture manuscrite) puisque les claviers d'ordinateurs et de téléphones portables sont devenus des intermédiaires incontournables. Nous ne lisons plus (au sens de la lecture de documents en papier comme les livres ou les journaux) puisque les écrans de télévisions, d'ordinateurs, de téléphones mobiles sont nos compagnons quotidiens. Nous ne sentons et ne touchons plus puisque nous pratiquons de moins en moins la cuisine, le bricolage, la mécanique (pensons aux réparations de nos automobiles...). Nous ne discutons plus, puisque nous sommes de plus en plus souvent physiquement isolés et branchés sur nos systèmes de sons électroniques, parceque les familles sont éclatées et que les débats familiaux se font plus rares. Nos sens sont de moins en moins au contact de la nature brute puisque celle-ci s'éloigne de plus en plus de nous et que nos activités se déroulent majoritairement en intérieur... Notre approche du monde réel se fait, le plus souvent, à travers la réalité virtuelle présentée sur nos écrans.... Même l'activité physique, qui sert à développer nos muscles et nos sens, se fait plus rare au point que l'obésité nous gagne. L'activité d'analyse intellectuelle diminue elle aussi car elle requiert la lecture approfondie de textes et le temps de la réflexion. Or, la lecture approfondie ne peut se faire sur un écran d'ordinateur où seuls sont retenus les gros titres, les accroches...et le temps nécessaire à la pensée lui se fait rare car, comme on le dit souvent, "le temps c'est de l'argent" et l'argent, devenu la valeur essentielle, ne doit pas être perdu.
Même les langues sont aujourd'hui atteintes par une lente dégradation de leur rigueur de leur précision, due, le plus souvent, à des "frottements avec la langue dominante, l'anglo-américain, qui, par des effets de mode, conduisent à des approximations grammaticales, syntaxiques et lexicales. On perd en précision or, comme écrivait Albert Camus, "Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde". On oublie le précepte de Nicolas Boileau "Ce qui se conçoit bien, s'énonce clairement- Et les mots pour le dire viennent aisément".
L'université, elle-même, forme de moins en moins au développement de l'esprit critique, les chercheurs, les enseignants et les administrateurs de l'institution étant désormais dépendants des financements liés, offerts par les entreprises privées. La perte de liberté de choix qui s'ensuit, pour les enseignants-chercheurs notamment, est peu propice à la valorisation de l'esprit critique...
D'ailleurs, les effets de cette évolution sur la pensée contemporaine sont perceptibles. On entend très souvent des jugements ou des appréciations qui s'expriment en deux ou trois mots : "c'est cool", "c'est cute", "interéssant", "c'est le fun", ou plus précis encore, "c'est super le fun", "c'est bon",.... Parfois certains jeunes adultes font des confidences surprenantes : récemment une jeune ingénieure franco-algérienne me disait "je suis incapable de voir des films français car ils ne contiennent pas assez d'action, ils ne sont pas assez spectaculaires comme le sont les films américains". L'analyse politique est souvent limitée à des jugements superficiels : "il (ou elle) est beau", "il (ou elle) ne sait pas s'exprimer", "elle (ou il) est mal vêtue", "Moi, je n'aime pas beaucoup les élections",...
Tout se passe comme si l'analyse intellectuelle devait se limiter à une simple expression d'affectivité, comme si la pensée était de moins en moins structurée car, ayant peu d'occasions de s'exercer à l'être... Le fouillis des références accumulées sur Internet tend à produire, chez certaines personnes, un discours confus peu propice à l'action.
Ce "déficit de pensée" pourrait, peut être, expliquer l'absence de projets politiques d'envergure qui s'observe un peu partout dans le monde.
Il existe deux principales écoles d'apprentissage de la pensée : la formation (primaire, secondaire et supérieure) et l'éducation parentale. Il se trouve que ces deux écoles sont aujourd'hui en crise. La formation d'abord, parcequ'elle souffre de la démocratisation des institutions, placées devant l'obligation d'accueillir de plus en plus d'apprenants avec des moyens et des ressources qui n'ont pas suivis. L'éducation par les parents qui a pâtit de la crise du couple, des divorces et du manque de temps des parents à consacrer à l'éducation de leurs enfants, les deux parents étant obligés de travailler pour faire face aux besoins du couple, tandis que la productivité du travail croît régulièrement.
Les solutions ? J'en vois au moins deux types :
- Renforcer les valeurs morales, l'éthique des individus à travers l'éducation parentale notamment, mais aussi en s'appuyant sur les religions, les syndicats, les partis politiques, les associations,...
- Redonner à l'école et, singulièrement, aux universités le rôle essentiel de former à l'esprit critique en s'aidant, notamment, de l'enseignement et de la recherche en Histoire et en Philosophie des Sciences, en Ethique, et en permettant aux universitaires d'exercer leur droit à la liberté de penser.
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