lundi 13 août 2012

Contre le « vote stratégique »


En cette période de préparation des élections législatives au Québec, prévues pour le 4 septembre 2012, une rumeur circule de plus en plus au sein de la population : pour se débarrasser du Parti libéral (PL) et du Premier ministre actuel, monsieur Jean Charest, la meilleure stratégie serait de voter pour le Parti québécois (PQ) même si ce vote n'était pas un choix premier. En d'autres termes, il vaudrait mieux voter pour un « grand » parti plutôt que pour un « petit ». Dans le contexte québécois, sont assimilés aux « grands partis », le PL et le PQ, tandis que des partis plus récents (Québec Solidaire (QS), Coalition Avenir Québec (CAQ), Option nationale (ON)) seraient considérés comme de « petits » partis. Ce type de vote est qualifié de "vote utile" en France et de "vote stratégique" au Québec...

Il me semble que, si le changement du paysage électoral est le but visé, ce raisonnement est erroné pour au moins trois raisons :
Si les électeurs de gauche votent en masse pour le PQ en respectant un vote stratégique, alors il est normal de penser que les électeurs de droite feront le même type de raisonnement et voteront stratégiquement pour le PL. Dans cette hypothèse, on voit peu de chance de changement à l'horizon car d'une part, l'électorat se partage presque à égalité entre la gauche et la droite et, d'autre part, il est reconnu que le parti au pouvoir au moment des élections jouit d'un avantage indéniable. En conséquence, le PL aurait toutes les chances de conserver le pouvoir et il n'y aurait aucun changement dans le paysage politique du Québec.
L'examen du passé politique récent, plus précisément des dernières élections fédérales canadiennes de 2011, montre que si l'électorat avait pratiqué un vote stratégique alors le Bloc Québécois (BQ), censé représenter les intérêts des citoyens du Québec au niveau fédéral, serait toujours bien représenté au Parlement fédéral. En effet, traditionnellement, la gauche québécoise votait régulièrement et majoritairement pour le BQ assurant ainsi une forte représentation de ce parti au niveau fédéral. Contrairement à cela, il s'est produit un immense changement dans le paysage électoral fédéral avec la quasi disparition du BQ de la scène politique. Cela n'a pu se produire que parce que les électeurs ont pris le parti de voter pour un parti jusque là peu influent au Québec, le Nouveau Parti Démocratique (NPD). Cette façon non stratégique de voter à permis que le NPD sorte de ces élections avec le statut d'opposition officielle alors, qu'auparavant il était considéré comme un « petit » parti fédéral.
Avec le système électoral actuellement en vigueur au Canada, avec un seul tour de scrutin, le vote stratégique ne laisse aucune chance aux « petits » partis de pouvoir devenir un jour des partis qui jouent un rôle important. La seule façon de pouvoir modifier le paysage politique dans un tel contexte est justement que chaque électeur se décide en fonction de ses convictions intimes sans adopter le vote utile ou stratégique. De cette façon, un « petit » parti peut avoir la chance de devenir un parti qui compte.

Dans le cadre de la future élection du 4 septembre au Québec, il ne faut donc pas empêcher les citoyens qui le désirent de voter pour QS, pour la CAQ ou encore pour ON car ce sont, en fait, les seuls partis susceptibles d'apporter du sang neuf, de renouveler le paysage politique du Québec, face aux partis plus anciens qui ont déjà monopolisé le pouvoir pendant de longues périodes, tels quel le PL et le PQ... Ne vaut-il pas mieux prendre le risque de voir le PL conserver le pouvoir mais avec une opposition renouvelée et rajeunie, plutôt que de voir le pouvoir occupé par un parti usé qui n'aurait face à lui qu'une opposition sans force ?

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