La clé du rétablissement de la situation à Haïti me semble devoir être recherchée dans une direction prioritaire : celle de la mise en place d'un système éducatif performant. Le dire n'est pas suffisant, il faut encore préciser ce que l'on veut dire.
Le premier point est que le système éducatif est un tout non divisible. Il convient de réformer tant l'école primaire que secondaire sans négliger l'enseignement supérieur. Aucune de ces trois composantes ne doit être priorisée par rapport à une autre. Il faut, en effet, qu'un jeune puisse poursuivre sa formation sans interruption depuis la petite enfance jusqu'à l'age adulte. Il est prouvé aujourd'hui, que si cette chaine de formation possède un point faible, c'est toute l'efficacité de la formation qui pourra subir des dégâts. Un enfant qui a appris à lire pendant son école primaire et qui, faute de pouvoir accéder à un établissement d'enseignement secondaire, doit arrêter sa formation, courra le risque à terme de tomber dans l'illettrisme...
Le second point d'importance est que le système éducatif soit placé sous la responsabilité de l'Etat haïtien et de lui seul. Il n'est pas bon que les confréries religieuses ou d'autres obédiences privées se voient confiées une part significative de la formation des jeunes. Si le privé peut intervenir, il ne doit pouvoir le faire qu'à la marge et en tous cas sur la base de programmes agrées par l'Etat. Il est, en effet, essentiel que les jeunes puissent posséder, à l'issue de leur formation, des références communes et que celles ci soient aussi objectives et rationnelles que possible afin de combattre le développement d'idées obscurantistes et irrationnelles qui peuvent être entretenues par certains groupes religieux. On ne doit pas oublier, par exemple, que lors du dernier séisme on a pu voir trop de personnes en prière évoquant le ciel au lieu de se précipiter pour porter secours à ceux qui étaient emprisonnés sous les décombres... (Le beau livre-témoignage du professeur K. Logossah, « L'éternité d'un instant – Séisme du 12 janvier 2010 à Port-au-Prince », Editions Velours, Paris, 2012, est explicite sur ce point). Il faut tout faire pour que les principes de la laïcité soient mis en oeuvre au sein du système éducatif.
L'enseignement supérieur, enfin, doit être remis en état de façon à devenir comparable aux références internationales du domaine. Il est anormal de voir pousser des établissements privés sous la dénomination d'université, alors même qu'il n'existe, par exemple, aucun enseignant docteur dans cet établissement. L'enseignement supérieur est un maillon essentiel du système. En effet, c'est lui qui est chargé de la formation des enseignants tant au niveau primaire, que secondaire et supérieur. Ce niveau de formation est aussi le berceau de l'innovation, de la recherche, de la formation de cadres de niveau intermédiaires utiles au développement.
Tout cela ne pourra se faire rapidement et nécessitera du temps (la formation d'une génération ne peut se faire qu'en environ 20 ans). Il faudra s'appuyer sur l'aide des universités étrangères au début mais il faut, notamment parce que la remise en état sera longue, commencer le travail sans tarder. Il en va de l'avenir des futures générations d'adultes... On ne peut, dans ce contexte, que regretter que l'Institut Aimé Césaire qui avait été mis en place par la Francophonie avec l'aide de l'Etat Haïtien et de l'Université des Antilles et de la Guyane n'ait pas survécut au séisme de 2010. Cet Institut avait déjà commencé à former des cadres de haut niveau (master et doctorat) dans les domaines de la gestion et de l'administration. Certains des premiers étudiants diplômés occupent d'ailleurs déjà des emplois de cadres dans plusieurs entreprises ou administrations haïtiennes. L'effondrement du bâtiment qui l'abritait a non seulement entrainé la mort de onze étudiants et d'un professeur mais il a permis, malheureusement, aux forces rétrogrades d'en profiter pour faire disparaître ce fleuron de l'enseignement supérieur dans la Caraïbe.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire