dimanche 18 juillet 2010

L'Homo democraticus hyper connecté

La sociologue Dominique Schapper, membre du Conseil constitutionnel en France, s'interroge, dans un récent article du Journal "Le Monde" (15 juillet 2010) sur le thème En qui peut-on avoir confiance? Dans cet article elle met en avant, notamment, le déclin des institutions, la crise des experts et la remise en cause des discours scientifiques. Elle constate que l'être humain contemporain (L'Homo democraticus) fait montre d'une défiance extrème par rapport à tout ce qui l'entoure. Elle attribue une grande part de la cause de cet état à la contradiction vécue entre une dépendance de plus en plus étroite aux autres (scientifiques, techniciens, politiciens, administratifs,...) alors que nous ne cessons d'affirmer notre irréductible individualité et notre droit absolu à l'autonomie intellectuelle. Face à cette situation, elle indique que la seule voie qui soit conforme à la vocation de la connaissance scientifique et aux idéaux de la démocratie, la seule à laquelle nous puissions faire une confiance critique, c'est celle de la raison.

Cette analyse me semble pertinente à plus d'un titre. Je voudrais seulement signaler un paramètre qui me paraît de nature à expliquer, lui aussi, une grande part de la situation de confusion intellectuelle dans laquelle est plongée l'être humain aujourd'hui. Il s'agit de l'hyper connectivité de l'individu moderne. En effet, le développement des techniques et de la mondialisation font qu'aujourd'hui, l'individu reçoit de l'information en grande quantité et de toutes provenances. Celle-ci est, bien sûr, acheminée par les voie traditionnelles : presse écrite, radios, télévisions, mais de plus en plus aussi par Internet et le téléphone mobile. Les réseaux sociaux (Facebook, Tweeter,...) sont omni présents dans la vie quotidienne des gens.

Les conséquences de cette hyper connectivité ne sont pas toujours évidentes mais, on ne pourra pas les négliger très longtemps car leurs effets sont déjà perceptibles. D'abord, information n'est pas connaissance. Pour faire court, on peut dire que la connaissance c'est de l'information structurée. Faire émerger de la connaissance d'une quantité d'information requiert donc un certain effort, un certain travail de structuration de cette connaissance. Plus la quantité d'information sera importante et plus cet effort devra être grand. Autrement dit, plus le temps d'analyse nécessaire à faire émerger de la connaissance sera long. Or, l'individu moderne voit de plus en plus son temps libre envahi par les émétteurs d'information (Internet et le téléphone mobile notamment). En dehors du temps consacré à ses activités professionnelles, à sa vie sociale et familiale, à ses loisirs, il ne lui reste pratiquement plus de temps pour la réflexion intellectuelle. On peut déjà s'en rendre compte par certains signes comme la diminution du lectorat de la presse écrite, comme la diminution de la vente de livres, comme la baisse de fréquentation des lieux de spiritualité ou d'analyse politique, comme le décrochage scolaire généralisé,... décroissance d'activités qui sont pourtant essentielles à la réflexion intellectuelle...

L'être humain contemporain est donc à l'image d'un récepteur d'informations, qui capte des sources émettrices en grande quantité et qui, faute de temps et de moyens, n'est pas en mesure d'analyser cette immense quantité d'information. Il se retrouve donc déboussolé, incapable de formuler le moindre projet de grande envergure, occupé qu'il se trouve à capter toute l'information qui lui arrive. Dès lors, sachant que les institutions sont bâties par les êtres humains, comme les expertises, comme les discours scientifiques,.... est-il anormal de voir la confiance à leur égard décroître ? La voie de la raison évoquée par D. Schanapper, le refus du relativisme absolu et celui de l'idée que tout se vaut, ne pourront pas être mis en oeuvre sans un réflexe salvateur de remise en avant de la pensée intellectuelle, du débat, de l'analyse des faits et des idées. Cela demandera un grand effort de remise en cause de notre mode de vie afin de pouvoir dégager du temps et de se donner les moyens intellectuels pour ce changement.

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