mercredi 14 juillet 2010

Une illustration de la diversité culturelle franco-québécoise : le rapport au corps

Lorsque il y a un peu plus de dix ans, je suis arrivé à Montréal pour venir y résider, j'ai rapidement pu noter des différences dans le comportement quotidien des gens. J'avais l'impression de mettre mal à l'aise les femmes lorsque, en guise de salutation, je les embrassais, ou lorsque je serrais la main en toutes occasions aux hommes. Très vite, je me rendis compte qu'ici les contacts physiques n'étaient pas la règle, contrairement à ce qui se passait en France. Alors qu'en France, les bises, entre hommes et femmes, se font en série, allant parfois jusqu'à six bises sur les joues en alternance, ici un simple "Hi" ou "bonjour" suffisait à marquer les retrouvailles. Je fus aussi très surpris lorsque je me rendis compte que mon médecin généraliste québécois ne me palpait pratiquement jamais lorsque je lui rendait visite. L'examen se faisait surtout à l'aide de questions mais rarement en s'aidant de palpations du corps. Plus tard, après avoir pu connaitre plus intimement les familles québécoises, je constatais que, là aussi, la relation au corps était peu prisée. Les embrassades se limitent à une simple bise, les "jeux de mains" entre les adultes et les enfants ou entre les enfants sont généralement mal vus. Entre adultes, ils sont souvent vécus comme de véritables agressions....

En France, à l'inverse, ces mêmes contacts sont plutôt encouragés, les contacts (petites tapes, caresses,...) entre adultes et enfants semblent normales et les adultes eux-mêmes n'hésitent jamais à se toucher même si cela ne va pas aussi loin que dans les pays d'Afrique ou d'Amérique du sud où les contacts physiques font partis du code social. Les français se tapent dans le dos, se serrent les mains, s'embrassent sur les joues ou sur la bouche, se tiennent par la main,... en toutes occasions. La vie associative en France est extrèmement développée, beaucoup plus qu'au Québec... De façon générale, plus on se déplace du nord vers le sud et plus les contacts physiques entre personnes sont valorisés. Montrer le corps en France pose moins de problème que dans les sociétés nord-américaines. Il suffit de comparer les expressions de la publicité pour s'en rendre compte.

Je ne prétends pas connaître l'origine de cette différence de comportement mais, elle a sans doute une origine dans le modèle culturel dominant au Québec qui est plus anglais que français. Il faut croire que la descendance française et amérindienne des québécois a été dominée par le côté puritain des protestants anglais. En outre, la faiblesse de la densité de population au Québec aura, peut être, joué un rôle dans la mise en place de cette distance corporelle. La France, de son côté, aura sans doute été plus influencée par les cultures italienne, espagnole et africaines notamment. La religion catholique a, de plus, été moins défavorable au contact des corps que le protestantisme.

Les conséquences de cette façon de vivre sont visibles : le lien social au Québec, et sans doute plus généralement en Amérique du nord, semble plus faible qu'en France et dans les pays du sud. Tout se passe comme si le peu d'attrait pour les contacts physiques entrainait, corrélativement, peu d'intérêt pour un lien social approfondi. Les mondanités ici sont plus rares, les réceptions au sein de la demeure familiale sont réservées à la proche famille et rarement aux amis, les repas pris en famille sont plus rares et moins valorisés (une simple gamelle avalée en vitesse sur un coin de bureau fera souvent office de déjeuner), les manifestations syndicales ou politiques sont peu nombreuses (à tous les sens du terme : peu fréquentes mais aussi peu fournies), l'éducation des enfants est essentiellement basée sur le contact mère-enfant et l'enfant est peu encouragé au contact physique avec ses proches.... Tout cela concourant à renforcer l'isolement de l'individu dans une société marquée par un puissant individualisme.

Il s'agit ici seulement de participer à une réflexion qui me semble nécessaire si l'on souhaite mieux comprendre son environnement avec l'objectif de faire évoluer les sociétés...

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