Le dernier livre de Rodney Saint-Eloi, intitulé "Haïti kimbe la!" (Editions Michel Lafon, Neuilly-sur-Seine (France), 2010), se veut une relation de l'expérience vécue par l'auteur lors du séisme qui a frappé Haïti le 12 janvier 2010. Effectivement, on y découvre comment il a pu échapper à la mort grâce à ce que l'on pourrait qualifier de hasard ou de chance. Comment son ami, Dany Laferrière, en l'invitant a diner, a contribué à lui sauver la vie.... On peut aussi, par cette lecture, ressentir toute la souffrance des Haïtiens meurtris dans leur chair par ce drame qui n'a épargné personne mais qui a, une fois de plus, décimé surtout les plus pauvres d'entre eux.... Le livre nous fait vivre, presque minute par minute, l'existence de la population de Port-au-Prince dans sa lutte quotidienne pour sa survie. L'auteur évoque aussi, mais a mon avis, sans vraiment apporter d'éléments nouveaux, les causes des malheurs actuels de la République de Haïti. Son histoire mouvementée et par bien des côtés, dramatique. La colonisation française puis « états-uniène » est rappelée, ainsi que l'incapacité des dirigeants haïtiens à assurer le développement du pays...
Ce qui me touche plus particulièrement dans cet ouvrage est le style de l'auteur, souvent, poétique et même lyrique. Un lyrisme que l'on retrouve, d'ailleurs, dans la belle préface de l'écrivain algérien, Yasmina Khadra chantant la fraternité des écrivains issus des peuples «damnés de la Terre». L'écriture est fluide et le texte se lit de façon continue sans accroc, un peu comme une longue prière adressée aux dieux protecteurs.... La narration est d'une structure simple et, personnellement, j'ai lu cet ouvrage avec plaisir et en très peu de temps. Un des intérêts majeur du livre est, à mon avis, lié à tout ce que l'on apprend sur la vie de l'auteur.
J'ai eu l'occasion de rencontrer Rodney à plusieurs reprises depuis que je réside à Montréal et, bien que nos origines créoles, aient contribuées à nous rapprocher, je ne le connaissais que superficiellement. Ce livre m'a permis de mieux cerner son histoire personnelle, celle de sa famille proche, ses amitiés souvent fortes et passionnelles... J'ai ressenti au travers de ce texte toute la créolité du personnage, son attachement profond à son île et son déchirement d'exilé, sentiment bien connu de nombreux caribéens dont la vie se partage entre leur île et leur pays d'accueil. Comme, il l'écrit lui-même, il espère "que ce livre fera taire en lui les fureurs du goudou-goudou" (terme imagé, utilisé par les Haïtiens pour désigner le séisme).
A l'heure où Haïti vote, afin d'élire un nouveau Président et une assemblée nationale renouvelée, cet ouvrage prend tout son sens en faisant percevoir au lecteur l'immensité de la tâche qui reste à accomplir, alors que pratiquement plus rien ne fonctionne normalement, que plus de 80% des cadres sont à l'extérieur, que les familles sont presque toutes dans le deuil, que l'épidémie de choléra frappe, que la classe politique est paralysée, que la corruption règne et que la misère frappe une très grande partie du peuple...
Cependant, Rodney Saint-Eloi n'oublie pas que la culture est un atout maître pour le peuple haïtien et il s'appuie, pour cela, sur l'exemplarité de l'écrivain Franketienne qui : "écrit. Il monte des pièces de théâtre qu'il joue. Il chante. Il peint. Il attend le prix Nobel. Dans cette effervescence, il reconstruit sa maison. Un sacré rappel à l'ordre...."
Voilà un ouvrage d'une actualité brulante, d'une lecture facile et agréable que devrait lire tous ceux qui s'intéressent de près ou de loin à Haïti.
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