dimanche 20 février 2011

Les "glissements" politiques

Depuis un certain temps, on observe une tendance des membres des partis politiques à oublier leurs engagements en faveur de tel ou tel parti pour devenir membre d'un autre parti.

En France, le Président Sarkozy a gagné une relative célébrité en recrutant dans ses gouvernements ou en facilitant l'accès à de hautes fonctions, des membres des partis de gauche et, notamment du Parti socialiste (PS). Le recrutement de l'ex socialiste Eric Besson comme ministre, est encore dans tous les esprits. On pourrait ainsi dénombrer une quinzaine de personnalités de gauche qui ont cédé à la tentation de l'ouverture faite par le Président Français.
Ce phénomène n'est pas spécifique à la France. Il peut s'observer dans bien des pays, en Europe, et est aussi à l'oeuvre en Amérique du Nord et au Québec notamment. L'Histoire du Québec révèle de nombreux "glissements" de ce type. Parmi les plus spectaculaires et les plus récents, on pourrait citer la nomination de la journaliste Michaëlle Jean au poste de Gouverneur Général du Canada par le Premier ministre Libéral Paul Martin. Cette nomination souleva une polémique au Québec du fait des engagements précédents de la journaliste en faveur des souverainistes québécois. Plus récemment encore, un ancien Premier ministre du Québec, membre du Parti Québécois, Lucien Bouchard, vient d'accepter d'être nommé, par le Premier ministre Libéral, à la présidence du Conseil de l'Association pétrolière et gazière du Québec. Une ex ministre "péquiste" (membre du Parti Québécois), Diane Lemieux, vient d'accepter la Direction de la Commission de la Construction du Québec... Aux Etats-unis d'Amérique on se souvient encore de l'achat de certains votes au moment des élections importantes.

Parallèlement, on observe, particulièrement dans l'ensemble des pays les plus riches, une tendance à la désaffection des citoyens à l'égard de la vie politique. Le nombre des adhérents aux partis politiques ou aux syndicats est en baisse, et les citoyens sont de moins en moins nombreux à se définir politiquement par identification à un parti. Enfin, les grandes associations d'obédience politique ou religieuse, notamment les associations de jeunesse, les syndicats, ont vu fondre leurs effectifs. Les programmes des partis politiques sont de moins en moins différentiés de sorte que la "Gauche" et la "Droite" en viennent à se confondre. Il faut aller, de plus en plus, vers les extrémités de l'échiquier politique pour distinguer des différences entre les partis. Ceci peut, d'ailleurs, expliquer, en partie, la montée des partis d'extrême droite observée dans le monde. En ce sens, on peut dire qu'un certain processus de dépolitisation est en cours.
Il est clair que ce phénomène ne peut pas rester sans conséquence sur la vie politique et peut donc, au moins en partie, expliquer les "glissements politiques" dont il a été question plus haut. Les citoyens, quels qu'ils soient, étant moins ancrés au sein de certitudes politiques peuvent plus facilement pratiquer le "zapping politique". D'ailleurs c'est un phénomène bien connu des instituts de sondage : il n'est plus rare de voir des électeurs de gauche reporter leurs votes sur des candidats de droite et réciproquement. Il est d'ailleurs particulièrement signifiant de voir, comme cela a pu être observé en France notamment, des électeurs basculer de l'extrême gauche à l'extrême droite ou l'inverse... Mais de plus en plus, les glissades des politiciens viennent nourrir la dépolitisation populaire.

Ces constatations s'accompagnent, en outre, d'un manque de dirigeants charismatiques, ainsi que d'une absence de mobilisation puissante autour de grands projets. Dans un tel contexte, sans projet à échelle mondiale, sans leader et sans foi, il n'est pas étonnant de voir errer les personnes entre les différentes opportunités politiques qui s'offrent à elles.
De façon plus précise, on connait de grands projets susceptibles de mobiliser le monde. Pour n'en citer que quelques uns : le développement durable, la lutte contre les changements climatiques, le combat pour une répartition plus harmonieuse des richesses, la construction d'ensembles internationaux solidaires, l'abolition des frontières, la gestion des flux migratoires,... Cependant, ces projets ne sont pas encore portés par des groupements ou par des personnes suffisamment charismatiques pour pouvoir rassembler les peuples sur une grande échelle.

Il ne faut pas désespérer pour autant, de voir des changements durables se produire. Les révoltes récentes qui se sont, ou qui sont en cours, produites dans le monde arabe, montrent que, même dans un tel contexte difficile, une amorce de changement reste possible. Les populations lorsqu'elles ont atteint un certain niveau de désespoir, n'ont plus rien à perdre et, alors, la révolte peut éclater à la moindre étincelle. Malheureusement, la révolte, à elle seule, n'est pas garante de l'atteinte des objectifs souhaités et les divisions, lorsque le projet n'est pas clair, peuvent toujours venir obérer l'avenir.

Il me semble donc que ces "glissements politiques" peuvent constituer un bon indicateur du niveau de déliquescence des convictions politiques des citoyens. Ils sont le témoignage d'une perte de confiance en l'avenir ainsi que d'absence de consistance dans le débat politique.

Dans un monde sans idéologies, sans utopies, sans certitudes, l'aventure est toujours au coin du chemin... L'évitement des chemins sans issus ne pourra venir que d'un renforcement de la prise de conscience individuelle des citoyens relativement à l'avenir de notre planète. Une fois chacun d'entre nous convaincu de la voie à suivre, une fois que chaque citoyen aura fait sien un projet d'avenir solidaire pour le monde, alors la prise de conscience collective sera possible et le changement durable à l'horizon...

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