samedi 11 février 2012

Une nouvelle réforme universitaire cosmétique ?

Le classement de Shanghai avait pour objectif premier de situer les universités chinoises parmi ses concurrentes dans le monde. Or, on constate, qu'en France (mais pas seulement dans ce pays), ce classement a servi de prétexte au gouvernement pour réformer les universités en fonction de critères susceptibles de permettre aux établissements d'enseignement supérieur de ce pays de mieux figurer dans les classements à venir. C'est ainsi que l'on a vu récemment naitre huit « super universités » par regroupement d'anciennes (voir, par exemple, le journal Le Monde en date du 9 février 2012).

On est en droit de s'étonner de cette conséquence d'un classement produit en Chine pour des raisons proprement chinoises. En effet, la réforme n'est pas faite en vue de mieux servir les étudiants français mais en vue de mieux figurer dans un classement issu de l'étranger. Plutôt que de tenter de répondre aux besoins du développement régional, national et européen dans le domaine universitaire, le redécoupage actuel vise à satisfaire des objectifs définis dans un pays lointain et dans un contexte complètement différent... Ce mode de gouvernement ne peut que surprendre et décevoir.

Il est clair que la diffusion internationale du classement de Shanghai a donné beaucoup d'importance a son contenu et, les universités qui s'y sont retrouvées en bonne place, ont vite fait d'exploiter ce classement à leur profit en le faisant connaître. De ce fait, cette publication a acquis un prestige et une réputation indéniables. Il y aurait pourtant beaucoup à dire sur les critères choisis pour effectuer le classement. Il est bien connu que le choix des variables conditionne largement les résultats d'un tel calcul. N'aurait-il pas été plus rationnel et plus conforme à l'intérêt des usagers de l'université que les causes de la réforme soient plus orientées vers les vraies missions de l'université à savoir la formation des étudiants et la création de connaissances?

Si cela avait été le cas les responsables politiques français auraient sans doute compris que c'est moins la taille des établissements qui joue un rôle que le budget disponible pour les usagers de l'université. Les premiers etablissements du classement de Shanghai sont trois établissements des Etats-unis-d'Amérique (Harvard, Stanford, Massachusetts Institute of Technology) qui ne rassemblent jamais plus de 21000 étudiants chacun mais dont les budgets sont très supérieurs à ceux des meilleures universités françaises (Le seul budget de Harvard équivaut au budget total de l'enseignement supérieur en France). A quoi servira donc la création de ces « super universités » qui regroupe toutes (à l'exception Paris-Sciences-et-Lettres) plus de 40 000 étudiants ? On trouve même au sein de ce groupe une université (Sorbonne-Paris-Cité) qui regroupe 120 000 etudiants ? La France se confond elle subitement avec la Chine où des universités de cette taille et au delà sont fréquentes ?

Encore une fois, le gouvernement donne dans la facilité et dans le cosmétique ... On peut douter des effets de cette réforme sur le fameux classement de Shanghai mais ce dont on peut être sûr c'est que les besoins des populations seront loin d'être satisfaits? Pire encore, on risque, par cette recherche d'une soi disant taille-critique, de compliquer la situation et de rendre plus difficile le fonctionnement et la gestion des universités nouvelles. Plutôt que de vouloir à tout prix copier le modèle universitaire anglo-saxon, caractérisé par une certaine pluridisciplinarité et une gouvernance commune, il aurait pu être plus intelligent de conserver les universités anciennes en les incitant, sur la base de contrats de financement par exemple, à introduire plus de pluridisciplinarité en leur sein. Il faut d'ailleurs noter que des universités pluridisciplinaires existent déjà en France depuis plusieurs années. C'est le cas de la majorité des universités françaises.... Ces universités ne figurent pour autant pas en bonnes places dans le classement de Shanghai. Pour cela, il leur faudrait surtout disposer de moyens supplémentaires pour leurs locaux, leurs laboratoires, leurs enseignants-chercheurs et leurs étudiants... Autre exemple, au Quebec, l'université McGill qui figure au 61e rang du classement de Shanghai en 2010, est une université pluridisciplinaire qui regroupe moins de 40 000 étudiants mais dispose d'un budget de l'ordre de 650 millions d'euros sans commune mesure avec le budget d'une université française de taille comparable. Ainsi, une des meilleures universités françaises, l'Université de Paris 6 avec environ 30 000 étudiants dispose d'un budget annuel de l'ordre de 300 millions d'euros, soit à peu près la moitié du budget de l'Université McGill...

Comme dans bien d'autres domaines, le gouvernement français a répondu à de vrais problèmes par de fausses solutions... L'échec de la récente réforme de la formation des enseignants n'a pas servi de leçon et c'est bien dommage...

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